Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Financement de la santé, Politiques d'amélioration de la Qualité-Sécurité, idées et directions générales

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages0
  • Imprimer la page

2020 - Le réquisitoire à charge de Marie DIXON WOODS, une des meilleures spécialistes mondiales de santé publique

13/11/2020

Dixon-Woods, M. (2019). How to improve healthcare improvement—an essay by Mary Dixon-Woods. bmj, 367.

Résumé

Un article de fond d’une des meilleures spécialistes mondiales de la médecine de santé publique.

Au NHS anglais, comme dans beaucoup de pays, les patients sont régulièrement victimes d’erreurs et de soins de mauvaise qualité. Tout le monde le sait, le dit, mais peu de changements surviennent. Le grand effort pour collecter les faits n’est pas proportionnel avec le faible effort investi pour faire des corrections. On parle souvent de préconditions non remplies de ressources en matériels, en personnels, en locaux, mais la question de l’utilisation de ces ressources, pourtant cruciale, est souvent moins centrale.

Ce ne sont pas les essais pour changer les pratiques qui ont manqué, avec le paiement à la performance par exemple, où la pression pour la transparence sur les mauvais résultats de qualité. Ces approches ont été regroupées sous le vocable d’amélioration continue de la qualité. Elles sont souvent inspirées de l’industrie qui pour la plupart combinent des mesures avec une politique de petits pas continus (inscrits dans les boucles vertueuses PDCA de Deeming), sans oublier l’arrivée plus récente du Lean, des approches six-sigma, des emprunts à l’aviation des Check-Lists, des approches combinées (care-bundles), des réconciliations médicamenteuses, ou encore les approches basées sur la médecine des preuves.

Au total, 30 ans de recul, beaucoup d’exigences quasi légales, un coût impressionnant, et toujours autant de difficultés pour prouver que ces approches ont réellement amélioré la qualité des soins.
Les recherches ont souvent souffert d’un biais d’optimisme, en se basant sur le fait que les idées font sens, et sont forcément bonnes sur le papier, mais sans s’assurer de comment elles sont vraiment mises en pratique. Ainsi, pour le Lean et les Six-Sigma, les 5 seules revues de littérature publiées entre 2010 et 2016 n’ont pas pu isoler une seule étude randomisée. Pareil pour des revues spécifiques à l’amélioration continue de la qualité avec les cycles PDCA. Les quelques études sérieuses sur des programmes pourtant jugés à priori comme des succès (par exemple le programme de l’IHI sur l’amélioration de la qualité), n’ont retrouvé sur le terrain aucune différence avec les sites témoins. Trop d’études avec des résultats positifs sont limitées, casuelles, et ne sont pas généralisables, et les évaluations sont souvent biaisées car faites par les personnes et services qui sont impliquées dans l’étude (il y a très rarement des évaluateurs neutres externes).

L’auteur suggère de conduire différemment les recherches en la matière, être plus rigoureux, plus sur le terrain à plus grande échelle et dans des services qui ne sont pas les porteurs directs de l’idée. Un autre point important est d’augmenter le respect des protocoles (la fidélité), et de bien respecter les mêmes logiques de définition et de mesures d’un site à l’autre.
On doit aussi admettre que l’approche de la qualité du soin n’a de sens qu’en co-partenariat avec le patient, qu’elle est souvent en compétition avec la performance de soins, qu’elle est aussi nettement plus en jachère dans certains domaines moins mis en avant dans les hôpitaux (patients psychiatriques par exemple), que les formations sont souvent courtes et répondant plus à des obligations administratives qu’à un contenu sur le sens profond de ce que sont les priorités.

Bref, un énorme changement à mettre en route, et on est loin d’avoir fait ce virage. On risque encore longtemps de continuer à parler de qualité, imposer plus, en toute bonne foi, mais sans trop savoir si c’est efficace…

Mon avis

Une analyse d'une des meilleures spécialistes du monde en matière de recherche de santé publique : on parle et on impose beaucoup pour l'amélioration de la qualité, mais les résultats sont loin de suivre, en grande partie par excès de zèle de la communauté qualité et d'un défaut récurrent de rigueur scientifique.