Femme née en 1977, hôtesse de l’air, chez laquelle le diagnostic de maladie de Crohn était posé en 1998 lors d’une hospitalisation dans le service spécialisé d’un CHU. Traitement par Pentasa et Spasfon. Jusqu’au début 2008, la maladie restait pratiquement asymptomatique, sans retentissement sur la vie professionnelle...
En mars 201 , la patiente se plaignait de troubles importants du transit (12 selles diarrhéiques par jour avec insécurité permanente). Il existait un syndrome de malabsorption chronique et définitif. Par ailleurs, la marche était lente et difficile avec une certaine fatigabilité, le pied gauche n’ayant plus d’appui par les orteils. L’ensemble de l’avant-pied gauche était douloureux à la palpation et à l’appui.
Saisine de la CRCI par la patiente en réparation du préjudice qu’elle avait subi (janvier 2009).
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L’expert, chef de service de chirurgie digestive, attribuait le dommage subi par la patiente à une triple cause : un lâchage anastomotique ayant entraîné une péritonite post-opératoire ; un retard diagnostique ayant favorisé l’installation d’un état de choc infectieux sévère ; une réintervention non précédée de stabilisation tensionnelle. Il rappelait que le lâchage anastomotique sur chirurgie de la maladie de Crohn était une complication « relativement banale en soi ». Ce risque variait de 8 à 16% selon les publications avec une mortalité de 0,5%. Il était plus important sous corticothérapie. Cette complication survenait habituellement vers le 5-6éme jour postopératoire.
Il considérait qu’« il n’y avait aucun problème sur l’indication opératoire » et que l’intervention s’était déroulée sans incident. Mais « (…) Le calendrier retenu était imprudent ou, à tout le moins, les transmissions avaient été mal faites. Le chirurgien aurait dû, soit programmer l’intervention à une période où il serait présent en postopératoire en cas de complication, soit avertir son jeune collègue des risques particuliers encourus par cette patiente. Des consignes plus précises auraient dû être données pour surveiller attentivement le risque de fistule et prescrire un scanner au moindre signe anormal (c'est-à-dire le 06 au soir ou au plus tard le 07) (…)».
Au chirurgien remplaçant, l’expert reprochait un retard dans la décision de réintervenir chez une patiente opérée d’une pathologie à haut risque de fistulisation. Il lui reconnaissait : « (…) d’avoir montré tout au long de la surveillance postopératoire qu’il était diligent et attentionné… Mais l’idée d’une fistulisation à partir du 5ème jour aurait dû être au premier plan de ses préoccupations compte-tenu de cette chirurgie sur maladie de Crohn sous corticoïdes. Le scanner aurait dû être pratiqué au moindre doute et l’anesthésiste, prévenu. Il y a eu un manque de réactivité (…) ».
Pour l’expert, l’anesthésiste avait été confronté à une reprise chirurgicale dans des conditions particulièrement difficiles en extrême urgence. Il n’était pas responsable du retard diagnostique de la complication. A ce sujet, « (…) il fallait sans doute déplorer le manque de véritable transmission médicale concernant les malades à prendre en charge entre le chirurgien et l’anesthésiste (…) ». Toutefois, « (…) L’anesthésiste était présent dans la clinique dès le 09/08. Une visite dans les secteurs opératoires de la clinique aurait dû lui permettre de prendre connaissance de cette patiente dont l’état clinique se dégradait depuis l’intervention et ce, même sans y avoir été formellement invité par le chirurgien ou le personnel. Surtout, il aurait dû prendre le temps de mettre en condition sa patiente avant l’induction anesthésique et l’on pouvait lui reprocher une insuffisance de remplissage vasculaire et de transfusion préopératoire (...) ».
Concernant le personnel de la clinique, et notamment l’infirmier de nuit auquel la patiente reprochait d’avoir posé un flacon de Ringer lactate sans prévenir un médecin, l’expert estimait qu’« (…) il avait suivi les pratiques de la clinique reconduisant la prescription médicale chez cette patiente dont la PA était déjà basse à sa prise de poste (...) ».
Au total, l’expert estimait que le dommage subi par la patiente était anormal au regard de la pathologie présentée et du traitement subi. Le caractère anormal du dommage provenait de la gravité du choc infectieux qui était en rapport, d’une part avec le retard de la mise en route du traitement (pour 70% du dommage) et d’autre part avec la mauvaise préparation à la réintervention (pour 30%).
Taux d’IPP évalué à 45%.
Avis de la CRCI (décembre 2009)
Se fondant sur le rapport d’expertise, la CRCI retenait que le retard imputable au chirurgien remplaçant avait entraîné une aggravation très importante des conséquences de la complication postopératoire et était, de fait, à l’origine du dommage subi par la patiente. De même, l’anesthésiste qui avait débuté son anesthésie dans des conditions tensionnelles très précaires, sans véritable réanimation préalable alors que plus de trois heures s’étaient écoulées depuis qu’il avait été prévenu, avait également contribué à ce dommage. En revanche, on ne pouvait reprocher au chirurgien de s’être absenté au 6ème jour postopératoire dans la mesure où il avait confié sa patiente à son « confrère » lequel était parfaitement habilité à effectuer un tel remplacement.
Pour la CRCI, la responsabilité du chirurgien remplaçant était engagée à hauteur de 70% et celle de l’anesthésiste à hauteur de 30%. Elle excluait toute responsabilité de la part du chirurgien qui avait opéré la patiente, du gastro-entérologue et du personnel de la clinique.