Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. À la une ce mois-ci : l'efficacité des briefings d’équipe, les facteurs de burnout chez les médecins aux États-Unis, l’impact socio-professionnel de la chirurgie bariatrique, la sécurisation numérique des césariennes, la perception de la continuité des soins, le surdiagnostic des cancers précoces, la diversité croissante du personnel soignant...
La coordination dans les équipes médicales repose largement sur des temps d’échanges courts organisés dans la journée entre soignants, dont on sait qu’ils gagnent à avoir un minimum de formalisme pour améliorer réellement l’information réciproque et réduire les événements indésirables (EI).
Cette équipe canadienne de Toronto propose un essai randomisé en grappe en quatre séquences en multisites. Les séquences s’inscrivaient dans une période de 9 mois sur chaque hôpital avec une adaptation à chaque contexte de service, avec 4 mois de contrôle de départ, suivie de permutations aléatoires d’interventions et d’arrêt d’intervention de chacune 2 mois après.
On mesurait sur ce cycle d’étapes le nombre et qualité des personnes qui assistaient aux briefings courts ("huddles" en anglais), le taux et la nature des EI sur 912 patients de l’essai tirés au sort. La culture de sécurité était évaluée avant-après par le questionnaire de culture de sécurité habituel préconisé comme standard mondial.
Le taux d’EI/1 000 patients jours est 12% plus bas après intervention qu’avant (période contrôle) (OR : 0.88, p=0.016). La moyenne de participation variait de 30 à 85% des effectifs, et la moyenne des points considérés dans l’échange passait de 1,6 avant l’intervention à 3,1 après l’intervention. De même les marqueurs d’une culture plus apprenante dans l’équipe progressaient (de 35 à 54%).
Tous ces résultats confirment pleinement l’efficacité de l’organisation et pratiques de courts points de recalage - particulièrement entre et avec les médecins - partagés et organisés tout au long de la journée de travail.
Cette étude américaine a interrogé par un questionnaire de 42 items un panel de 1421 médecins internistes au sens générique (spécialistes ou généralistes) sur leur vécu professionnel, pour un total de 629 réponses (44,3%).
Le questionnaire portait sur plusieurs dimensions connus des symptômes de burnout : fatigue physique et émotionnelle, pauvreté de l’accomplissement au travail, sentiment de dépersonnalisation, toutes ces dimensions reprises du Maslach Burnout Inventory-Human Services Survey.
Un total de 9,8% de ces médecins ont rapporté un burnout sévère, avec un dépassement de seuil de risque sur au moins trois dimensions testées.
La perception d’un environnement professionnel dégradé ressort comme une variable très déterminante du burnout (charge de travail, perte d’autonomie et de contrôle sur sa vie…).
Inversement, la présence d’une coordination des services (ou d’un employeur) traitant les médecins avec respect, dignité et compréhension de leurs besoins personnels réduit le risque. La préservation d’une prise de conscience de la valeur de son engagement au sein d’un collectif sur la santé et d’une quête de buts professionnels joue aussi contre la survenue du burnout en donnant du sens au travail réalisé.
La chirurgie bariatrique est largement reconnue pour ses bienfaits sur la santé ; cependant, son association avec la productivité au travail et la participation à l'emploi, bien que fréquemment rapportée, n'a pas fait l'objet d'une synthèse systématique. Ces données sont essentielles pour éclairer l'évaluation économique de cette chirurgie.
La recherche documentaire systématique a été effectuée dans 5 bases de données publiées jusqu'en avril 2024. Les différences dans les résultats professionnels ont été comparées avant et après la chirurgie, ainsi qu'entre les groupes ayant subi une chirurgie et ceux n'ayant pas subi de chirurgie.
Les comparaisons ont été classées en trois groupes : amélioration, aucune différence et aggravation.
Au total, 42 études provenant de 15 pays ont été incluses. Les études ont été publiées entre 1977 et 2023, la plupart ayant été menées dans des pays à revenu élevé. Le pontage gastrique était l'intervention la plus fréquemment étudiée. Les indicateurs les plus couramment évalués étaient les taux d'emploi et de chômage, l'absentéisme et les congés maladie.
La chirurgie bariatrique est associée à une amélioration du présentéisme, des heures de travail, des capacités, de l'absentéisme à court terme et des taux d'emploi. Mais le taux d'emploi à long terme suit une trajectoire en U inversé, avec une augmentation initiale des taux d'emploi après l'opération, mais un retour aux niveaux de référence après environ 5 ans. Les principaux obstacles à l'amélioration des résultats professionnels sont une perte de poids insuffisante, le sexe féminin, l'âge avancé, les comorbidités préopératoires, une qualité de vie moindre et un manque d'expérience professionnelle antérieure.
On retient que la chirurgie bariatrique a un impact positif à court terme sur la productivité et l'emploi, mais ses avantages professionnels à long terme restent incertains. Certains sous-groupes, tels que les femmes et les personnes âgées, peuvent avoir besoin d'un soutien postopératoire adapté pour maintenir leur emploi et leurs gains de productivité.
Ces résultats soulignent la nécessité cruciale de mettre en place des stratégies à long terme pour maintenir les avantages professionnels après l'opération et développer des interventions ciblées pour les populations à risque.
L’Australie a développé un programme de réduction et de sécurisation des accouchements prématurés évitables (Preterm Birth Collaborative), en s'attaquant à la prématurité comme cause principale de mortalité infantile et d'invalidité à long terme.
Le Mater Mother's Hospital (MMH-à Brisbanne), un centre obstétrique tertiaire, participe à l'initiative nationale "Every Week Counts" - Chaque Semaine Compte - afin de minimiser les accouchements et césariennes précoces inutiles. Les césariennes précoces électives à 39 semaines augmentent le risque d'admission en unité de soins intensifs néonatals et de retards de développement. Le MMH a introduit un registre électronique à suivre pendant la grossesse indiquant un créneau de césarienne programmé souhaitable (date de réservation de la césarienne) afin d'améliorer le respect des directives cliniques relatives à l'âge gestationnel à la naissance et de réduire les variations cliniques injustifiées.
L’étude repose sur un audit rétrospectif monocentrique sur les données relatives aux césariennes avant et après la mise en place du registre. Les données des 3 mois précédant et des 3 mois suivant ont été extraites des dossiers hospitaliers, afin d'évaluer les données démographiques, les indications cliniques et le respect des directives nationales ou hospitalières.
Le formulaire de réservation fournit une fenêtre d'accouchement recommandée en fonction des facteurs de risque, et nécessite une justification en cas de dérogation. Le respect des directives et les taux d'accouchements imprévus avant la césarienne programmée ont été évalués.
La durée d’observation est de 6 mois avec 1 059 patientes sélectionnées, 557 cas de césariennes évaluées, dont 283 avant la mise en œuvre du registre et 274 après la mise en œuvre. La conformité globale aux directives cliniques s'est améliorée, passant de 90,5% à 94,5% (P = 0,06). Une amélioration significative a été observée chez les patientes présentant des facteurs de risque maternels ou fœtaux, avec une augmentation de la conformité de 86,8% à 93,3% (P = 0,04). La conformité chez les patientes à faible risque est restée élevée (95,2% avant la mise en œuvre contre 96,8 % après la mise en œuvre, P = 0,52). La proportion de cas de césariennes présentant une rupture spontanée des membranes ou un travail avant l'intervention prévue est resté inchangée (23,6% contre 24,8%, P = 0,75).
En conclusion, l'introduction d'un formulaire électronique de réservation de césarienne, associée à une hiérarchisation clinique, a amélioré le respect des directives cliniques relatives à l'âge gestationnel recommandé au moment de l'accouchement, en particulier pour les patientes présentant des facteurs de risque maternels ou néonataux. Bien que le formulaire de réservation n'ait pas eu d'impact significatif sur le respect global des directives ou sur le taux de patientes présentant une rupture spontanée des membranes ou un travail nécessitant une césarienne d'urgence, il souligne le rôle précieux de l'innovation numérique dans la réduction des variations cliniques injustifiées. Les recherches futures devraient explorer une mise en œuvre plus large dans divers contextes de soins de santé.
L’étude proposée est qualitative utilisant des entretiens et des groupes de discussion menés en Angleterre entre juillet 2024 et février 2025 auprès de patients et professionnels. Des entretiens semi-structurés concernent 17 professionnels de santé, et six groupes de discussion ont été organisés avec 40 patients.
L'analyse thématique inductive s'est appuyée sur des modèles théoriques de continuité, le modèle de généralité de Reeve et Byng et le modèle biopsychosocial de soins, les données étant codées à l'aide du logiciel NVivo.
Quatre thèmes ont été identifiés :
En conclusion, les auteurs pensent qu’on est peut-être en train d'atteindre un point de basculement où une masse critique de patients considère la médecine générale uniquement comme un moyen d'accéder à des services biomédicaux auprès de n'importe quel membre du personnel disponible.
Les objets chirurgicaux oubliés (RSI) sont des corps étrangers laissés à l'intérieur du corps après une intervention chirurgicale, classés comme des événements graves évitables jugés absolument injustifiables (Never Events).
Cette étude chinoise vise à examiner les conséquences et l'impact de ces événements, afin de sensibiliser le public et de mettre l'accent sur la prévention.
L'auteur a passé en revue les rapports de cas publiés entre 2020 et 2024. Au total, 37 cas ont été évalués. À l'exception de 3 patients asymptomatiques, 91,89% ont consulté un médecin en raison d'une gêne, 59,46% d'entre eux souffrant de douleurs.
En moyenne, 2,33 examens d'imagerie supplémentaires ont été nécessaires.
Parmi les patients, 94,59% ont subi une deuxième intervention chirurgicale ou plus, dont 77,14% étaient des chirurgies ouvertes.
Des complications graves ont été observées dans 29,73% des cas, et 3 patients sont décédés des suites de complications.
La durée moyenne d'hospitalisation après l'opération était de 5,94 jours.
La durée médiane d'incubation était de 1,75 an.
Des instruments oubliés ont été détectés dans diverses procédures et sites anatomiques, 67,57% d'entre elles présentant des symptômes non spécifiques. Seuls 32,43% des diagnostics ont été identifiés par imagerie et 70,27% ont été confirmés en peropératoire, ce qui indique que le diagnostic initial ne correspondait au diagnostic final que dans 29,73% des cas.
L'impact des objets chirurgicaux oubliés sur les patients et les prestataires de soins de santé est considérable.
Il est essentiel de comprendre les facteurs qui influencent la satisfaction des patients pour améliorer les services de santé. Pour autant, la diversité des éléments qui affectent cette satisfaction rend difficile l'amélioration simultanée de tous ces facteurs.
L'objectif de cette étude coréenne est d'analyser les facteurs qui influencent la satisfaction des patients sur la base d’une enquête sur l'expérience des patients et d'identifier les principaux prédicteurs classés par ordre d'importance pour une application efficace dans les milieux cliniques et hospitaliers.
Au total, 69 562 réponses ont été obtenues dans le cadre de cette enquête sur l'expérience/vécu des services médicaux menée entre 2019 et 2023.
Sont inclus trois cohortes de patients :
L’étude a comparé si les principaux facteurs prédictifs du niveau de satisfaction différaient selon le type d'établissement médical (clinique ou hôpital), le type de soins (ambulatoires ou hospitaliers), ainsi que selon la mesure spécifique de la satisfaction et/ou de l’intention de recommander cet établissement/praticien à d’autres.
L'analyse des résultats montre que la satisfaction des patients était déterminée par différents facteurs selon la mesure des résultats. Pour la satisfaction globale, le facteur prédictif le plus significatif était la satisfaction à l'égard des résultats du traitement, tandis que pour l'intention de recommander, le facteur le plus influent était la commodité de l'établissement médical.
Ces résultats sont cohérents pour tous les types d'établissements médicaux (cliniques ou hôpitaux) et toutes les modalités de soins (ambulatoires ou hospitaliers). L'attitude des prestataires de soins de santé (médecins ou infirmières) est également apparue comme un facteur prédictif clé de la satisfaction des patients, bien que son importance varie en fonction du type d'établissement médical et de la modalité de soins.
L'augmentation des taux de cancer précoce suscite une couverture médiatique importante et une vive inquiétude dans la population. En réponse à cela, le cancer précoce est devenu une priorité de recherche au niveau fédéral, et les directives cliniques ont évolué pour recommander un dépistage plus précoce de certains cancers. Cependant, il n'est pas encore clair si cette augmentation des taux reflète une véritable augmentation de l'incidence du cancer ou si elle s'explique plutôt par un dépistage plus rigoureux.
Dans l'ensemble, les 8 cancers dont l'incidence augmente le plus rapidement (>1% par an) chez les adultes américains de moins de 50 ans (thyroïde, anus, rein, intestin grêle, côlon, endomètre, pancréas et myélome) ont doublé depuis 1992, tandis que la mortalité globale pour ces cancers est restée stable.
Le cancer colorectal et le cancer de l'endomètre ont enregistré une légère augmentation de la mortalité ; pour les autres, la stabilité ou la baisse de la mortalité parallèlement à l'augmentation des diagnostics suggère que cette tendance s'explique par une meilleure détection (plutôt que par une augmentation des cas).
Dans certains cancers, tels que le cancer de la thyroïde et le cancer du rein, le surdiagnostic est bien documenté. Pour d'autres, la détection fortuite ou le diagnostic précoce peuvent expliquer ces tendances. Bien qu'il ne figure pas parmi les cancers dont la croissance est la plus rapide (0,6% par an), le cancer du sein reste le cancer précoce le plus fréquent et, malgré l'augmentation des diagnostics chez les femmes de moins de 50 ans, la mortalité a diminué d'environ moitié.
Conclusion, l'augmentation de l'incidence des cancers précoces ne signifie pas nécessairement une augmentation de l'incidence des cancers cliniquement significatifs. Si une partie de cette augmentation est probablement cliniquement significative, elle semble toutefois faible et limitée à quelques types de cancers.
Elle semble principalement refléter une amélioration des techniques de diagnostic et un surdiagnostic. Interpréter l'augmentation de l'incidence comme une épidémie de maladie peut conduire à des dépistages et des traitements inutiles, tout en détournant l'attention d'autres menaces sanitaires plus pressantes chez les jeunes adultes.
Le vécu du patient sur ses soins (Qualité, Sécurité, Satisfaction) est de plus en plus considéré comme élément significatif de l’évaluation de la Qualité des systèmes de santé. Cette étude coréenne utilisant des retours de questionnaires patient sur leur vécu, et des données d’assurances et de contentieux évalue le lien possible entre un mauvais vécu - évalué par questionnaire et résumé par un score - et le coût financier final des plaintes de ces patients.
Les résultats montrent qu’un bon vécu expérientiel de la prise en charge par le patient réduit le nombre de plaintes et le coût financier associé. La relation singulière avec les médecins est un élément déterminant de cette estimation du vécu par les patients, et aussi un élément déterminant des plaintes et au-delà du coût de compensation financière à ces plaintes. Les infirmiers ne sont pas épargnés dans ces mauvais vécus par les patients et les coûts associés.
L’étude montre plus globalement qu’en améliorant les droits du patient, particulièrement dans les interactions avec les professionnels de santé de proximité, on réduit significativement plaintes et coûts associés.
Le Questionnaire PaRIS-PQ (Patient Reported Indicator Surveys-patient Questionnaire) a été proposé comme instrument d’autoévaluation standardisé par l’OCDE pour les patients chroniques relevant des soins primaires.
Le cadre conceptuel du questionnaire développé couvre 4 champs :
Le questionnaire comprend aussi une partie sur les caractéristiques démographiques et sociologiques du patient. Il s’adresse à des patients de plus de 45 ans souffrant de pathologies chroniques et suivis en soins primaires, avec trois cibles :
Le questionnaire a été traduit dans plusieurs langues.
L’étude évalue la qualité psychométrique de cet instrument. Le questionnaire de départ comportait 118 items. Il a été soumis à 10 894 patients de 18 pays, avec un temps de remplissage de 24 à 33 minutes. La validité s’avère bonne, la fiabilité des résultats reste supérieure à 70% sur les aspects relevant purement de la pathologie (outcomes), un peu moins bons sur les aspects du vécu du système de santé.
Le questionnaire a été validé, légèrement modifié, et réduit à 115 items à la suite de cette phase. Il peut maintenant servir aux autorités de santé pour mieux ajuster les services de santé de soins primaires aux besoins des patients.
La pénurie persistante de travailleurs aux États-Unis fournissant des services à domicile et des soutiens à long terme depuis plus d'une douzaine d'années a conduit à une dépendance accrue à l'égard des travailleurs étrangers pour répondre à la demande croissante. Il existe peu de données empiriques sur l'évolution à long terme de la composition de la main-d'œuvre directe en fonction du lieu de naissance et du cadre de soins.
À partir des données de l'American Community Survey (2012-2022), les auteurs ont analysé la part prise par les travailleurs étrangers et comment leur participation était répartie entre les différents besoins (soignants, aidants, etc…).
Les soignants et aidants étrangers immigrés comblent de plus en plus les pénuries de main-d'œuvre, en particulier dans le secteur des services à domicile et communautaires dont la demande a augmenté de plus de 24% entre 2012 et 2022, tandis que la main-d'œuvre institutionnelle a diminué de 23%.
Les travailleurs étrangers ont représenté environ la moitié de l'augmentation de la main-d'œuvre.
Dans un contexte politique peu favorable, l’évidence montre que le recours à la main d’œuvre étrangère immigrée dans les soins de suite et de long-terme aux États-Unis est devenue indispensable au fonctionnement du système de santé américain.