Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. A la une ce mois-ci : "Sept clés pour améliorer la sécurité en maternité", "Impact des erreurs de résultats transmis au médecin généraliste", "Les leçons de Taïwan sur le Contact tracing, tests et contrôles du Covid 19"...
Étude ethnographique multi-sites dans les maternités américaines.
Sept traits émergent de ce travail pour améliorer la sécurité et la transparence sur les évènements indésirables :
Aucun de ces traits n’est par lui-même garant de la sécurité, seule leur conjonction garantit le bon niveau espéré.
Les urgences sont habituées à recevoir des patients très anxieux où les émotions dominent le tableau clinique, avec un risque potentiel de masquer la réalité clinique sous-jacente, en tout cas d’influencer la qualité et la sécurité de la prise en charge.
Étude réalisée avec 94 personnels des urgences (50 médecins et 44 infirmières) à qui on a demandé de se rappeler trois cas cliniques de patients et leurs réactions à ces patients :
Les professionnels devaient se rappeler du cas, noter leur propre réaction émotionnelle à ces patients, et en quoi ces propres émotions et celles des patients avaient changé ou impacté leur prise en charge.
Les professionnels ont rappelé et décrit au total 282 cas.
Les réactions ressenties avec les patients agressifs et les patients avec désordre mental se ressemblent beaucoup, très négatives, associées avec une réduction de l’empathie et de la qualité de prise en charge de l’équipe médicale, surtout en comparaison aux émotions ressenties avec les patients satisfaits, bien mieux pris en charge, et surtout bénéficiaires d’une attention et de stratégies de qualité et de sécurité bien supérieures à celles employées pour les patients agressifs et avec désordres mentaux.
Revue de littérature et méta-analyse sur les stratégies hospitalières visant à réduire les ré-hospitalisations chez les patients de plus de 65 ans (toutes pathologies).
Au total 39 revues identifiées. 11 types d’interventions (de stratégies) identifiées : réconciliation médicamenteuse à la décharge, gestion renforcée du planning de décharge, évaluation médicale gériatrique avant décharge, anticipation des soins de suite, approche d’équipe, stratégie diététique avant sortie, place des soins aigus, passage en soins palliatif.
Seule la gestion du planning de sortie et l’anticipation des soins de suite ont un vrai impact positif sur la baisse de ré-hospitalisation. Toutes les autres approches ne sont pas corrélées avec des résultats positifs.
Les spécialistes anglais de qualité et sécurité parlent d’échecs opérationnels (operational failures) pour qualifier toute une série d’erreurs du système de santé qui polluent la vie des médecins généralistes (dans les résultats, leurs communications, les matériels disponibles, les dates erronées de rendez-vous, et bien d’autres problèmes).
L’étude procède par entretiens semi-dirigés avec 21 généralistes anglais (de l’est du pays) pour évaluer les risques associés.
Les généralistes rapportent avoir beaucoup de soucis liés à ces erreurs, surtout celles portant sur des informations erronées/incomplètes/absentes de retour de leurs confrères référents spécialistes à qui ont été adressés des patients. Ces erreurs coûtent du temps (enquête pour trouver la vraie information) et coûtent parfois de vraies erreurs secondaires (décision sur la base de données incorrectes) ; ce temps d’enquête parfois long est absolument non comptabilisé, non rémunéré et s’ajoute à la surcharge de travail usuelle.
On sait que les évolutions en santé sont particulièrement nombreuses, motivées par une vision techno-économique pour la plupart (nouvelles techniques, nouveaux profits pour l’industrie).
On continue sans rien changer et on parle peu de leurs valeurs sociales pendant les crises, alors que cette dernière est essentielle dans ces périodes et dans l’attente du système de santé. L’article propose une analyse plus épistémologique de l’innovation dans le contexte de deux crises majeures, celle d’Ebola en Afrique, et celle mondiale du COVID-19.
L’analyse des innovations technologiques proposées dans le cadre de ces deux pandémies (médicaments, vaccins... mais pas seulement) s’appuie toujours au départ sur de bons sentiments et sur une logique de demande sociale pressante. Mais l’innovation se développe souvent dans la réalité dans une logique de marché bien éloignée de la demande de départ, avec des produits partiellement, voire pas du tout efficaces, mais qui profitent de la crise pour se diffuser sans avoir à satisfaire les délais usuels de tous les filtres habituels ou des produits efficaces mais qui se limitent à quelques populations bénéficiaires, en en excluant de nombreuses autres.
Ces innovations finissent souvent par être bureaucratisées, verticalisées dans leur diffusion, décontextualisées de la réalité du terrain et de sa complexité sociale. Même les idées simples de confinement, l’appui massif sur les technologies digitales et les innovations organisationnelles imposées se heurtent au défaut d’engagement d’une grande partie de la population, de sa compréhension de l’utilité et d’une vision verticale sans regard sur les valeurs sociales qu’elle met en péril parfois en aggravant les inégalités entre ceux qui comprennent et bénéficient de l’innovation et ceux qui n’y voient qu’une exclusion de plus.
Même la volonté d’évitement extrême des décès, tel qu’il semble se manifester dans nos sociétés vis-à-vis de ces pandémies du XXIe siècle, ne fait pas autant l’unanimité mondiale qu’elle ne le paraît.
L’article plaide pour une écoute beaucoup plus grande de la société et de ses attentes réelles vis-à-vis de l’innovation, avec un partenariat social construit avec les responsables de l’introduction de ces nouveautés, médicales ou organisationnelles.
Cohorte totale de 333 patients inclus, COVID positifs et négatifs ayant subi une intervention en chirurgie vasculaire, thoracique, orthopédique et neurochirurgie à Brescia en Italie entre le 23 février et le 1er avril.
Parmi ces 333 patients, 41 se sont révélés positifs au COVID-19. La positivité COVID a été acquise pour 33 de ces patients 1 semaine avant l’intervention et pour 8 dans les 5 jours post-opératoires.
La mortalité s’est révélée supérieure pour les patients COVID positifs par rapport aux patients COVID négatifs (odds ratio [OR], 9.5; 95 % CI, 1.77-96.53). De même pour les complications (OR, 4.98; 95 % CI, 1.81-16.07); les complications les plus fréquentes étaient les pneumonies et syndromes respiratoires, et les complications thromboemboliques.
Étude transversale utilisant les données de l’AHRQ (l’Agence Qualité Santé américaine) sur l’évaluation nationale de la culture de sécurité des Hôpitaux (par questionnaire HSOPSC – Hospital Survey on Patient Safety culture, voir autres articles déjà résumés pour le détail des 12 dimensions) et leur performance en matière de signalement des événements indésirables (EI).
Les données portent au total sur :
Parmi toutes les dimensions du questionnaire de culture de sécurité, la qualité du feedback après déclaration est le plus prédictif de la qualité et efficacité d’un système de déclaration hospitalier. Les autres dimensions associées à la qualité de la déclaration sont l’apprentissage et les leçons tirées des erreurs, la réponse non punitive à l’erreur et le travail d’équipe (tous à P < 0.001).
La déclaration des erreurs les plus sévères est par contre associée à quasiment toutes les dimensions du questionnaire, presque sans exception.
Enquête nationale sur la population canadienne pour évaluer l’évolution des statistiques de morts précoces/prématurées entre 1991 et 2016, avec des points intermédiaires tous les 5 ans (1996, 2001, 2006, 2011). On définit la mort prématurée (ou de mortalité évitable) comme tout décès survenu avant l’âge de 75 ans.
La population visée est celle des 24-74 ans. L’étude utilise les registres de décès pour identifier les causes des décès. D’autres variables sont corrélées : sexe, âge, niveau d’étude, niveau de richesse (impôts), profession, ratio de risques, etc.
Au total, l’étude porte sur 16 284 045 décès entre 1991 et 2016.
Entre ces deux dates, la mortalité prématurée a baissé de 2 478/100 000 à 1 915/100 000. Les inégalités sociales, quel que soit le sexe, sont très corrélées à ces morts prématurées. La mortalité évitable croît en relatif pour les plus pauvres au fil des ans, plus pour les hommes que pour les femmes.
Cohorte 2014 de 71 944 patients réadmis dans les 30 jours à l’hôpital après chirurgie générale (15 interventions les plus fréquentes), soit dans le même hôpital, soit dans un autre hôpital (10 495, soit 14,6 % de la cohorte).
On observe une plus grande mortalité des patients admis dans un hôpital qui n’est pas celui où a eu lieu l’intervention (33,5 % vs 25,6 %, P < .001). C’est souvent la gravité de l’état clinique qui amène l’hospitalisation au plus proche dans un service d’urgence ouvert souvent adossé à un hôpital qui a souvent moins de capacité chirurgicale. On trouve ainsi 37,2 % de patients très sévères hospitalisés dans ces "autres hôpitaux" contre 31,2 % de la même classe de patients très sévères dans les hôpitaux où avait été réalisée l’intervention (P < .001).
La mortalité totale à 90j suit la même tendance avec les patients ré-hospitalisés dans l’hôpital de proximité par rapport aux patients ré-hospitalisés dans leur hôpital d’origine (6,1 % vs 4,3 %, P < .001)
Dès lors, le triage dans ces ré-hospitalisations de proximité devient essentiel avec une réorientation rapide de ces patients vers leur hôpital chirurgical d’origine.
Le burnout frappe particulièrement les professions médicales, avec le risque suicidaire au premier plan des complications. Les auteurs essaient d’évaluer ce risque pour trois professions : les chirurgiens, les médecins non-chirurgiens et les dentistes, en le comparant au risque de la population générale non-médecin.
L’étude porte sur une cohorte de 170 300 citoyens américains décédés par suicide entre début 2003 et fin 2016. On prend en compte les caractéristiques démographiques (âge, sexe, race et statut marital) et les éléments documentés sur le suicide lui-même (métier et charge de travail, éléments de santé, usage de médicaments-drogues).
Sur le total de 170 300 citoyens décédés par suicide, 767 (0,5 %) étaient des médecins (59,6 ans en moyenne, hommes à 88 %, blancs à 89,7 % à comparer à la population générale de suicides, 46,9 ans en moyenne, hommes à 77,7 %, blancs à 87,8 %).
Sur les 767 médecins qui se sont suicidés, 13,4 % étaient chirurgiens, 63,2 % non-chirurgiens et 23,3 % dentistes.
Les facteurs les plus corrélés au suicide sont :
Parmi les trois catégories analysées, les chirurgiens ont un risque suicide supérieur à la population générale et même à leurs collègues non-médecins ou dentistes.
Inversement, comparé à la population générale, les femmes médecins et les médecins célibataires ont un risque significativement inférieur de suicide. On retrouve aussi globalement chez les médecins exposés au suicide moins de facteurs de risques liés au couple et à l’alcool.
Taïwan est un pays de 24 millions d’habitants. A la fin avril, le pays n’avait recensé que 330 cas confirmés de Covid et 6 décès, un des chiffres les plus bas du monde en le ramenant à sa population.
Taïwan avait mis en place très précocement un protocole de "contact tracing" et une solution de test diagnostic virologique PCR qui s’est avéré efficace dès les 100 premiers cas. Environ 2 761 contacts rapprochés de ces 100 premiers cas ont été testés et confirmés entre le 15 janvier et le 18 mars. Le R0 n’a jamais dépassé 0,7 dans le pays.
Les résultats de Taïwan portent de nombreuses leçons pour la lutte contre le Covid :
Les erreurs aux urgences sont fréquentes mais les moyens habituels de signalement ne ramènent que peu de ces erreurs, 90 % restent cachées et silencieuses.
L’étude a été réalisée sur un an (août 2012-juillet 2013) dans les urgences d’un CHU des États-Unis, où tous les patients venus pour des soins ont reçu le lendemain de leur passage un court questionnaire sur leurs observations relatives à la sécurité des soins.
Un total de 52 693 questionnaires a été envoyé, avec un taux de retour patient de 7 103 (25,8 %), contenant 2 836 commentaires libres. Sur ces 2 836 commentaires, 242 (8,5 %) ont été classés comme révélant des situations à risque, dont 12 événements indésirables indubitables (EI), 40 presque-événements, 23 erreurs sans conséquences et 167 problèmes de type retards ou manque de transmission d’information entre soignants ; sur les 40 presque-événements, 35 (75 %) sont apparus évitables.
Sur la totalité des 52 EI et presque EI, 5 seulement avaient été déclarés dans le système de signalement officiel de l’hôpital.
Analyse des traces de facteurs personnels, interpersonnels et organisationnels qui ont pu conduire à des comportements déplacés ou inacceptables dans une population de 1 559 médecins d’un CHU aux États-Unis. Chaque médecin remplit aussi trois échelles d’incivilité, de comportement agressif et de violence.
Les comportements les plus inacceptables sont associés pour les infirmiers.ières aux trois facteurs personnels, interpersonnels et organisationnels – sans valeur prépondérante de l’un sur l’autre. Pour les médecins, les facteurs organisationnels jouent moins.