Décès après intervention pour appendicite aiguë. Complication médicale ? Complication chirurgicale ?

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Décès après intervention pour appendicite aiguë. Complication médicale ? Complication chirurgicale ? - Cas clinique

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Les conséquences dramatiques d'un retard de diagnostic lié à l'absence de vérification de la glycémie du patient en surveilllance postopératoire...

  • Chirurgien
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • Jeudi 24 mai 2001 (jour de l’Ascension), un homme de 57 ans, chirurgien-dentiste, appelait son médecin traitant pour des douleurs abdominales. Celui-ci diagnostiquait une appendicite aiguë.  
  • Vendredi 25 mai admission en clinique dans l’après-midi. Patient vu par l’anesthésiste de garde qui le classe ASA 1. Devant la notion d’un « prédiabète » évoquée par le patient (en fait, un résultat antérieur de glycémie à 1,35 g/l), ni traité, ni surveillé (1,80 m, 80 Kg), l’anesthésiste prescrit une glycémie (le résultat de cet examen ne sera pas retrouvé dans le dossier). Le dossier mentionne que le patient n’est pas fébrile mais qu’il existe une leucocytose à 12 400 /mm 3 dont 73 % de polynucléaires neutrophiles. Par ailleurs, aucun signe en faveur d’une péritonite, ni d’une bactériémie.  
  • Samedi 26 mai, intervention le matin d’une durée de 30 minutes sous cœlioscopie, sans problème : « (…) Appendicite aiguë ulcérée avec phlegmon appendiculaire situé dans la gouttière pariéto-colique droite. Exploration de la cavité abdominale normale. Libération de l’appendice. Electrocoagulation du méso-appendice. Extraction de l’appendice par le trocart droit. Appendicectomie avec ligature appuyée de la base au vicryl. Vérification de l’hémostase. Instillation de sérum. Fermeture des incisions (…)» - L’examen anatomo-pathologique conclut à « une appendicite aiguë ulcérée avec péritonite péri-appendiculaire » - Prescriptions de sortie de SSPI, antibiothérapie (3 g/j d’Augmentin®), traitement antalgique et anticoagulant par Lovenox®.   
  • Le 26 au soir, le patient apyrétique à l’entrée, devient fébrile (38°5 C) et ne reprend pas son transit intestinal.  
  • Nuit du samedi 26 au dimanche 27 : des nausées et des vomissements apparaissaient, de plus en plus fréquents.  
  • Dimanche 27, J1 : mise en place d’une sonde digestive qui ramène 3 litres de liquide noirâtre. Une radiographie d’abdomen sans préparation conclut à : « Aéro-colie diffuse avec présence d’air intra-rectal. Important niveau hydro-aérique siégeant sur le grêle en position sus-ombilicale ». L’échographie abdomino-pelvienne est normale en dehors d’ « un petit épanchement dans le Morisson et d’une nette distension des anses mais sans épaississement de leur paroi, ni épanchement entre elles ».   
  • Lundi 28, J2 : Le patient reste fébrile (entre 38°5 et 39°C) et le transit intestinal ne se rétablit pas malgré l’administration de divers produits (Prostigmine, Débridat®, Primperan®).  
  • Mardi 29, J3, le cadre infirmier aurait répondu au fils du patient qui lui faisait part de son inquiétude : « (…) Nous avons augmenté les antibiotiques et ça devrait aller mieux demain. En ce qui concerne la douleur, elle ne s’étend plus à tout l’abdomen mais est concentrée dans le creux de la fosse iliaque. Il faut attendre l’action des antibiotiques (…) » Mais l’état général du patient se dégrade rapidement avec, notamment, des signes de déshydratation intracellulaire (soif intense, asthénie extrême,…) malgré un apport hydro-électrolytique quotidien de 2,5 à 3,5 litres (Bionolyte®). A noter que, dans le dossier il n’est pas fait mention du volume de la diurèse, ni du bilan des entrées et des sorties.   
  • Mercredi 30 J4, en raison de l’émission de quelques gaz, la sonde digestive est retirée, mais cette reprise du transit ne se confirme pas.  
  • Jeudi 31 mai, J5, l’épouse du patient signale à l’infirmière qu’elle trouvait son mari confus. Le bilan sanguin du jour met en évidence une augmentation de la créatinémie à 178 µmol/l (71µmol/l à l’admission) et une hyper natrémie à 160 mmol/l. Ces résultats sont communiqués, par téléphone, à l’anesthésiste qui avait endormi le patient et en avait assuré la prise en charge postopératoire, apparemment seul. Nulle part n’apparait de trace de concertation avec le chirurgien, ni d’intervention directe du chirurgien dans les suites opératoires .Il est demandé un bilan de contrôle qui confirme l’hypernatrémie et met en évidence une hyperglycémie à 5,78 g/l. Le diagnostic de « trouble hyperosmolaire diabétique » est posé.  
  • Le Jeudi 31 dans la soirée, le patient est transféré dans le service de réanimation d’un établissement privé voisin où il arrive conscient. Le bilan à l’admission fait état d’une température à 39 °C et d’une oligurie avec des signes de déshydratation intra- et extracellulaire. Le patient est perfusé avec des solutés iso- et hypo-osmolaires et reçoit une insulinothérapie IV à la seringue électrique.  
  • Le vendredi 1er juin, le patient est obnubilé. La glycémie est stabilisée mais la natrémie restait élevée. Une ischémie aiguë du membre inférieur gauche est mise en évidence. L’artériographie confirme l’occlusion des axes iliaques, interne et externe, ainsi que de l’artère fémorale, gauches. Une embolectomie chirurgicale est pratiquée en urgence et permet l’ablation d’un caillot frais de 10 cm, avec récupération des pouls périphériques.  
  • Dans les suites, le patient est maintenu sous sédation, perfusions et insulinothérapie. Des injections de Lasilix® sont administrées pour lutter contre… l’oligurie.  
  • Le samedi 2 juin (J7), apparait une hypotension artérielle traitée par …du Levophed®. La radiographie pulmonaire évoque un œdème pulmonaire lésionnel avec présence de colibacille, de proteus et de candida albicans dans le liquide d’aspiration (inhalation bronchique ?). Un néphrologue consulté conseille l’arrêt du Lasilix® et l’augmentation du remplissage vasculaire.  
  • Le dimanche 3 juin, la glycémie et la natrémie sont redevenues normales, mais on note une aggravation de l’insuffisance rénale avec, notamment, une hyperkaliémie à 6,4 mmol /l (notion d’une rhabdomyolyse postembolectomie), traitée par Kayexalate®. Des troubles du rythme cardiaque apparaissent rapidement suivis d’un arrêt cardio respiratoire entraînant le décès du patient malgré les manœuvres de réanimation immédiatement entreprises. Absence d’autopsie.

Lettre adressée au procureur de la République (novembre 2001) par le fils du patient pour demander l’ouverture d’une enquête sur les causes du décès de son père.

Analyse

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Jugement

Lettre adressée au procureur de la République (novembre 2001) par le fils du patient  pour demander l’ouverture d’une enquête sur les causes du décès de son père.

L’expert désigné par le procureur de la République, médecin généraliste et médecin légiste, concluait, sur dossier, qu’« aucune faute médicale n’avait été commise ».

En juin 2004, le procureur de la République écrivait au fils du patient que : « (…) Les investigations s’orientaient vers une cause naturelle de décès qui serait due  à des complications survenues à la suite d’une opération pour un début de péritonite. Un diabète mal suivi aurait pu jouer un rôle déterminant dans la survenance du décès. Le médecin légiste excluait toute faute de la part du personnel hospitalier (…) ».

La procédure était classée sans suite.

Assignation, en avril 2007, de l’anesthésiste, du chirurgien, de la clinique et du centre de réanimation par le fils du patient,en réparationdu décès du son père.

 

 

Expertise  (novembre 2006)

 

L’expert, professeur  des universités, chef de service de nutrition, maladies métaboliques et endocrinologie estimait : « Il n’y a pas eu de faute caractérisée  stricto sensu mais un défaut de diagnostic ». On peut reprocher à l’anesthésiste et au chirurgien : « 1) d’avoir méconnu le diabète du patient et/ou de ne pas s’être donné les moyens de le mettre en évidence à temps ; 2) d’avoir tardé à reconnaître leʺ comaʺ hyperosmolaire en voie de constitution dont les éléments annonciateurs étaient la soif et l’installation progressive d’une insuffisance rénale dans un contexte d’iléus et de fièvre ». L’expert ajoutait que : « (…) Le patient lui-même, particulièrement digne de foi de par sa profession de chirurgien  avait, peut-être, participé à cette méconnaissance du diabète en minimisant celui-ci en le qualifiant deʺ prédiabète«  lors de la consultation d’anesthésie (…) ».

Pour les personnels concernés de la clinique, l’expert relevait  un « manque » concernant  la glycémie prescrite le 25 mai : soit par absence de réalisation du prélèvement sanguin nécessaire au dosage, soit par non-transmission du tube au laboratoire, soit par non-réalisation du dosage, soit enfin par absence de transmission et/ou de récupération  du résultat de cette glycémie. « (…) Ce dosage aurait pu faire reconnaître le diabète avant même l’intervention et changer le mode de surveillance ultérieure du patient (…) »

Pour les personnels du centre de réanimation, il fallait relever seulement : « (…) une utilisation des diurétiques, administrés sur prescription médicale, inappropriée compte-tenu de l’état de déshydratation, erreur vite corrigée après avis sollicité du néphrologue (…) ».

 

Jugement du TGI (juillet 2011)

 

Les magistrats estimaient  qu’une  faute avait été commise par  l’anesthésiste et le chirurgien : « Il s’agit d’un retard de diagnostic lié à la carence à faire procéder à la vérification de la glycémie du patient, alors qu’ils étaient tous les deux en charge de la surveillance postopératoire du patient et que la mention ʺ prédiabèteʺ était indiquée dans le dossier médical du patient, ce qui aurait dû les  alerter. Compte-tenu de l’enchaînement de l’évolution postopératoire, cette faute a fait perdre au patient une chance de survie. Cette perte de chance est très importante car la non-prise en compte du diabète a entraîné un suivi totalement inapproprié pendant cinq jours. Avec un suivi approprié, l’ensemble des complications auraient pu être sinon évitées, certainement jugulées ».

Le tribunal condamnait, in solidum, le chirurgien et l’anesthésiste à réparer la totalité du préjudice subi par les ayants droit.

Indemnisation de 46 000€. 

Commentaires

Le Sou médical  groupe MACSF avait  demandé à l’un de ses conseillers, professeur d’université, chef de service d’anesthésie-réanimation d’analyser ce dossier. Ses conclusions étaient les suivantes : « (…) Il apparaît que la ʺréanimationʺ postopératoire  a été assez grossière, non ciblée, que le patient a été sous-compensé et qu’il a évolué vers un état grave de déshydratation avec hyperosmolarité. Mais la question fondamentale que l’équipe médicale aurait dû se poser dès le 28 mai, soit 48 heures après l’intervention, était la raison d’un tel déséquilibre chez un patient qui était en bon état général et apyrétique avant une chirurgie assez banale. Si l’exérèse avait été suffisante pour éradiquer le foyer infectieux, le patient n’aurait pas dû avoir de fièvre dans les suites et aurait dû reprendre son transit rapidement. Cela n’a pas été le cas et le patient  a continué de se dégrader. Une reprise chirurgicale s’imposait, par laparotomie, dès le 28 mai, pour s’assurer qu’il n’y avait pas persistance d’un foyer infectieux. Il est, en effet, bien connu des équipes anesthésico-chirurgicales  qu’une complication opératoire chez un patient qui n’avait pas de facteurs de risque avant l’intervention, est la cause principale d’une décompensation métabolique ou respiratoire postopératoire ou de l’inefficacité de la réanimation. La seule solution est la reprise chirurgicale sans tarder  (…) ».

1 Commentaire
  • lubanda d 24/01/2016

    il serait mieux tenir compte les complications post operatoire en cas d'une peritonite secondaire.

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