Canada : une révision de la formation pour mieux répondre aux vrais besoins de la population

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Canada : une révision de la formation pour mieux répondre aux vrais besoins de la population

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  • Une étudiante en médecine dans une salle de formation - La Prévention Médicale

Le Département Fédéral Canadien, en charge de la formation des médecins (CanMEDS), vient de jeter un pavé dans la mare en introduisant de nouvelles orientations dans la formation des médecins. Cette révision de fond devra être prise en compte et effective dans les programmes avant 2026.

Auteur : le Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 07/05/2024

Acquérir une capacité compassionnelle et une humanité des soins

On pouvait s’attendre à ce que ces nouvelles instructions se penchent en priorité sur les innovations et leurs bons usages, le numérique, voire l’IA, bref la médecine de demain au sens habituel du terme. 

Mais ce n’est pas du tout la direction de ces réorientations. Il s’agit davantage de former les médecins canadiens à mieux répondre aux attentes de la population. 

L’objectif est de réduire les inégalités de soin pour la population, qui n’ont fait que croître ces dernières années, particulièrement pour la frange la plus déshéritée et/ou isolée socialement. 

Tout doit être mis en œuvre pour limiter l’effet croissant de médecine à plusieurs vitesses, avec une composante raciste et/ou ségrégative augmentée dans le temps, tout à fait contraire aux fondements éthiques de la discipline.

L'apprentissage de la compassion et de l'humanité

Ce nouveau programme comprend :

  • une nouvelle façon d’enseigner (notamment des stages permettant le contact avec cette réalité sociale et la faisant comprendre) ;
  • de nouvelles connaissances cliniques mieux adaptées ou ciblées à ces populations fragiles. 
     

L’objectif est d’arriver à faire adhérer une masse critique suffisante de jeunes médecins à ces nouvelles pratiques et savoirs, pour vraiment peser nationalement sur la réduction des inégalités de soins.

Ce nouveau parcours de formation place l’apprentissage de la compassion et de l’humanité des soins au centre de l’expertise. Il s’agit de mieux faire comprendre le besoin et les obstacles culturels, religieux et socio-économiques de chaque patient et de sublimer toutes les capacités disponibles pour les dépasser, en adoptant une approche individualisée, sans discrimination. Un traitement "digne" et "égal" pour tous devient une valeur de fond à enseigner à ces jeunes médecins.

L'équilibre entre compassion et technologie

Il s’agit aussi de réduire les biais professionnels qui ont progressivement produit cette dégradation du service médical au public, sous le poids d’une technologie galopante, qui met l’excellence technique au centre de la réussite dans les examens du cursus médical, au détriment du savoir de compassion. 

Le nouveau projet canadien vise à enseigner différemment la technique et les nouveaux outils intelligents de la médecine (IA, imagerie, biologie, etc.). L’objectif est d’inculquer l’idée que ces nouveaux outils doivent aussi réconcilier et faciliter la technologie avec une médecine compassionnelle. C’est ce que le collège canadien en charge de formation appelle la "couche dynamique" de formation. Elle doit sans cesse :

  • jeter des ponts entre technique et compassion et entre bénéfice médical pur et qualité du bénéfice humain pour les soignés ;
  • mettre cette nouvelle technologie à leur portée ;
  • prendre en compte leurs particularités intellectuelles, culturelles, sociales et économiques.
     

On reconnaîtra que ce nouveau programme de formation, touchant le cursus de base et les cursus spécialisés, est immensément ambitieux. Mais c’est une première mondiale qui fera sans doute date et leçon pour les autres pays. Il a en sa faveur d’être voté et effectif pour le très proche futur (2026).

Un chantier immense

Le chantier s’annonce immense, à commencer par la conviction, l’adhésion et la formation des enseignants actuels à ces nouvelles orientations. Elles impliquent  :

  • un changement sur le fond de la façon d’enseigner, de concevoir et corriger les examens en intégrant une valeur compassionnelle ;
  • une réorganisation globale de l’acquisition de l’expérience médicale sur le terrain (avec à la clé davantage de stages et d’expériences imposées sur différents terrains fragiles, à balancer avec les stages plus traditionnels) ;
  • des effets à imaginer sur les postes ouverts et les carrières futures à proposer à ces nouveaux médecins, convaincus du besoin de changement et de leur rôle clé dans ce processus.