Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. À la une ce mois-ci : les conditions de succès de la réconciliation médicamenteuse, les aidants bénévoles trop négligés de la santé, une étude irlandaise sur les EIG médicamenteuses chez les sujets âgés, les conflits entre experts sur les décisions de santé publique, la mortalité infantile brusquement en hausse aux États-Unis...
La seconde étude européenne multicentrique MARQUIS sur la réconciliation médicamenteuse avait montré une tendance à la réduction sensible des problèmes pour les patients. Le but de la présente étude est d’évaluer les différentes interventions possibles d’amélioration de la réconciliation aux États-Unis.
Elle a été conduite dans 17 hôpitaux nord-américains sur 18 mois, avec différentes interventions, toutes conduites sur un protocole avant-après.
Les résultats sont évalués sur la base des signalements patients et du système de soins, puis sur les dossiers patients. L’analyse couple chaque intervention à un tirage au sort de 22 patients admis ou sortant par mois et par site.
Au total, on a 4 947 patients inclus. Les patients présentant le moins de problèmes relèvent d’interventions où le professionnalisme des acteurs concernés est élevé (pharmaciens, médecins), des acteurs médicaux ayant reçus des formations dédiées à la réconciliation, un temps réel passé à reprendre l’histoire du patient, et un temps significatif prévu pour le conseil au patient.
Surprescription et surdiagnostic sont deux facettes de la faible pertinence des soins. Elles sont hélas récurrentes dans le domaine médical, coûtent cher et posent des problèmes de qualité et sécurité des soins.
Toutefois, l’évaluation pose problème par l’idée même de surprescription, largement déterminée par la comparaison aux standards en vigueur, qui, il faut le reconnaître varient parfois d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre.
Ces standards sont souvent un compromis entre leur coût populationnel de mise en route et les bénéfices attendus. Par exemple, les standards de coloscopies dans le dépistage du cancer du côlon vont d’une logique de demande systématique aux États-Unis à celle d’autres pays devenus plus prudents en raison des risques de la coloscopie, et qui prônent plutôt des méthodes de dépistage alternatifs moins agressives et moins coûteuses.
Le réseau hospitalier américain des Vétérans a lancé une vaste étude d’évaluation du bien-fondé de l’approche systématique des coloscopies de dépistage en développant et en utilisant un algorithme original censé détecter tout abus d’utilisation du dépistage.
L’analyse porte sur 88 143 coloscopies en 2017. L’algorithme détecte 13,3 % de surprescriptions franches et 11,2 % en plus de prescriptions discutables, soit un total de 24,5 %. On y retrouve des intervalles de prescriptions trop resserrés en l’absence totale de signes d’appel (moins de 9 ans), ou trop précoces chez des patients totalement asymptomatiques (40-49 ans), deux indications contraires aux standards américains.
Ces résultats des Vétérans recoupent de nombreux autres résultats américains sur la surprescription de cet examen.
Une action sur ce manque de pertinence aurait en plus des effets vertueux sur l’accès à cet examen souvent (trop) long pour les patients vraiment bénéficiaires. Ce bénéfice d’opportunité (pour d’autres patients) est entré aussi dans l’algorithme de dépistage des abus, qui pourrait être utilisé à grande échelle dans le pays.
Pour autant, ce type d’algorithme ne convaincra sans doute aucun des pays qui ont déjà remplacé une grande partie de leurs coloscopies systématiques par des tests moins coûteux et moins risqués de dépistages fécaux. Certes, la coloscopie est peut-être plus efficace dans le dépistage que ces tests fécaux mais ce faible bénéfice supplémentaire est très largement contrebalancé par les risques d’incidents (perforations et autres) et de surdiagnostics. Les résultats s’accumulent dans ce sens.
L’étude récente sur la cohorte européenne NORDICC n’a pas démontré d’avantage substantiel à la coloscopie en termes de bénéfice de mortalité (en comparaison d’un groupe sans coloscopie). De même, l’étude nationale australienne invitant tous les patients de 50 à 74 ans à réaliser des tests de recherche de sang dans les selles (FOBT, Faecal Occult Blood Test) ne recommande la coloscopie qu’en cas de résultat positif à ces tests. Le collège royal australien de médecine générale a même érigé l’évitement de la coloscopie pour des patients sans signe d’appel comme une pratique parmi les plus pertinentes à éviter (Choosing wisely do-no-do recommandations). Enfin, l’Ontario demande - en suivant partiellement l’avis américain - de recommander la pratique de la coloscopie entre 50 et 74 ans (maintenant 45 et 74 ans) mais uniquement tous les 10 ans, et la pratique d’un test fécal tous les 2 ans.
On comprend que ces standards européens et australiens concluraient facilement que la pratique américaine est une énorme surprescription caractérisée.
Comment expliquer cette position américaine ?
Évidemment, la dimension financière du gain est omniprésente pour les professionnels aux États-Unis (la coloscopie est le premier test en volume) au point qu’ils ont un fort intérêt à entretenir l’idée d’une sensibilité supérieure de la coloscopie à tout autre test, contre toute évidence objective.
Le système de soins américain fragmenté laisse facilement s’installer ce type d’anomalies, sans couverture nationale pour la population de moins de 65 ans, totalement dépendant des assurances privées et sans réelle capacité de contrainte de l’État comme dans les autres pays riches.
Pire, c’est aussi un très bel exemple de l’échec culturel des politiques de lutte contre les prescriptions de faible pertinence (low value). Beaucoup de patients américains, à l’écoute de leurs spécialistes, pensent en effet que "faire moins", par exemple se limiter à un test fécal, est une vision du gouvernement et des technocrates pour économiser et que leur décision de "faire plus" avec une coloscopie est au contraire une marque de qualité dont ils peuvent bénéficier parce qu’ils sont riches et bien assurés…
Les auteurs concluent sur la dimension fortement systémique et culturelle de ces standards, qui va bien au-delà des analyses objectives, et nécessite des actions bien plus fortes pour faire évoluer les pratiques que de lancer une énième étude objective de preuve.
La formation d’interne en chirurgie doit aboutir à déléguer de plus en plus d’autonomie à ces jeunes praticiens ; la littérature parle de délégation dictée par la complexité du cas clinique et de l’intervention, mais on sait peu de choses du risque pour les patients dans ces cas délégués.
L’étude a été conduite dans le réseau chirurgical des hôpitaux des Vétérans selon un programme déroulé entre 2005 et 2021. Elle compare les données et les suites postopératoires dans les cas où l’interne a été aidé par un senior qui a pratiqué en partie l’intervention, à celles où l’interne a été laissé autonome sans que le senior n’intervienne. Les interventions sont des cholécystectomies, des appendicectomies, des hernies inguinales et des colectomies et gastrectomies partielles.
Un total de 109 107 patients est inclus dans l’étude. 10 % (11 181) font partie du groupe non aidé (âge moyen des patients : 61 ans) et 90 % (98 526) sont dans le groupe aidé par un senior (âge moyen des patients : 63 ans). Ce sont surtout des cholécystectomies, appendicectomies et hernies inguinales qui ont été déléguées ; en corrigeant toutes les données (âge, pathologie, sexe, etc.), les deux facteurs associés significativement au taux de complication sont l’âge du patient et le degré d’urgence de l’intervention.
Il n’y a pas de différence de taux et de nature de complication entre les deux groupes, aidé et non aidé ; ceci confirme le bien-fondé de la délégation et la qualité de la formation reçue.
Un éditorial et un article du Lancet sur un sujet difficile.
Le travail rémunéré n’est qu’une (petite) partie du travail réellement produit en santé. De nombreuses contributions sont bénévoles, non payées, et pourtant d’importance cruciale pour le résultat médical. Les femmes contribuent plus à cette forme de travail bénévole que les hommes, et ce, dans le monde entier.
Les femmes sont aussi les premières à sacrifier leurs heures de travail normal pour se consacrer bénévolement à des actions de santé pour les proches. Même quand elles sont payées, c’est moins que pour les hommes et avec moins de niveaux de responsabilité.
Une récente étude australienne, publiée dans le Lancet public health (Ervin, 2023), fait le point sur cette situation problématique en adoptant une méthode longitudinale et en se centrant sur les corrélations éventuelles entre ce travail bénévole en santé et la dégradation de la santé mentale pour les hommes et les femmes (en poursuite de trois études précédentes pointant déjà cette possible relation délétère).
L’étude considère plusieurs formes de travail bénévole (travail domestique chez des patients, garde d’enfant, soins à des adultes). Le travail domestique est la partie la plus associée à la survenue de problèmes mentaux, aussi bien pour les aidants hommes que pour les aidants femmes. Les soins aux personnes proches sont par contre une source de problèmes surtout pour les femmes ; inversement, les heures passées à faire les courses ou à aider par des actions extérieures au domicile sont plutôt considérées comme positives pour l’état de santé mentale des hommes ; en regardant de plus près, les soins donnés aux enfants sont aussi plutôt sources positives pour l’état de santé mentale des femmes aidantes, alors que les soins donnés aux adultes sont plus connotés négativement ; cette différence s’explique sans doute par le fait que les soins donnés aux (à ses) enfants sont plus "par choix" personnel des aidantes femmes que les soins donnés aux adultes, mêmes proches, souvent dans une logique de déclin. Ces distinctions sont importantes et doivent encourager à ne pas tout confondre quand on analyse le travail des aidants. Le travail n’est pas homogène, y compris quand on zoome sur les questions de genre, et ceci est aussi vrai pour du travail rémunéré que pour du travail bénévole.
Les recherches à venir en Australie vont s’étendre au travail, cette fois rémunéré, mais à faible valeur pour les acteurs et à fort potentiel de risques psychosociaux (RPS), tels que les longues heures de ménages et d’aide à domicile données aux adultes socialement défavorisés ou déclinants. Ce type d’aide, bénévole ou pas, reste très associée aux survenues de RPS et pose un réel problème pour l’emploi. Les auteurs encouragent toutes les nations à emboîter le pas de ces études et à mettre en place une analyse genrée et sur le fond des tâches à couvrir pour une prise en charge adaptée des aidants payés ou bénévoles qui sont - et resteront - une composante majeure d’un système de soins efficace.
Les diagnostics erronés ou retardés ont été l’objet d’une vaste littérature déjà ancienne. La multiplication d’aides informatiques et les efforts sur le travail collectif déployés depuis ces travaux originaux ont - on peut l’espérer - réduit le risque de ces erreurs. Les auteurs font le pari que cette réduction devrait donc se voir sur le nombre relatif de plaintes des patients sur ce motif de diagnostic erroné.
L’étude a été conduite sur une grande base assurantielle américaine ; elle a analysé les cas de plaintes pour diagnostic erroné ou retardé entre 2009 et 2020.
Sur 5 376 plaintes reçues sur ce thème pendant cette période, 2 161 ont été indemnisées. La majorité avait des causes multiples, survenues à différents moments du "chemin" nécessaire au diagnostic.
Les facteurs associés aux plaintes indemnisés sont :
Ces facteurs ne changent pas dans le temps, et on ne constate pas de réduction de fréquence de ces plaintes pour ces erreurs de diagnostic au fil du temps. Les efforts déployés sur les aides et le travail d’équipe ne se traduisent pas par une amélioration, en tout cas sur cet indicateur de plaintes indemnisées par les assurances.
Étude prospective irlandaise des événements indésirables médicamenteux (EIM) sur un panel représentatif de patients âgés de médecine générale (>70 ans, N=592). Analyse des dossiers médicaux des patients et des prescriptions réelles exécutées via la base de données pharmaceutique nationale, sur une période de 6 ans (2010-16).
211 EIM ont été enregistrés, concernant 159 patients du panel sélectionné, représentant une incidence de 26,9 % sur les 6 ans.
La majorité des EIM avaient une faible gravité (89,1 %), et le reste était de gravité modérée.
8 EIM (3,8 %) ont exigé une hospitalisation. Les EIM étaient plus fréquents chez les patientes (OR 1,17, p=0,008), plus fréquents chez les patients polymédiqués prenant de 5 à 9 médicaments (OR 1,81, p=0,008) et encore plus avec ceux prenant plus de 10 médicaments (OR3,33, p=0,001).
La transformation du modèle de soins de médecine générale écossais visait à améliorer le service et l’accès pour les plus pauvres, réduire les inégalités, tout en réduisant aussi la pression et la charge de travail des généralistes par l’introduction de clusters de services géographiques et multi-professionnels.
Ces 147 nouveaux clusters regroupent de 5 à 8 généralistes positionnés dans des zones très pauvres (un problème très aigu en Écosse, surtout dans les grandes villes).
Ces clusters engagent les médecins dans un exercice collectif/coopératif garantissant un temps et une qualité de travail acceptables à chacun (avec une aide dédiée de secrétariat et un solide appui multidisciplinaire : infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes, psychiatres et communautés locales), fédéré autour de l’obtention d’un mieux-être de la population dont ils ont la charge.
Le mode collectif et collaboratif de travail est censé décharger les médecins des tâches ingrates et augmenter le temps qu’ils peuvent dédier aux consultations souvent difficiles dans ces populations défavorisées (pathologie complexe mal prise en charge précédemment, plus grand besoin d’explication).
Le gouvernement a dédié £250 millions en soutien direct aux clusters, plus £500 millions en soutien général de la médecine générale (ce qui a induit entre autres une augmentation de 6,2 % en moyenne de leur rémunération). Les résultats de cette réforme, signée en 2016 mais réellement lancée en 2018, sont évalués dans cette étude, basée sur des entretiens avec les généralistes, et recoupée par les résultats de santé populationnelle concernée.
Les médecins sont, dans leur majorité, en soutien à la réforme, même s’ils trouvent que les progrès restent trop lents. Ils n’ont pas le sentiment, malgré l’intention de la réforme, que leur charge de travail ait vraiment diminué ; pas plus qu’ils ne jugent que la prise en charge des patients les plus complexes et déshérités se soit franchement améliorée. Le manque de temps et la difficulté d’installation dans le concret des coopérations multiprofessionnelles restent un sujet d’amélioration.
Les auteurs concluent que la réforme est louable et reconnue comme telle mais que les résultats ne sont pas encore entièrement au rendez-vous espéré, en évoquant le rôle frénateur qu’a vraisemblablement eu l’épisode Covid au plein milieu du lancement de cette réforme.
Le Covid a révélé à grande ampleur ce qui était déjà fréquent : les querelles d’experts sur chaque initiative décidée par l’État.
Ces décisions sont l’émergence de compromis entre la pression publique, les données disponibles, les normes et les préférences de chacun. Ce qui compte comme donnée essentielle à prendre en compte ne l’est pas pour tous, dépendant des valeurs défendues par chacun.
L’article propose une définition de la polarisation du débat de santé publique qui s’appuierait sur la formulation des arguments et des valeurs défendues en opposition à d’autres arguments.
Évidemment, des visions différentes font partie du débat scientifique mais l’opposition prend ici la forme d’une opposition irréductible et radicale qui ne fonctionne pas avec les règles du débat scientifique et qui finit par se nourrir du seul mécanisme d’opposition.
Lutter contre la polarisation du débat n’est pas sans risques, car les actions peuvent l’exacerber encore plus en simplifiant à l’excès les arguments et contre-arguments de chacun et en créant une profonde opposition qui ferme tout dialogue entre polarisés.
On sait aussi que l’appel à des experts indépendants reconnus, pour dialoguer avec les polarisés et les "ramener’" à un point de vue consensuel, ne suffit pas ; pas plus que l’appel à des données de preuve scientifique. La polarisation comprend toujours une dimension de défense de valeurs sociales et de croyances, qui échappe à une analyse purement scientifique des données.
Une analyse d’expert appuyée sur une revue de littérature de la surcharge des services d’urgence publique, qui est un problème devenu considérable aux États-Unis comme dans le reste du monde occidental ; les patients viennent massivement consulter pour toutes raisons et de toutes parts.
C’est encore plus vrai aux États-Unis, où les urgences publiques sont (quasi) gratuites et n’exigent pas d’assurance privée et, du coup, drainent des patients de très loin vers le seul hôpital public du secteur. Sans surprise, il résulte de cette énorme surcharge un surrisque de mauvaise qualité et sécurité des soins.
Beaucoup de patients repartent d’ailleurs des urgences sans avoir vu personne et, ceux qui ont été vus, sont souvent en attente pour un temps considérable du transfert dans un service ou de l’accès à des examens, qui sont eux aussi saturés. Pour les patients qui nécessitent une hospitalisation, cette attente aux urgences se traduit par un séjour finalement plus long en moyenne à l’hôpital et un taux d’événements indésirables significativement plus élevé.
Les hôpitaux ont testé plusieurs solutions pour améliorer le fonctionnement : triage initial plus performant, visite rapide et sortie des patients les moins graves, augmentation du nombre de personnel, lits d’attentes tampons plus nombreux. Mais finalement, la plus grande difficulté reste justement ces lits tampons qui consomment le personnel des urgences pour leur surveillance en lieu et place de la capacité de réponse aux patients attendant d’être vus.
De ce fait, la solution de cette surcharge se trouve d’abord dans l’hôpital, en libérant des lits chaque jour assez tôt, au plus tard à midi, et en nombre suffisant pour disposer d’un volant de lits dédiés aux entrées d’urgence du jour.
Reste que cette solution se heurte dans la réalité à une solidarité modeste et au bon vouloir des services qui préfèrent parfois ruser pour garder des lits pour leurs patients programmés et ne pas libérer de lits pour des urgences qui les éloigneraient de leur spécialité première.
La durée de vie ne cesse d’augmenter dans les pays industriels mais s’est mise en plateau aux États-Unis vers 2010, et ce, pour une raison principale : l’augmentation de la mortalité des enfants et adolescents. La crise du Covid a brouillé un peu cette image, en provoquant un surcroît de décès chez les patients âgés. Mais la mortalité pédiatrique a aussi augmenté pendant cet épisode Covid. Une nation qui fait face à un tel phénomène est assurément en crise profonde.
L’article apporte une analyse détaillée de cette mortalité infantile entre 1999 et 2020 - et même 2021 avec des données partielles -, qui permet de mieux comprendre le problème.
Entre 2019 et 2020, la mortalité toutes causes confondues de la population américaine des 1-19 ans a augmenté de 10,7 % ; elle a encore augmenté de 8,3 % entre 2020 et 2021. Ces augmentations, de loin les plus importantes, font suite à d’autres augmentations récentes mais aussi à une réduction spectaculaire de cette même mortalité intervenue en début de millénaire. La mortalité récente porte surtout sur les 10-19 ans. Seuls les nourrissons de moins d’un an n’ont pas subi d’augmentation de la mortalité.
Depuis 2016, 90 % de la mortalité des 10-19 ans causée par des empoisonnements est dû à des surdoses de drogues ingérées involontairement. Dans l’ordre de fréquence des causes, on retrouve le Covid puis les accidents de la route, le suicide et les empoisonnements.
En 2020, la mortalité par Covid a atteint 0,24/100 000 dans la population des 1-19 ans, alors que la mortalité globale s’établissait à 2,8/100 000, on est donc loin d’une explication centrée uniquement Covid. Même au plus fort de la crise sanitaire en 2021, la mortalité Covid n’expliquait que 20,5 % de la mortalité totale.
La courbe s’est en fait inversée en 2007, première année de hausse de la mortalité de cette classe d’âge après des années de baisse. Les suicides et homicides expliquent une part significative puisque leur incidence a augmenté de 69,5 % pour les suicides et de 32,7 % pour les homicides, particulièrement depuis 2013. L’accès aux opioïdes (fentanyl et autres) a aussi augmenté avant le Covid, qui a sans doute été un accélérateur de ces dérives. Les morts par surdoses chez les enfants ont augmenté dans cette période Covid de 113,5 % ! De même les violences expliquent les 2/3 de la surmortalité des 1-9 ans en 2021 (ils incluent 45,9 % d’augmentation de décès par feu ou brûlure).
Bien sûr, tous les enfants ne sont pas exposés aux mêmes risques. Les risques concernent surtout les garçons défavorisés, appartenant à des communautés raciales minoritaires. Par exemple, les enfants noirs souffrent d’un taux d’homicide 6 fois supérieur aux enfants hispaniques et 20 fois supérieur aux enfants asiatiques et blancs, et ce n’est rien en regard de l’effet sexe puisque le taux de décès par homicide des garçons noirs 10-19 ans est 61 fois supérieur à celui des filles de race blanche du même âge.
Ces différences sociologiques se retrouvent dans toutes les causes, notamment les décès par accident de transport et les surdoses de drogues. Les auteurs constatent que le diagnostic est posé, les causes ne sont pas au sens propre un défaut médical mais des faits de société. De ce fait, les solutions sont forcément systémiques et sociales, encore aggravées par un système de santé américain à la dérive dans sa couverture sociale, en manque sévère de professionnels de santé mentale, particulièrement en milieu rural et dans les zones à risques.