Le choix d’un fil de suture participe aux barrières de prévention à mettre en œuvre lors de tout acte chirurgical afin d’obtenir un niveau de sécurité optimal. Le partage de retour d’expérience de ces incidents rares permet de rendre ces événements indésirables graves évitables.
L’éleveur appelle son vétérinaire pour une pare dystocique sur une vache charolaise de trois ans. Le praticien constate une disproportion fœto-pelvienne, une césarienne est décidée.
L’intervention est pratiquée sur la vache debout par le flanc gauche, selon une technique tout à fait classique et normale. Les conditions opératoires sont bonnes. Le praticien et l’éleveur ne relèvent aucune anomalie au cours de l’intervention. La plaie utérine a été suturée par un premier surjet simple suivi d’un surjet enfouissant, avec un fil de suture synthétique résorbable, décimale 6 (tresse d’acide polyglycolique enrobée).
Le lendemain, la vache est anormalement adynamique et anorexique, l’éleveur rappelle le praticien qui ne constate pas d’anomalie patente à l’examen clinique. Il complète l’antibiothérapie initiée la veille et prescrit une thérapeutique de soutien.
Devant l’absence d’amélioration le surlendemain, le praticien, une nouvelle fois rappelé par l’éleveur, pratique une laparotomie exploratrice qui lui révèle la béance de la plaie utérine, associée à un début de péritonite séro-fibrineuse. Les quatre nœuds étaient en place, les deux fils de suture étaient cassés au milieu.
Il suture à nouveau l’utérus par un double surjet et réalise un lavage abdominal, complété par une antibiothérapie soutenue. Des soins quotidiens sont ensuite effectués de façon très suivie.
L’état général de l’animal demeure très moyen. Après plus de trois semaines de traitement, des adhérences abdominales sont très présentes, perceptibles à la palpation transrectale. Le praticien conseille alors, en désespoir de cause, outre l’arrêt des traitements anti-infectieux, la mise au pré puisque le printemps est là et l’herbe déjà suffisante. Un mois plus tard, la vache semble aller mieux, l’éleveur décide de la rentrer pour l’engraisser. Cependant son état se dégrade à nouveau trois semaines plus tard et l’éleveur la retrouve morte un matin, c’est-à-dire trois mois après l’intervention en cause.
L’autopsie confirme une péritonite généralisée, à partir d’un utérus dans un état autolytique avancé.
La suture utérine a vocation à être hermétique afin que le contenu hautement septique de l’utérus en phase post-partum ne se répande pas dans la cavité abdominale. La rupture précoce de la suture a ainsi causé une péritonite aiguë diagnostiquée 48 heures après l’intervention. C’est une affection très grave. Malgré les soins apportés, elle a ensuite évolué vers la chronicité puis la mort.
La cause de la rupture du fil n’a pas pu, dans le cas présent, être déterminée avec certitude. Seules des hypothèses peuvent être formulées. Dans le doute, le dévidoir de fil de suture utilisé, tant pour la césarienne initiale que pour la laparotomie réparatrice, a été jeté. Deux interventions préalablement réalisées avec le même dévidoir de suture n’avaient pourtant donné lieu à aucune complication mais la prudence a prévalu.
Il s’agit incontestablement d’un événement indésirable grave (EIG). En responsabilité civile professionnelle, le comportement du praticien a été considéré comme fautif et l’éleveur a été indemnisé.
Un monofil a réputation d’être moins traumatisant qu’une tresse pour le tissu utérin ; il est aussi plus résistant à l’hydrolyse.
En revanche le risque de lâchage des nœuds est accru.