La sécurité des soins prodigués aux parturientes, notamment en salle d’accouchement, est la préoccupation première des équipes soignantes et en particulier des sages-femmes.
Malgré cela, l’erreur, favorisée par les progrès inhérents aux soins et partie intégrante de la profession médicale, reste inévitable.
L'erreur médicale est définie par l’OMS comme l’exécution non conforme d’un acte prévu ou l’application d’un plan incorrect. Une erreur peut se produire lors de la planification ou l’exécution d’une action, lorsqu’on fait ce qu’il ne faut pas faire ou que l’on ne fait pas ce qu’il faudrait faire.
C’est un sujet difficile à traiter, le contexte sociétal et réglementaire pesant de plus en plus sur la gestion de l’erreur.
Pour connaître la façon dont les sages-femmes appréhendent celle-ci, une enquête a été menée dans 11 maternités du réseau APERIF (Association pour la PÉrinatalité de la Région Île-de-France).
Il a donc été proposé à 501 sages-femmes un questionnaire portant sur :
- leur âge, leur ancienneté dans la maternité, l’ancienneté de leur diplôme, les caractéristiques de leur maternité (nombre d’accouchements, type de la maternité)
- l’existence de staffs obstétricaux, de staffs obstétrico-pédiatriques et/ou de RMM
- leur expérience personnelle vis-à-vis de l’erreur médicale
- les erreurs si elles en ont commis et leur type
- les éléments ayant mis en évidence ces erreurs et leur moment de survenue dans leur carrière
- les conséquences médicales et personnelles de ces erreurs
- l’existence d’un accompagnement psychologique
- les actions entreprises (formation, analyse de l’erreur en staff ou RMM) et les sanctions administratives en cas d’erreur identifiée
Les résultats ont montré que seulement 117 sur 501 sages-femmes ont répondu au questionnaire soit un taux de réponse de 23,3%.
Ce taux est en partie dû, dans certaines maternités, au frein mis à la diffusion du questionnaire et à son contenu qui laissait supposer qu’un jugement serait porté sur le travail des sages-femmes ayant participé à l’enquête.
Sur les 117 sages-femmes interrogées, 27% ont répondu n’avoir jamais commis d’erreur, mais quand celle-ci était avérée, elle était reconnue par les sages-femmes dans 56% des cas, par l’équipe dans 38% des cas, par le laboratoire dans 5 % des cas et survenait majoritairement dans les cinq premières années de diplôme.
L’analyse des résultats a montré
- médicamenteuses, par erreur de dosage d’anticoagulant en suite de couche, ou la substitution d’un antispasmodique par un morphinique.
- de diagnostic ou de retard de prise en charge (hémorragie de la délivrance)
- de dépassements de compétence (pose d’une ventouse)
- surcharge d’activité dans la majorité des cas
- défauts de transmission des sages-femmes entre elles,
- défauts de transmission des sages-femmes avec les équipes soignantes ou médicales
- décès fœtal (l’erreur n’ayant pas directement causé le décès mais une perte de chance)
- hospitalisation dans un service plus médicalisé qu’il n’aurait dû être nécessaire
- hospitalisation dans un service de réanimation
• des conséquences personnelles en majorité psychologiques :
- peur de revenir au travail
- modification de la pratique médicale
- insomnies
- aucune dans la majorité des cas
- une analyse de l’erreur (staff, RMM ou aves l’équipe médicale) dans 30 % des cas
- une sanction administrative dans 2 cas
- un accompagnement psychologique dans 4% des cas
Si les sages-femmes ont répondu toutes positivement à l’existence d’un staff obstétrical quotidien, il ressort de l’analyse des réponses que plusieurs d’entre elles ne connaissent pas le principe des RMM (revue de mortalité et de morbidité), ni l’existence de ces réunions dans leur service.
En effet, 50 sages-femmes méconnaissent le principe de la RMM et 9 autres en ignorent l’existence dans leur maternité.
On peut donc se poser la question de savoir si dans les autres maternités françaises, les erreurs des sages-femmes sont analysées et comment.
La réglementation de 2009 précise pourtant que la RMM est obligatoire et concerne tous les personnels participants à la chaîne des soins afférents à l’analyse.
L’erreur est humaine, inévitable, mais insuffisamment explorée avec des conséquences médicales et psychologiques pouvant altérer la qualité du travail, le traumatisme psychologique étant souvent sous-évalué.
Accepter l’erreur, c’est apprendre à la détecter et la comprendre pour qu’au final, elle soit utile à prévenir la récidive, une démarche dans laquelle l’honnêteté intellectuelle, et l’empathie sont essentielles.
Quand elle est mal vécue et mal expliquée, les mécanismes de défenses qu’elle entraîne sont eux-mêmes sources de nouvelles erreurs, pourtant celle dont on n’ose parler, d’autres l’ont commise, et en parler permet d’en réduire la singularité.
C’est l’analyse collective, plus que l’analyse individuelle qui permet de dédramatiser, d’échanger sur les expériences et les savoir-faire et d’éduquer dans le respect des autres.
On constate dans cette étude, que la RMM est méconnue et absente de certaines maternités, mais qu’en revanche la majorité des sages-femmes souhaite que leurs erreurs fassent l’objet d’une analyse et de mesures correctrices.
Référence
Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la reproduction (2015) 44,269-275