Communiquer sur le risque : un véritable casse-tête

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Communiquer sur le risque : un véritable casse-tête Exemple de la directive européenne sur le risque PRION

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages0
  • Imprimer la page

La feuille de route Européenne sur le risque Prion propose de relâcher sérieusement la contrainte sur les exigences PRION, considérées comme excessives compte tenu du recul acquis sur la maladie. Cette directive, d’abord orientée vers la réintroduction de certaines farines animales et le relâchement de contraintes de surveillance, contient d’évidents prolongements sur le traitement du risque PRION en médecine (notamment pour la stérilisation). Mais le dire n’est pas le faire. Ce type de correction intervenant, dans le second temps d’une communication qui fut d’abord très inquiétante sur un risque, reste un véritable défi théorique et technique dans nos sociétés.

  • Politiques publiques de la gestion des risques
  • Fondamentaux de la gestion du risque
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 03/08/2020

Les solutions les plus simples et les plus fréquentes pour communiquer avec succès dans ces conditions difficiles ont surtout démontré leur inefficacité.
Une première (mauvaise) solution simple consiste à ne plus en parler ou à complètement minimiser en pariant sur le vieux proverbe « perdu de vue, oublié » ; « loin des yeux, loin du cœur ». Mais cette solution est clairement à risque si l’évocation du problème revient de temps en temps. Slovic et al (1982) a démontré que la communication des risques, ayant une très faible probabilité, peut avoir un effet contre productif important de majoration perçu de ce risque dans la population quand ce risque émerge à nouveau (moins on en parle, plus le risque est considéré comme caché dans nos sociétés, et donc suspect d’être encore plus dangereux).

Une autre solution tentante consiste à prôner une approche paternaliste considérant la population comme immature, nécessitant une éducation scientifique préalable pour comprendre « le vrai risque ». On lui assène alors une communication à la fois partielle et simplifiée, mais scientifique, et toujours très technique, pleine de chiffres « vrais ». Cette solution est presque pire que la précédente, en générant un dialogue totalement asymétrique (une voie descendante uniquement), avec pour conséquence une absence d’adhésion quasi systématique du public. La raison de la faible adhésion est simple : même avec la pseudo simplification du discours, le niveau de connaissance requis pour comprendre ces chiffres dépasse largement la connaissance moyenne du public, rend le discours inaccessible, mettant dans l’obligation le public d’être, soit dans la confiance aveugle, soit dans le rejet suspicieux, une dernière posture de loin la plus fréquente.
Les suites de Tchernobyl en France sont un bon agrégat des deux styles : d’abord ne pas communiquer ou minimiser (le nuage s’est arrêté à la frontière), puis communiquer avec une justification technique par la voie des plus grands experts (explications des doses, des particules radio actives, avec forces cartes de France techniques simplifiées).

La perception du risque et sa communication réclament des actions bien plus complexes que ces deux idées simples pour réussir. Les clés relèvent des connaissances nous venant de la psychologie, la sociologie et l’anthropologie. Luhmann (en 1986) décrit la perception du risque comme le résultat d’un processus d’acceptation social. Il n’y a rien de pire pour communiquer que de parler de risque « réel » ou de « risque objectif » (Slovic, 1992). Le risque doit être intuitivement et immédiatement compris par le public en écho de ses propres peurs. La communication sur le risque consiste à modifier ces peurs et leurs représentations, mais ne peut le faire qu’en partant de ces peurs, aussi inexactes et irrationnelles soient-elles pour le scientifique de base. En bref, le langage des représentations prime sur le langage du réel scientifique. Pour réussir, il faut à la fois reconnaître la structure de la représentation collective ; par exemple, le risque PRION n’est pas perçu comme tel par la population (un risque sanitaire), il est d’abord perçu comme l’absence de moralité dans la gestion des bénéfices agricoles. Pour le réduire, il faut communiquer (et être crédible), non pas sur la réduction du risque PRION dans un espace médical en expliquant qu’on réduit les protections parce que le risque s’avère moins grand, mais sur la restitution d’une moralité et d’une surveillance effective du marché de l’alimentation du bétail.

Si cette condition est remplie, la confiance revient chez les managers, qui peuvent en retour répondre au public de façon plus pertinente sur les vraies craintes ressenties. Evidemment des groupes différents peuvent avoir des représentations et des craintes ressenties différentes et nécessiter des communications différentes. Ceci est particulièrement vrai entre experts et naïfs. La communication pour les experts peut être basée sur des éléments scientifiques ; alors que, comme on l’a dit précédemment, le public n’est que peu sensible à ces faits scientifiques.

Dernier point, la littérature montre clairement que les communications sur l’absence de risque (No-Risk Message) sont contre productives. Paradoxalement, alors que les managers et responsables pensent qu’il est important de délivrer ce type de message sur l’absence de risque, le public y est indifférent. Il n’existe aucune évidence dans toute la littérature sur le risque que ce type de communication négative est même souhaité par les consommateurs. Par contre, ne pas communiquer sur l’absence de risque ne réduit en rien l’exigence générale du public pour une transparence des managers et, notamment, pour une attente très forte sur la transparence dès que le risque (supposé contrôlé et minime) se manifeste à nouveau à un niveau inquiétant.

0 Commentaire

Publier un commentaire