Chute d'un nouveau-né du lit maternel

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Chute d'un nouveau-né du lit maternel

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  • Chute d'un nouveau-né du lit maternel

La chute fait l’objet de nombreuses déclarations d’événements indésirables dans les établissements de santé. La plupart du temps, elles sont en lien avec la prise en soin des personnes âgées ou vulnérables, des actions de prévention sont recommandées, notamment par la HAS afin de réduire le risque de chute.

Le cas clinique suivant décrit un incident où un nouveau-né a été exposé à ce risque.

  • Sage-femme
Auteur : Caroline QUELEN, Sage-femme / MAJ : 25/02/2019

Cas clinique

  • Le service compte 23 lits au total. 18 patientes sont présentes dans le service avec leur nouveau-né. Ceci représente une activité normale pour le service. Ce secteur de suites de couches est défini comme physiologique : il s’agit de prise en soin sans comorbidité ou de pathologies particulières.
  • La plupart des patientes sont autonomes pour les soins des nouveau-nés. Un berceau transparent est à disposition pour chaque enfant dans les chambres près du lit maternel.
  • Une sage-femme et une auxiliaire de puériculture sont présentes sur ce secteur la nuit pour répondre aux besoins des mamans et des nouveau-nés.
  • Les professionnels prennent les transmissions à leur arrivée dans le service afin de prioriser leurs actions en début de nuit. Par exemple, examen et surveillance des jeunes accouchées et de leurs nouveau-nés.
  • Ensuite elles réalisent un « tour » afin de voir toutes les patientes et de répondre à leurs attentes. Elles rappellent certaines consignes pour la surveillance du nouveau-né : délai maximum des tétées, conseils de mises au sein, changes, etc. Les professionnelles présentes dans le service sont expérimentées.
  • A 3h du matin. Une patiente sort de sa chambre paniquée, elle a été réveillée par les pleurs de son bébé. Celui-ci était à terre au pied du lit maternel. Celui-ci avait chuté du lit maternel, il était installé auprès de sa maman pour dormir.
  • Le pédiatre est appelé en urgence pour réaliser un examen clinique complet. Celui-ci arrive très rapidement (moins de 5 min). L’enfant ne présente aucun traumatisme sévère sur le plan clinique, ceci étant, par mesure de précaution, il est hospitalisé en néonatologie pour surveillance et examens complémentaires.
  • La durée d’hospitalisation a été prolongée de 3 jours pour la mère et le nouveau-né puisque cette maman devait sortir le jour même, temps nécessaire pour réaliser les examens complémentaires et une surveillance de l’enfant. Les résultats se sont révélés très rassurants : pas de fracture, pas d’hématome, pas d’hémorragie. Par ailleurs, l’enfant a eu un comportement normal au cours de la surveillance (alimentation, éveil, tonicité, etc.)
  • La maman a été particulièrement choquée par cet incident, elle a bénéficié d’un soutien psychologique durant le séjour.
  • Les professionnelles présentes cette nuit-là ont également été entendues par le cadre du service afin de débriefer la situation.

Analyse approfondie des causes selon la méthode ALARM

Facteurs clés liés au patient

  • Il s’agissait du troisième enfant de cette patiente. Lors de ces précédents séjours à la maternité, elle avait déjà installé son bébé dans le lit afin de lui procurer réconfort et réassurance.
  • Elle était habituée à cette pratique et avait prolongé cette expérience à son retour à domicile.
  • Il est légitime de répondre aux besoins du bébé surtout la nuit : la fatigue et le manque de sommeil favorisent cette pratique.
  • Ceci étant les conditions d’installation représentait un risque de chute dont cette patiente n’a pas pris conscience : hauteur du lit, largeur du lit, souplesse du matelas.
  • Concernant la hauteur du lit, celui-ci était au niveau le plus bas, ceci représentait une chute de 50 cm environ.

Facteurs liés aux tâches à accomplir

  • Les soignants ont pour mission de sécuriser le parcours de soin. L’analyse de cet incident a mis en exergue une pratique légitimement répandue dans le service : les patientes installent le bébé dans leur lit.
  • Le rôle du soignant est d’échanger avec les patientes sur les risques de cette pratique et de proposer des alternatives adaptées aux besoins de la mère et de l’enfant.
  • En l’occurrence, un système de « cododo » était disponible à l’étage.
  • Celui-ci n’a pas été proposé.

Facteurs liés à l’individu (soignant)

  • Les professionnelles présentes ne savaient pas installer le système de « cododo ».
  • Ce système permet de favoriser le contact du nouveau-né avec sa mère tout en garantissant sa sécurité. Il s’agit d’un berceau accolé au lit maternel, pas de risque de chute ou de fouissement.
  • Chaque étage de suites de couches comptait 2 systèmes de berceaux « cododo ».
  • Le nombre de berceaux disponibles limitait donc son utilisation et les professionnels ne s’en servaient que rarement malgré sa plus-value sécuritaire.

Facteurs liés à l’équipe

  • L’équipe, expérimentée, a montré un défaut perception de la situation, peut-être par habitude puisqu’elles n’avaient jamais été confrontées à un tel incident.
  • Cette expérience a eu pour impact de développer leur culture sécurité.

Facteurs liés à l’environnement de travail

  • Le nombre limité de berceaux « cododo » dans le service a rendu son utilisation compliquée. Les professionnels n’avaient pas l’habitude et l’expertise pour installer le système.
  • De ce fait, ils préféraient ne pas le proposer plutôt que de mal l’installer.
  • Il s’agit là, d’une attitude plutôt sécuritaire.

Facteurs liés à l’organisation et au management

  • La diffusion de l’installation de ce système à l’ensemble du personnel par le cadre du secteur semble insuffisante.
  • Dès lors que du matériel est à disposition, le personnel doit recevoir les informations ou une formation afin d’utiliser le matériel de manière optimale.
  • Un document a cependant été archivé dans le classeur de protocole du service, celui-ci décrit étape par étape l’installation du matériel.

Facteurs liés au contexte institutionnel

  • La déclaration d’incident a été faite par les professionnelles.
  • Ceci démontre un bon niveau de culture sécurité au sein de l’établissement.
  • Les contraintes budgétaires conditionnent l’achat du matériel dans tous les services.
  • L’achat du matériel est soumis à un système de priorisation par pôle d’activité.
  • Le système de berceaux « cododo » fait l’objet d’une demande annuelle afin de mettre à disposition ce système à toutes les patientes, le nombre de système acheté reste très limité chaque année.

Barrières d'atténuation :

La hauteur du lit était au plus bas, ceci a limité la hauteur de la chute et ses conséquences.

Barrières qui n’ont pas fonctionné :

  • Insuffisance d’échange entre les professionnelles et la patiente
  • Défaut de perception de la situation de la part des professionnelles
  • Matériel non adapté aux besoins de la mère et du nouveau-né

Actions correctives :

  • Rappel des consignes de sécurité à l’ensemble des professionnels de suites de couches et en particulier aux professionnels de nuit avec émargement des professionnels ayant reçu l’information,
  • Élaboration d’une check list sur les informations à donner aux patientes hospitalisées en suites de couches,
  • Réadaptation de l’équipement pour répondre aux besoins des mères et des nouveau-nés, priorisation de l’achat du système de « cododo »,
  • Réalisation d’une vidéo sur l’installation du berceau « cododo » sur le lit maternel (support plus pédagogique qu’un document papier),
  • Mise à disposition de la vidéo sur tous les PC des bureaux de soins dans chaque unité des suites de couches avec émargement des professionnels ayant visionné la vidéo.

Conclusion

« N’ayez pas peur de faire une erreur. Mais faites-en sorte de ne pas faire la même erreur deux fois » Akio Morita

Cette analyse nous amène à prendre des mesures de prévention pour limiter le risque de chute en suites de couches. Cette démarche a postériori, bien qu’utile, est insuffisante et expose à une situation de risque avéré potentiellement grave.

La démarche d’analyse du risque a priori permettrait, pour lesquels l’heuristique n’existe pas au quasiment pas. Il semble que la perception du risque ou sa représentation dans notre exemple soit un élément majeur de réflexion. En effet, ni la mère, ni les professionnels n’ont perçu le risque. Celui-ci a été occulté par le seul bénéfice attendu et l’auto censure des professionnels peu enclins à proposer un matériel qu’ils ne maitrisent pas, peu disponible donc peu utilisé.

Tout comme l’apparition du buste de Voltaire dans le Marché aux esclaves de Salvador Dali, on ne perçoit parfois plus ce qui est trop évident.

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