Animaux de compagnie : faut-il craindre une contamination au SARS-CoV-2 ?

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Animaux de compagnie : faut-il craindre une contamination au SARS-CoV-2 ?

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages0
  • Imprimer la page
  • Animal de compagnie et son maître portant un masque

Cet article dresse un état des lieux des avis et recommandations vétérinaires relatives aux potentielles mutations du SARS-CoV-2 chez les animaux de compagnie. Décryptage par le Dr Vétérinaire Michel Baussier.

Auteur : le Dr Michel Baussier, Docteur vétérinaire / MAJ : 16/12/2020

La Covid-19 : point sur une zoonose

Peu après l’apparition de la pandémie de covid-19, en avril-mai 2020 nous avions abordé sur le site la question des zoonoses1 et de l’approche One Health de la santé2. Nous avions également repris ces questions lors de la web conférence Grand @ngle de juin 20203.

On a rapidement compris que la covid-19 était une zoonose en ce que le virus SARS-CoV-2 est d’origine animale (selon toute vraisemblance, ce coronavirus est issu des chiroptères, réservoir animal), qu’il s’est adapté à l’homme et que la transmission est rapidement apparue comme exclusivement ou essentiellement interhumaine.

Toutefois, dès la fin février 2020, l’infection naturelle d’un chien était signalée à Hong-Kong. Depuis cette date, une soixantaine de cas de contaminations d’animaux domestiques - en particulier d’animaux de compagnie - ou sauvages ont été signalés. Même s’ils ne sont ni très nombreux ni très graves dans leur expression clinique quand toutefois celle-ci existe, ces cas ne peuvent que préoccuper les scientifiques, les chercheurs, les médecins et, au premier plan, s’agissant d’animaux, les vétérinaires.

Ces préoccupations se sont faites plus inquiétantes avec ce que l’on pourrait appeler l’affaire de l’infection des élevages de visons, d’abord aux Pays-Bas puis dans d’autres pays, dont le Danemark, particulièrement touché.

Dans le même temps, les chercheurs ont étudié l’infection expérimentale de diverses espèces animales. Des études sont toujours en cours, notamment en matière d’infection naturelle.

Les avis de l’ANSES

Premier avis 

A propos de l’infection possible des animaux de compagnie, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) avait émis en urgence, à la demande du gouvernement, un premier avis en mars.

Elle rappelait que, depuis son émergence en décembre 2019 en Chine, les connaissances acquises sur le coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la maladie Covid-19, montraient que la voie principale de transmission du virus était interhumaine, par contact entre les personnes ou à travers l’inhalation de gouttelettes infectieuses émises par les patients lors d’éternuements ou de toux. Néanmoins, eu égard à la source originelle animale probable, il était logique d’être vigilant sur le risque possible d’infection des animaux domestiques et leur éventuel rôle de relais de l’infection humaine.

L’ANSES rappelait notamment que le virus SARS-CoV-2 se lie à un récepteur cellulaire spécifique, qui constitue sa porte d’entrée dans les cellules. Même si ce récepteur était identifié chez des espèces animales domestiques et semblait capable d’interagir avec le virus humain, et que les études à ce sujet devaient être approfondies, les experts rappelaient que la présence du récepteur n’était pas une condition suffisante pour permettre l’infection de ces animaux. En effet, le virus n’utilise pas seulement le récepteur mais aussi d’autres éléments de la cellule qui lui permettent de se répliquer.

L’ANSES concluait ainsi :

"Dans le contexte actuel et au vu des informations disponibles, l’ANSES considère qu’il n'existe actuellement aucune preuve que les animaux domestiques (animaux d’élevage et de compagnie) jouent un rôle épidémiologique dans la diffusion du SARS-CoV-2. 

De plus, aucun cas de contamination de l’Homme par un animal de compagnie n’a été à ce jour rapporté."

Néanmoins, l’ANSES rappelle la nécessité de préserver les animaux de compagnie d’un contact étroit avec les personnes malades et d’appliquer les mesures d’hygiène de base lors du contact avec un animal domestique en se lavant les mains avant et après l’avoir caressé, après le changement de sa litière, et d’appliquer les "gestes barrière" dans toute situation.

Avis intermédiaires

L’ANSES, au fil des événements sanitaires, a adapté ses avis, toujours prudents cependant depuis le premier jour.

Elle a notamment indiqué que les rares cas de contamination et d’infection restaient sporadiques et isolés au regard de la forte circulation du virus chez l’Homme et de l’ampleur de la pandémie à l’heure actuelle, répétant que les cas investigués sont en faveur d’une transmission de l’Homme vers l’animal.

Avis du 16 octobre 20204

L’ANSES a refait récemment le point, prenant notamment en compte les essais d’infection expérimentale d’animaux et l’infection d’élevages de visons, en particulier au Danemark mais aussi en France. Adoptant l’avis de son groupe d’experts, elle considère toujours qu’à la lumière des éléments scientifiques actuellement disponibles (épidémiologie de la Covid-19, études expérimentales et naturelles), les animaux domestiques et sauvages ne jouent pas, à ce jour, un rôle épidémiologique dans le maintien et la propagation du SARS-CoV-2 au niveau national, voire mondial ; cette diffusion est, à ce jour, le résultat d'une transmission interhumaine efficace par voie respiratoire.

Toutefois, la réceptivité de certaines espèces animales au SARS-CoV-2, désormais établie, pose la question d’un risque éventuel de constitution d’un réservoir animal autre que l’humain.

À cet égard, elle recommande d’être particulièrement vigilant vis-à-vis de situations particulières impliquant des contacts entre l’Homme et les espèces réceptives, dans des conditions de densité importante d’animaux, et de promiscuité animal-Homme, particulièrement en milieu clos ou confiné. C’est assurément le cas des élevages de visons, en particulier au Danemark.

De même, une vigilance est nécessaire vis-à-vis d’évasions potentielles d’animaux sauvages réceptifs, détenus en captivité, qui pourraient servir de relais de transmission. Dans un contexte de forte pression d’infection virale (situation épidémique), il est rappelé la nécessité de mettre en œuvre les mesures de biosécurité adéquates (tenant compte de la transmission aéroportée) dans les élevages d’espèces réceptives pour y éviter l’introduction et la propagation du virus.

Il est recommandé aux personnes atteintes par la COVID-19 d’éviter tout contact étroit avec les animaux, sans pour autant compromettre leur bien-être et, lorsque le contact ne peut être évité (soins aux animaux par exemple), de porter un masque et de se laver les mains avant et après le contact avec les animaux. Enfin, en contexte de circulation virale active (situation épidémique), il convient également d’appliquer des mesures d'hygiène strictes après tout contact avec un animal réceptif (se laver les mains avec du savon après avoir touché un animal ou après un entretien de la litière, éviter les contacts étroits au niveau du visage, port d’un masque en cas de manipulation d’un animal réceptif, etc.).

Avis des académies de médecine humaine et médecine vétérinaire

L’Académie Nationale de Médecine et l’Académie Vétérinaire de France se sont exprimées à plusieurs reprises, notamment tout récemment fin novembre, sous forme d’avis et de communiqués communs5. Que faut-il retenir ?

  • Que s’il y a certes une étroite adaptation du virus à l’espèce humaine, la spécificité n’est cependant pas exclusive.
  • Que l’apparition de "variants" du SARS-CoV-2 chez des visons doit constituer une alerte et rendre vigilant, même si la probabilité d'une infection par les "variants" liés au vison est évaluée comme faible pour la population générale et modérée pour les populations des zones à forte concentration d'élevages de visons ; qu’elle reste cependant très élevée pour les personnes exposées aux fermes de visons.
  • Que le risque de recombinaison du SARS-CoV-2 avec des coronavirus canins ou félins ne peut être exclu ; que certains NAC et animaux sauvages doivent être considérés avec attention, le cas des chiens viverrins étant évoqué.

Les académies rappellent cependant que les rapports publiés jusqu’à présent sur les mutations du SARS-CoV-2 n’apportent pas de données scientifiques précises laissant présager un risque réel pour la santé publique.

De leurs recommandations, les vétérinaires praticiens peuvent retenir :

  • Qu’il ne faut pas limiter la surveillance aux fermes d’élevage de visons, mais qu’il faut l’élargir aux autres espèces animales (domestiques ou sauvages) pour éviter la possibilité d’installation d’un réservoir animal occulte du SARS-CoV-2.
  • Qu’il faut renforcer les mesures de biosécurité recommandées vis-à-vis des animaux, et plus particulièrement évidemment des visons.
  • Qu’il faut améliorer la coordination entre les secteurs de la santé animale, humaine (y compris la santé et la sécurité au travail), dans un contexte "une seule santé" afin de développer des stratégies efficaces de lutte contre la pandémie de Covid-19.

Recherches en cours

Des recherches sur la réceptivité et la sensibilité des animaux de compagnie se poursuivent, notamment en France. Le projet CoVet dont les résultats devraient être disponibles en fin de premier semestre 2021 portera sur 6 500 échantillons sanguins d’animaux de compagnie prélevés dans les diverses régions de France.

En résumé, quelles sont les recommandations pour les vétérinaires praticiens ?

  • Ne jamais perdre de vue que la médecine vétérinaire se doit avant tout d’être préventive.
  • Encore moins oublier qu’elle doit toujours privilégier l’intérêt général et notamment la santé publique sur les intérêts particuliers d’un animal ou de son maître.
  • Leur vigilance doit concerner les chiens, sans doute encore davantage les chats et bien sûr aussi les mustélidés dont le furet au titre des NAC, même si le fait d’être un mustélidé (comme le vison) n’est pas un critère déterminant en matière de risque de santé publique. Les NAC comme le hamster doré doivent être considérés également avec attention. Leur vigilance doit être aiguë vis-à-vis des chiens viverrins qui pourraient leur être exceptionnellement présentés. Les vétérinaires praticiens – presque tous vétérinaires sanitaires - constituent des sentinelles sanitaires irremplaçables en la circonstance.
  • Leur analyse du risque sanitaire doit largement autant porter sur les modalités de cohabitation, plus ou moins intimes, du ou des animaux de compagnie considérés avec leur maître.
  • Ils doivent mettre en œuvre avec attention et vigilance au sein de leurs établissements de soins les mesures sanitaires dont ils ont pleinement l’habitude, notamment les gestes barrières, le port de masques, les mesures de nettoyage et désinfection.
  • Ils doivent pleinement apporter à leurs clients propriétaires d’animaux de compagnie informations et conseils. Au-delà de cette attitude, ils doivent se sentir totalement investis, au titre de la santé publique, d’une mission éducative sanitaire, élément essentiel de lutte contre les zoonoses.

 

Liens utiles

1- "A propos de la pandémie Covid-19 : les zoonoses"
2- "Le concept d'une seule santé (One health)"
3- Web conférence Grand @ngle "Zoonoses : transmission des virus de l'animal à l'Homme"
4- Avis de l'ANSES (Autosaisine n° 2020-SA-0059 - 16 octobre 2020)
5- Avis de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie vétérinaire de France "SARS-CoV-2 : sensibilité et risques en santé publique"

Références complémentaires

Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) : mobilisation de la FRB par les pouvoirs publics français sur les liens entre covid-19 et biodiversité. 15 05 2020.
FRITZ M, ROSOLEN B et al. High prevalence of SARS-CoV-2 antibodies in pets from COVID-19+ households. One Health 11 (2021) 100192  www.elsevier.com/locate/onehlt
GAGNON A-C.  SARS-Cov-2 et furets : l’ANSES rassure. La Semaine vétérinaire, 01 12 2020.
PATTERSON E-I, ELIA G et al. Evidence exposure to SARS-CoV-2 in cats and dogs from households in Italy.  Nature communication  https://doi.org/10.1038/s41467-020-20097-0

 

A lire aussi

Le guide de bonnes pratiques d'hygiène vétérinaire de Qualitevet
L'observance du traitement en médecine des animaux de compagnie
Effets indésirables des médicaments vétérinaires chez l'être humain