Chute d’un handicapé après installation sur la table d'intervention

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Chute d’un handicapé après installation sur la table d'intervention - Cas clinique

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Mentir n’est pas une solution... Voici comment une clinique, un chirurgien stomatologiste et un anesthésiste ont été assignés en justice par les parents d'un patient infirme moteur-cérébral.

  • Chirurgien
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas Clinique

  • Homme né en 1956, infirme moteur-cérébral, impotent sur fauteuil roulant, quelques capacités de compréhension mais absence de possibilité d’expression.
  • Hospitalisé en clinique le 12 mai pour des extractions dentaires sous anesthésie générale.
  • A 7h55, amené non prémédiqué au bloc opératoire (premier malade de la matinée).
  • A 8h00 Installé, non attaché, sur la table d’intervention, par le brancardier. L’anesthésiste, l’infirmière et l’aide-soignante du bloc opératoire étaient, alors, présentes dans la salle d’intervention.
  • Immédiatement après l’installation du patient et avant même de poser la perfusion du patient, l’anesthésiste quitte la salle pour aller chercher des ampoules de curare dans la réserve de pharmacie car il n’y en avait plus dans le chariot d’anesthésie. L’infirmière sort également pour ramener du matériel manquant dans la salle. Pendant ce temps, le chirurgien stomatologiste commence à se brosser les mains dans le couloir attenant à la salle. Il reste, donc l’aide-soignante qui ne le tient pas car il ne bouge pas. Selon ses déclarations, l’aide-soignante se retourne pour saisir le set de perfusion qui se trouve sur le chariot. C’est alors que le patient tombe sans qu’elle puisse le retenir. Installé en décubitus dorsal, il s’était mis à tousser car il était gêné par un encombrement bronchique lié à des troubles de sécrétion. C’était cet effort de toux qui l’a déséquilibré (il pesait moins de 40 kg) et fait tomber.
  • Le chirurgien et l’anesthésiste reviennent en salle, trouvent le patient allongé sur le sol couché sur son côté gauche et constatent une plaie superficielle de la joue gauche sans autre lésion. Le patient est conscient, ne gémit pas et ne semble pas souffrir à la palpation, ses membres sont rétractés comme avant la chute. La pression artérielle et la fréquence cardiaque sont dans les limites de la normale.
  • Le chirurgien décide de procéder à l’intervention prévue sous anesthésie générale et, en accord avec l’anesthésiste, de ne pas parler de la chute à la mère du patient qui l’avait appelé, à plusieurs reprises avant l’hospitalisation de son fils et lui paraissait très angoissée.
  • L’intervention se déroule normalement comme le réveil. Lorsque le patient est ramené dans sa chambre, sa mère dit avoir constaté : « un énorme hématome à l’œil gauche, des blessures sur la pommette gauche et le coude gauche très rouge ». A ses questions, l’anesthésiste répond qu’ « il s’est cogné en précisant qu’il n’était pas présent lors de l’événement ».
  • Le patient quitte la clinique à 20h00 pour regagner, en ambulance, son domicile mais sa mère précise qu’il n’a pas pu remettre sa tenue de ville car il souffre du bras et de la jambe gauche.
  • Après une nuit agitée pendant laquelle son fils avait beaucoup geint, sa mère constate le matin au réveil que sa cuisse gauche est très « enflée » et appelle en urgence son médecin traitant. Celui-ci faisait retransférer le patient à la clinique où un bilan radiologique met en évidence une fracture trochantéro-diaphysaire gauche.
  • Il est opéré le 15 mai, dans cet établissement, l’intervention consistant en une résection tête col élargie. L’évolution est favorable mais le patient doit être transfusé du fait de l’importance de l’hématome de la cuisse. Il regagne son domicile le 1er juin. Au décours de l’intervention, le médecin traitant atteste que : « le patient présente une dégradation de son état général . Il a perdu l’usage de l’appui de ses deux membres inférieurs. Il présente un état hyperalgique avec contractures musculaires généralisées. L’intervention s’est limitée à l’ablation de la tête fémorale et du quart supérieur du fémur gauche, il s’en est suivi une luxation en haut de la cuisse en position extrêmement douloureuse avec une rotation interne et une adduction de cette même cuisse, hyperalgique. »

Assignation de la clinique, du chirurgien stomatologiste et de l’anesthésiste par les parents du patient en réparation du préjudice qu’il avait subi.

Jugement

Expertise

L’expert, professeur des universités, chef de service de chirurgie orthopédique, affirmait qu’il existait une responsabilité de la clinique et du chirurgien stomatologiste dans la survenue de la chute correspondant à une surveillance insuffisante du patient au moment de son installation dans le bloc opératoire ainsi qu’un défaut de transparence dans les relations avec la mère du patient. II estimait que « la chute participait à la dégradation de l’état du patient et l’avait amputé d’un certain nombre de possibilités de mobilisation comme la position debout, certes aidée, mais qui permettait de maintenir un métabolisme osseux des membres inférieurs à peu près correct ».

 

Tribunal de Grande Instance

 

Pour le tribunal, « (…) Dans la mesure où le patient n’était pas attaché et qu’aucune prémédication ne lui avait été administrée, une surveillance plus étroite et attentive aurait dû être exercée. Si le chirurgien et l’anesthésiste se prévalaient de l’obligation incombant au personnel infirmier d’assurer la sécurité du patient, ils n’étaient pas pour autant déchargés de toute obligation de surveillance. En effet, tous deux l’avaient préalablement reçu en consultation. Ils avaient donc une connaissance précise de son manque d’autonomie. En permettant qu’il fût installé sur la table d’intervention sans éléments de protection alors même qu’il ne pouvait s’allonger classiquement sur le dos, ils auraient dû anticiper le risque de chute et prendre toutes dispositions pour faire assurer une surveillance plus étroite. Le règlement intérieur de la clinique et le document détaillant le processus du circuit du patient jusqu’au bloc opératoire n’exonéraient en rien les médecins de leur responsabilité. Il leur incombait de fournir au personnel soignant tous les renseignements nécessaires concernant le patient afin de l’installer correctement sur la table d’intervention et d’assurer une surveillance adaptée à son état (…) ».

Par ailleurs, sur l’erreur de diagnostic commise par les deux médecins, les magistrats estimaient qu’ « (…) Il leur appartenait, eu égard au handicap du patient, qui au surplus était incapable de s’exprimer, et à la chute subie,  de faire réaliser des examens plus approfondis. Ils intervenaient en établissement de soins ce qui leur permettait d’envoyer facilement leur patient en radiologie. Cette insuffisance d’investigations caractérisait une faute directement imputable aux médecins. Il ne pouvait être valablement prétendu à une absence de préjudice réparable,  du fait d’une intervention sur la fracture le lendemain. En effet, il n’était pas contesté que la cuisse du patient avait anormalement enflé dans la nuit. Par ailleurs, le patient avait été manipulé à plusieurs reprises (intervention dentaire, retour en chambre puis retour à son domicile) entraînant l’apparition de douleurs.

Enfin, il n’était pas contesté qu’afin de ne pas inquiéter la mère du patient, celle-ci n’avait pas été informée de la chute de son fils. Cette absence d’information n’avait pas permis au patient ou du moins à sa mère de demander qu’il soit sursis à l’opération et que des radiographies soient réalisées. Elle était, donc, fautive et engageait la responsabilité de la clinique, du chirurgien et de l’anesthésiste (…) ».

 

Au total, eu égard au rôle de chaque intervenant à l’acte de soins, les magistrats retenaient une part de responsabilité de 50% pour la clinique et de 25% pour chacun des deux praticiens

Indemnisation de 129 936€  dont 7 680€ pour les organismes sociaux.

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

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