Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. A la une ce mois-ci : chirurgie ambulatoire, prise en charge des patients défavorisés, coût des complications post-chirurgicales, mortalité post maternelle...
À un moment de grande tension sur les coûts de la santé dans la plupart des pays occidentaux, cette étude canadienne se centre sur un grand établissement hospitalier de Toronto pour évaluer le coût des complications postopératoires intra-hospitalières évitables.
L’analyse a été conduite sur la base de données du National Surgical Quality Improvement Program entre avril 2015 et février 2018 en prenant en compte un panel représentatif d’actes chirurgicaux (bariatrique, cholécystectomie, thyroïdectomie, hémi colectomie, hernies).
Le coût total de chaque complication a été calculé par différence avec des cas sans complication.
Les surcoûts moyens des interventions avec une ou plusieurs complications s’étend de 2 389 $CAN (1 685€) dans les chirurgies bariatriques à 10 459 $CAN (7 380€) dans les chirurgies de hernie ventrale.
Le comité national interacadémique américain (Médecine, Science et Technologies) vient de publier un rapport sur l’amélioration du diagnostic médical.
Le rapport comporte une revue de littérature étalée de 2015 à 2021 et des résultats d’auditions d’experts. 34 études sont incluses, dont 16 analysées dans le détail sur la façon d’opérationnaliser et de mesurer la qualité du diagnostic.
Le rapport poursuit par un focus sur 4 points : épidémiologie, prise en compte spécifique du patient et de ses attentes, mesure/surveillance, regard particulier du professionnel et ses ressources, connexions et conditions de travail.
Au final, le rapport propose une nouvelle définition pour l’erreur de diagnostic qui met un accent plus fort sur le temps et la communication.
La nouvelle définition relate :
Le temps de repos à l’hôpital prescrit après chirurgie ambulatoire est un élément important de l’organisation des programmes du jour.
Cette étude californienne a analysé 3 ans de chirurgie ambulatoire dans un centre spécialisé. La prolongation de l’hospitalisation après chirurgie est étudiée en fonction des IMC des patients en supposant que les forts IMC demandent plus de précaution et un prolongement en salle de réveil/retard de sortie ou même une conversion à l’hospitalisation pour une nuit.
Les résultats ne confirment pas cette hypothèse ; les patients avec un IMC > 30 ne subissent pas dans la pratique de prolongement significatif de leur séjour ambulatoire et, plus globalement, l’IMC n’est pas un facteur expliquant les prolongements d’hospitalisation observés.
La littérature médicale identifie une classe de "patients prioritaires" en médecine générale correspondant aux patients pauvres, ruraux, culturellement et/ou linguistiquement défavorisés qui souffrent de plus de comportements à risques médicaux que le reste de la population.
Les auteurs proposent une revue de littérature 2000-2021 sur les solutions proposées/testées par les généralistes pour mieux prendre en compte cette classe de population et réduire leurs comportements à risque.
4 931 articles sont inclus dans la revue. Ils décrivent 12 outils qui peuvent aider à faire changer cette population et à mieux les inclure médicalement.
Les principales cibles visées sont :
Six outils proposés relèvent d’applications sur internet, les 6 autres étant médiés par des documents papiers et des interactions directes.
La plupart de ces outils utilisent des modes de communications simples, images, BD, niveau très simple de langue, avec une priorité d’action sur la prise de conscience d’un problème, la conviction de l’existence de solutions (simples) pour vivre mieux, la fixation d’objectifs pour chacun ; deux outils impliquent le patient dans un chemin qui le conduit à s’engager et à consulter.
La plupart de ces outils ont été reconnus efficaces dans les études avec une profondeur de suivi poursuivie au moins 12 mois ; ils devraient donner lieu à des généralisations le plus vite possible.
Les médecins généralistes sont - comme toute personne - susceptibles d’être malades et absents pour des périodes plus ou moins longues. La reprise d’activité signifie souvent des questions - à tout le moins des interrogations - des patients sur ce qui s’est passé…
Cette étude israélienne teste les cas où le médecin dit très honnêtement à ses patients le type de maladie dont il a été victime.
L’étude procède par questionnaire auprès de 200 patients sur leur ressenti après que leur médecin généraliste traitant leur a dit la cause médicale de ses absences.
82 % des patients interrogés sont très positifs sur ce retour informationnel. Ils se disent parfois surpris de cette honnêteté mais elle renforce leur empathie, proximité et lien de confiance avec le professionnel avec, en retour, une plus grande honnêteté sur ce que va dire le patient de lui-même.
A noter qu’aucune réponse n’est hostile à cette transparence dans les 200 questionnaires, juste quelques non-réponses.
Selon les auteurs, ce type de comportement devrait être généralisé et inscrit dans les études médicales.
Les comportements inadaptés et les mauvais traitements des encadrants vis-à-vis des étudiants en médecine ne sont pas nouveaux, mais sont de plus en plus inacceptables. Leur prise en compte doit urgemment s’améliorer. Les directives nationales américaines y sont très attentives.
Un système de signalement de ces comportements a été proposé dans huit grand hôpitaux universitaires New-Yorkais et leurs facultés de rattachement. Les données ont été recueillies entre octobre 2019 et décembre 2021.
Le système concerne le signalement en ligne - sous une forme simple - des mauvais comportements à l’adresse des étudiants de médecine, thésards et internes.
Le système comporte un triage des cas observés, avec un retour positif ou négatif et une mise en ligne publique des cas agrégés (réunis par catégories & lieux).
La population concernée regroupe 2 800 encadrants de tous niveaux, 600 étudiants en médecine, plus de 1 000 étudiants jeunes diplômés en spécialisation et plus de 2 600 internes.
Ces étudiants ont signalé sur le système 196 problèmes sur cette période, dont :
Le nombre de signalements a augmenté au fil du temps, témoignant surtout de la confiance dans le système et de la libéralisation de la parole.
Les principes des Organisations à Hautes Fiabilités (High Reliability Organisations) sont très connus et forcément tentants à appliquer à notre domaine médical, particulièrement les 5 valeurs clés :
Mais reste à trouver la traduction pratique au quotidien de ces bons principes. C’est ce que propose cette étude qui a essayé d’appliquer ces principes à un hôpital central de Toronto dans le cadre d’un programme d’amélioration de la sécurité du patient.
Un total de 71 professionnels, leaders dans le programme, ou professionnels médicaux à différents niveaux engagés dans le programme, ont été interrogés sur l’applicabilité au quotidien de ces principes.
Les participants reconnaissent une amélioration liée à l’application des principes ci-dessus : numéro 2 (rester focus sur dysfonctionnements), 3 (rester à l’écoute des alertes), et 4 (éviter de simplifier à outrance la causalité de ce qui marche mal).
Le programme permet d’améliorer la légitimité des acteurs, constitue une source permanente de formation et d’aide (à la sécurité).
Côté plus négatif, les infirmiers sont sur-représentés dans les populations professionnelles mobilisées et intéressées. Les principes 1 (se battre contre l’adversité) et 5 (respect des expertises de chacun) sont plus difficiles à appliquer. Et on note des points de conflits du programme avec certains acquis sociaux et pratiques de tous les jours, qui fait que souvent les efforts individuels se heurtent à une relative crispation – en tout cas un manque d’impact - au niveau du système d’habitudes dominantes.
Étude randomisée conduite sur 12 mois (juin 2019 - juin 2020) avec 32 internes, un chef de clinique, et 91 infirmier(e)s, réalisée dans une service de médecine générale d’un grand hôpital Universitaire de Boston.
Le groupe Intervention comporte 15 internes et un chef de clinique affectés pendant 16 semaines d’affilées dans le même service de médecine générale (supposé dans ce cas avoir une proximité / familiarité progressivement plus grande avec le staff des 43 infirmiers).
Le groupe Contrôle comprend les 18 autres internes affectés chaque semestre dans des services différents comme le prévoit normalement le plan de formation (avec dans ce cas un groupe contrôle infirmier de 48 infirmiers).
On évalue dans les deux cas la performance des équipes ainsi constituées dans des simulations de scénarios médicaux à 6 et 12 mois. Le groupe Contrôle des internes est légèrement moins féminisé (44 % pour 54 % dans le groupe intervention). Les groupes infirmiers sont autant féminisés dans les deux cas (93 et 90 %).
La première simulation à 6 mois ne montre pas de différence entre les deux groupes. Mais dans la seconde simulation à 12 mois, l’évaluation du travail d’équipe est meilleure dans le groupe Intervention, pour
La proximité et familiarité entre membres de l’équipe médicale apparaît donc comme un facteur très déterminant de la performance.
Étude réalisée sur 23 629 infirmiers de 503 hôpitaux généraux de 4 états américains, entre 2005 et 2008.
Les patients défavorisés nécessitent une prise en charge plus délicate, plus d’explication.
Chaque augmentation de 10 % de la proportion de patients défavorisés dans les entrants était associée à :
C’est l’organisation du travail et son environnement direct qui étaient les plus critiqués dans cette "offre" de soins aux patients défavorisés, que le staff avait du mal à accepter sans moyens supplémentaires.
Les auteurs plaident pour l’urgence de prendre en compte cette dimension dans les effectifs et les organisations des hôpitaux situés en zones défavorisées.
Les revues de littérature publiées souffrent de biais chroniques.
L’étude part de 300 exemples de ces revues et méta-analyses publiées récemment jusqu’en 2020 comparées à 110 revues publiées avant 2014.
Les revues publiées en 2020 comportent des insuffisances sur :
Il n’y a finalement que très peu de progrès par rapport aux revues publiées en 2014 et avant.
L’imposition d’un guide à l’auteur par le journal de publication semble conduire à une amélioration sensible des revues publiées.
Les données de risque post-accouchement concernant 8 pays disposant d’un dispositif renforcé de surveillance des grossesses (France, Italie, Royaume-Uni, Danemark, Finlande, Pays Bas, Norvège, Slovaquie) ont été recueillies sur une période de 3 ans.
Au total, ces données recouvrent 297 835 naissances au Danemark, 301 169 en Finlande, 2 423 583 en France, 1 281 986 en Italie, 856 572 aux Pays bas, 2 261 090 au Royaume-Uni , 292 315 en Norvège, 283 930 en Slovaquie.
L’âge, les origines, la nationalité, sont notés pour chaque cas de mortalité observé dans les 42 jours suivant la naissance. Seule la France et l’Italie disposent d’une surveillance étendue à 365 jours après accouchement.
La mortalité varie d’un facteur 4 entre pays de 2,7/100000 naissances en Norvège à 9,6/100000 au Royaume-Uni et 10,9 en Slovaquie.
L’âge est significativement associé au décès pour les plus jeunes (< 20 ans) et les plus âgées des femmes (> 40 ans).
Sauf en Norvège, l’effet d’appartenance à une minorité sociale ou immigrée est très important, majorant le risque de décès de 50 % en moyenne.
Les maladies cardiovasculaires et les suicides viennent comme causes principales communes à tous les pays.
D’autres causes apparaissent plus "pays dépendant" : Maladie thrombo-embolique au Royaume-Uni et Pays bas, Hypertension au Pays bas, Embolie amniotique en France, Hémorragie en Italie, AVC en Slovaquie.