Excellence en santé : un but général mais des visions différentes à réconcilier

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Les patients espèrent logiquement une excellence de la médecine quand ils en ont besoin. Mais, même si le concept d’excellence est synonyme pour tous de qualité, son contenu se décline différemment pour les patients, les citoyens et pour les professionnels de santé (Berwick, 2009). Est-il possible de concilier ces points de vue différents ? 

Auteur : le Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 16/05/2023

Excellence : des définitions différentes selon le point de vue "patient" ou "soignant"

L’American Society for Quality définit l’excellence comme une performance et un service qui surpasseraient les exigences et attentes, sans démontrer de points faibles et d’erreurs. 

Du côté des professionnels, l’excellence organisationnelle est définie comme l’effort pour établir un cadre de standards et de procédures qui engage et motive les employés à délivrer les produits et services qui satisfont le client, tout en atteignant et respectant les objectifs et contraintes professionnels.

Ces différences irriguent aussi la logique des certifications des hôpitaux et plus globalement des évaluations des systèmes de santé : faut-il adopter une vision patient incluant le ressenti émotionnel de toute la prise en charge des soins ? Ou s’en tenir à une vision technique et professionnelle centrée sur le résultat clinique ? Faut-il y inclure aussi la qualité de vie au travail de ces professionnels ?

Ce sont les mêmes différences qui questionnent les incompréhensions récurrentes entre patients et professionnels (qui en ressentent souvent une forte injustice) sur la définition de l’excellence en matière de sécurité du patient :

  • Pour les professionnels (et pour les assureurs), la sécurité médicale consiste d’abord et surtout à l’évitement ou la prise en charge rapide de toute complication, de sorte à ne pas subir de conséquences graves (des indicateurs sont donc surtout centrés sur les complications, leurs causes, leurs détections, leurs atténuations ; bref, une vision technique de la médecine).
  • La sécurité pour les patients est un concept plus large, qui prend en compte tout préjudice psychologique ressenti par une mauvais accueil, retardé, non courtois... bref, par une médecine qui aurait oublié son côté compassionnel. 

Vu du professionnel, l’absence de complication et un déroulé optimal du chemin de guérison valent excellence, et il ne comprend pas forcément que le patient puisse se plaindre dans ces conditions d’une quelconque mauvaise prise en charge, de retard ou défaut d’écoute ou autres faits relationnels, alors que le résultat est assuré.

Les deux points de vue se comprennent, et la satisfaction du client-patient dans toutes ses composantes est évidemment un objectif légitime. La question est : peut-on réconcilier ces points de vue divergents dans une approche commune ? 

Excellence : comment rapprocher et faire coexister les deux visions ?

La solution n’est pas simple. Pour preuve, une revue de littérature (Furnival, 2017) sur les cadres utilisés pour juger de la Qualité montrait l’existence de 70 cadres différents déjà publiés, souvent polarisés sur une des deux approches mentionnées ci-dessus.

C’est sans doute le cadre d’excellence proposé par l’European Foundation for Quality Management (EFMQ) qui paraît l’outil le plus consensuel pour rapprocher et faire vivre les deux visions ensembles (Sampietro, 2015). 

Il identifie 9 domaines clés de la Qualité : 

  • 5 centrés sur les résultats médicaux fondés sur des standards et procédures cliniques, 
  • 4 centrés sur la satisfaction de la prise en charge, l’image globale perçue de la médecine dans la société, mais aussi de la Qualité de vie au travail (pour les professionnels) ; la mesure de cette satisfaction utilise d’autres indicateurs mesurables que les résultats purement cliniques (temps d’attente, temps d’hospitalisation, questionnaire d’opinion sur le service de santé dans le pays, questionnaire de satisfaction des patients et des professionnels, turnover de ces derniers, absentéisme, etc.).

À noter qu’un autre cadre d’excellence prétend aussi réunifier les deux visions, celui américain dit de Balridge (American Malcom Balridge National Quality Award). Il couvre plus ou moins les mêmes entrées.

Une revue de question récemment publiée sur l’excellence dresse une rapide comparaison entre les deux approches (Kamal, 2023), ce qui les rapproche et ce qui les sépare.

Dans les deux cas, le point le plus souvent oublié dans les résultats d’excellence reste la Qualité de vie au travail des professionnels, plus que la Qualité pour les patients. Plusieurs études notent même que cette Qualité (de vie) au travail pour les professionnels ne cesse de se dégrader.

Dans les deux cas aussi, l’image sociétale de l’excellence de l’offre de santé et de son coût restent des sujets complexes à évaluer en termes d’excellence ; ils sont affectés culturellement, avec des indicateurs différents entre les deux modèles américains et européens. Dans les deux cas, ils sont plutôt perçus comme se dégradant mais avec un problème plus global sur le choix des indicateurs d’excellence, faisant consensus dans leur modèle culturel respectif (dans les deux cas, les indicateurs d’excellence diffèrent sur le côté coût de la santé, le modèle de couverture financier, l’accès aux soins, les réformes en cours, la couverture des déserts sanitaires et des zones défavorisées, etc.).

Des points de convergence

Pour conclure, l’excellence en santé est un concept attractif mais sa mesure reste un sujet de débats, d’abord entre points de vue des patients et des professionnels, puis, et ce n’est pas le moins important, entre points de vue culturels nationaux. 

Deux grands modèles de réflexion et de mesure d’excellence sont proposés par la littérature, l’un européen, l’autre américain.

Les deux modèles sont d’accord sur la nécessité d’une vision globale, intégrative des différentes composantes de l’excellence, pour les patients, pour les professionnels et in fine pour la vision de la société sur ce qu’est l’excellence du modèle de santé choisi.

Certains points de difficultés sont consensuels aux deux modèles, particulièrement :

  • le "trou" récurrent dans la prise en compte d’une excellence de Qualité de vie au travail des professionnels de santé,
  • le "trou" sur la compréhension par la population d’une excellence stratégique basée sur une réforme nécessaire du système de santé actuel.

Pour le reste, nul doute, compte tenu des écarts culturels des systèmes de santé entre Amérique et Europe, que le cadre d’excellence proposé par le modèle européen nous correspond plus que le cadre d’excellence du modèle américain de Balridge.

Pour aller plus loin
- Berwick D. M. (2009). What "patient-centered" should mean : confessions of an extremist : A seasoned clinician and expert fears the loss of his humanity if he should become a patient. Health affairs, 28(Suppl1), w555-w565. 
- Comparison Between Joint Commission Standards, Malcolm Baldrige National Quality Award Criteria, and Magnet Recognition Program Components, The Joint Commission (2013) : 1–14.
- Furnival J., Boaden R., & Walshe K. (2017). Conceptualizing and assessing improvement capability: a review. International Journal for Quality in Health Care, 29(5), 604-611.
- Kamal, E. (2023). Implementation of Business Excellence Models in Healthcare for Quality Assessment: A Systematic Review. Global Journal on Quality and Safety in Healthcare, 6(1), 15-23.
- Sampietro-Colom L., Lach,K., Pasternack I., Wasserfallen J. B., Cicchetti A., Marchetti M., ... & Ulst, M. (2015). Guiding principles for good practices in hospital-based health technology assessment units. International Journal of Technology Assessment in Health Care, 31(6), 457-465.
 

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