La check-list en chirurgie : le verre à demi plein

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Depuis une dizaine d'années, plusieurs études ont démontré la nécessité de mettre en place une check-list en chirurgie. Quels ont été les résultats de son application et ses évolutions ?

  • Chirurgien
  • Paramédical
Auteur : Pr. René AMALBERTI / MAJ : 27/05/2019

Un constat montrant l'importance de la check-list en chirurgie

En 2009, Haynes et ses collègues, relayés par l’OMS, faisaient paraître dans le prestigieux New England Journal of Medicine l’étude fondatrice démontrant la nécessité d’adopter la check-list en chirurgie1. Rappelons que cette étude List était multicentrique et même multi-nations (2006/2007 avec 8 hôpitaux). L’évaluation des résultats portait sur la mortalité et le taux de complications chirurgicales associé à 3 733 interventions consécutives AVANT introduction de la C/L de l’OMS et 3 955 interventions consécutives réalisées APRES. Etaient exclus du panel les enfants d’âge inférieur à 16 ans et les interventions cardiaques. Résultat : Le taux de mortalité était passé de 1,5 % à 0,8 % et le taux de complications (tous types confondus) de 11 % à 7 %.

Bref, une promesse pour quasiment plus de mauvais patients, mauvais sites, mauvaises compréhensions dans l’équipe du bloc, puisque tout était partagé à voix haute sur le patient comme le recommandaient les check-lists des aviateurs.

On ne peut que remercier tous ces chirurgiens pionniers, enthousiastes et charismatiques, Haynes et collègues1, Darzi en Angleterre2, De Vries en Hollande avec son concept étendu de check-list (Surpass), le groupe sécurité du patient de l’OMS, sans oublier Atul Gawande3 pour son manifeste de la check-list venu compléter à grand renfort de presse et de conférences l’arsenal de la pratique de la parfaite check-list, avec ses trois temps.

Le succès a été immédiat et tous les pays, presque sans exception, ont demandé à leurs chirurgiens de pratiquer cette check-list. Ce fut le cas de la France en 2010.

Où en est-on 10 ans plus tard ?

Une manière de lire le succès est d’évoquer les 4 300 citations de l’article fondateur de Haynes dans le NEJM1, les 2 100 citations et plus de 120 invitations internationales d’Atul Gawande3 dans les meilleurs congrès chirurgicaux du monde. Pas de doute sur la diffusion des idées.

On ne manque pas non plus d’évaluations puisque cette recommandation, plus que toute autre en matière de sécurité du patient, a fait l’objet de multiples revues de littérature dans les 10 ans, dont 7 publiées dans des journaux majeurs.

Mais là, un autre constat s’impose : toutes ces revues sont convergentes, égales dans leur résultat depuis 2010 (Borchard4, 2012, Russ2, 2013, Bergs5, 2014, Treadwell6, 2014, Tang7, 2014, Reames8, 2015, Wangoo9, 2016) ; pas une seule ne se révèle très enthousiaste sur les résultats : pas de preuve formelle de gain mesurable de sécurité ; seulement une contribution indiscutable à une meilleure communication et coopération entre acteurs du bloc (assez logique au demeurant puisque on a ajouté un temps de communication obligatoire qui n’existait pas).

L’enthousiasme international ne faiblit pas pour autant, car les problèmes constatés ou les déceptions identifiées ne sont pas attribuées à l’outil, dont on reconnait toujours le bénéfice potentiel, mais surtout à la mauvaise pratique du temps d’arrêt et de briefing collectif (time out) censé être la clé de voûte du gain de sécurité.

Tout se passe en quelque sorte comme si le résultat n’était pas acquis formellement, mais toujours en devenir.

En fait, pas de surprise. Car si l’on revient au modèle aéronautique, l’introduction de la check-list était le résultat d’une culture de sécurité déjà installée, faite de coopération, solidarité et préoccupation constante d’éviter les erreurs. En médecine, on a importé l’outil en pensant qu’il changerait la culture… Il faudra peut-être attendre l’évolution de la culture pour en voir tout le bénéfice, et cela peut demander le temps d’une génération complète.

Références

  1. Haynes, A. B., Weiser, T. G., Berry, W. R., Lipsitz, S. R., Breizat, A. H. S., Dellinger, E. P., ... & Merry, A. F. (2009). A surgical safety checklist to reduce morbidity and mortality in a global population. New England Journal of Medicine360(5), 491-499.
  2. Russ, S., Rout, S., Sevdalis, N., Moorthy, K., Darzi, A., & Vincent, C. (2013). Do safety checklists improve teamwork and communication in the operating room? A systematic review. Annals of surgery, 258(6), 856-871.
  3. Gawande, A. (2010). Checklist manifesto, the (HB). Penguin Books Indian
  4. Borchard, A., Schwappach, D. L., Barbir, A., & Bezzola, P. (2012). A systematic review of the effectiveness, compliance, and critical factors for implementation of safety checklists in surgery. Annals of surgery, 256(6), 925-933.
  5. Bergs, J., Hellings, J., Cleemput, I., Zurel, Ö., De Troyer, V., Van Hiel, M., ... & Vandijck, D. (2014). Systematic review and meta‐analysis of the effect of the World Health Organization surgical safety checklist on postoperative complications. British Journal of Surgery, 101(3), 150-158.
  6. Treadwell, J. R., Lucas, S., & Tsou, A. Y. (2014). Surgical checklists: a systematic review of impacts and implementation. BMJ Qual Saf, 23(4), 299-318.
  7. Tang, R., Ranmuthugala, G., & Cunningham, F. (2014). Surgical safety checklists: a review. ANZ journal of surgery, 84(3), 148-154.
  8. Reames, B. N., Scally, C. P., Thumma, J. R., & Dimick, J. B. (2015). Evaluation of the effectiveness of a surgical checklist in Medicare patients. Medical care53(1), 87.
  9. Laltaksh Wangoo, Robin A. Ray, and Yik-Hong Ho (2016) Compliance and Surgical Team Perceptions of WHO Surgical Safety Checklist; Systematic Review. Int Surg: Jan.-Feb. 2016, Vol. 101, No. 1-2, pp. 35-49.
  10. Gillespie, B. M., Harbeck, E. L., Lavin, J., Hamilton, K., Gardiner, T., Withers, T. K., & Marshall, A. P. (2018). Evaluation of a patient safety programme on Surgical Safety Checklist Compliance: a prospective longitudinal study. BMJ Open Qual7(3), e000362.

 

1 Commentaire
  • Dr Christian SICOT . 27/05/2019

    L'article de Haynes et coll a établi qu'après l'introduction de la check-list en chirurgie , le taux de mortalité était passé de 1,5 à 0,8 % (P= 0,003 ) si l'on additionnait le nombre de décès survenus dans les 8 hôpitaux sélectionnés qui étaient situés dans 8 pays différents. Ce résultat n'était, toutefois, significatif que dans les pays "en voie de développement"
    " (...) The rate of death was reduced from 0.9% before checklist introduction to 0.6% afterward at high-income sites (P=0.18) and from 2.1% to 1.0% at lower-income sites (P=0.006), although only the latter difference was significant (..)".
    Peut-on voir, dans cette différence, la cause du verre à demi-plein ?

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