Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. A la une ce mois-ci : relation médecin généraliste/patient aux Pays-Bas, contraintes d'un traitement et vie privée, coût de la certification des hôpitaux en Belgique, gestion des "never events" en Allemagne...
Les "never events" (mauvais patient, mauvais site, mauvais côté, corps étranger oublié) sont des évènements indésirables que la communauté médicale et les patients ne voudraient plus voir arriver car ils sont considérés comme à la fois très graves et très faciles à éviter avec des protocoles respectés (au rang desquels toutes les procédures de l’identitovigilance et la check-list opératoire).
La plupart des pays occidentaux ont rendu obligatoire la déclaration de ces évènements indésirables (c’est le cas en France). Paradoxalement, cette déclaration n’est pas obligatoire en Allemagne et en Suisse.
La raison en est essentiellement juridique, car la déclaration de ce type d’évènement peut conduire directement à un procès au pénal même en l’absence de conséquences médicales dans ces deux pays.
La demande commence à être forte de la part des patients, et les positions institutionnelles commencent à changer avec une action pour lever ces barrages judiciaires.
L’attachement dans le temps du médecin généraliste à son patient et réciproquement est un des piliers longtemps considéré comme une valeur centrale de l’exercice de médecine générale.
Les évolutions sociétales rendent cet attachement plus fragile. L’étude se focalise sur les liens qui expliquent un attachement plus fort du médecin à ses patients dans un système de type capitation.
On parle ici du système de santé hollandais de type capitation qui exige des patients qu’ils s’inscrivent auprès d’un médecin généraliste de leur choix sur une base pluriannuelle. Une fois leur inscription validée, cette inscription leur permet de bénéficier d’un panier de soin et de consultations gratuites illimitées comme dans un principe de forfait.
On a donc un double choix (1) du patient pour un médecin et, (2) une acceptation du médecin de ce patient sur sa liste ; certains patients vont être très fidèles et renouveler leurs inscriptions chaque année avec le même médecin, alors que d’autres vont aller de médecins en médecins.
L’analyse porte sur l'étude pendant 5 ans (2013-2018) de toutes les traces de liens existants entre :
Les résultats montrent plusieurs éléments contributifs au plus ou moins grand attachement au fil des années entre médecin et patients :
Les entretiens avec les médecins mettent en évidence trois facteurs importants qui jouent sur cette continuité : la composition de l’équipe médicale, l’organisation du cabinet, et les caractéristiques du patient.
Les questions privées/culturelles/économiques/pratiques (distance par exemple) des patients face à la contrainte des prescriptions et règles à suivre (y compris rendez-vous) peuvent se traduire par des non-observances multiples et en retour une dégradation médicale et de la qualité de vie.
Bien sûr, ces questions touchent plus les traitements au long cours, chroniques. La recherche a déjà proposé des outils de mesure de cette contrainte, mais ils sont peu connus et disséminés.
Cette revue de littérature complétée d’une méta-analyse fait le point sur la nature et l’efficacité de plusieurs propositions d’évolutions organisationnelles du système de santé qui visent à réduire cette contrainte.
1 881 articles ont été sélectionnés en première intention, mais seuls 18 sont retenus comme ayant une qualité méthodologique suffisante (double aveugle, niveau de preuve). Les auteurs soulignent justement la très grande hétérogénéité des publications et leur faible niveau de preuve sur ce sujet.
Au bilan, on retrouve quelques effets positifs, plutôt limités, avec un manque de standards à recommander. Beaucoup de travail reste à faire sur ce sujet selon les auteurs.
Une étude dans le Valenciennois-Quercy en lien avec l’initiative de soins intégrés du projet les Personnes Agées En Risque de Perte d'Autonomie (PAERPA).
L’analyse des données qualitatives (entretiens avec les médecins) et quantitatives (consultations et prescriptions) compare les caractéristiques des médecins généralistes qui ont accepté de participer à ce travail sur cohorte PAERPA de patients âgés fragiles entre 2014-2019, en comparaison de leurs confrères médecins qui ont préféré décliner ce travail.
Les entretiens montrent quatre points clés qui déterminent les médecins à s’impliquer dans la prise en charge de ces patients fragiles âgés :
Les médecins qui se sont impliqués le plus sont aussi ceux qui ont la plus forte proportion de patients âgés et fragiles dans leur patientèle (> 70 ans), qui ont une pratique offrant un plus grand nombre de consultations annuelles, avec un plus grand nombre de visites à domicile.
Les auteurs en concluent l’existence de différences importantes de sensibilité chez les médecins généralistes pour ces patients fragiles et âgés, dont l’expression est claire dans leur pratique quotidienne.
L’accréditation hospitalière (accréditation dans le monde = certification en France) est très largement utilisée dans le monde pour le contrôle de la Qualité des soins. Mais, malgré les nombreux bénéfices à en attendre, le coût pour l’hôpital reste élevé au point d’être parfois discuté au regard des bénéfices tant il s’exerce au détriment d’autres lignes budgétaires à gérer et tout aussi importantes.
Pour en savoir plus, cette étude rétrospective essaie d’évaluer le coût à se lancer dans une certification en Belgique.
53 hôpitaux d’aigu belges sont inclus. Ils devaient évaluer le coût investi dans la préparation de leur première certification, et/ou de leur recertification. Un questionnaire de 90 questions, élaboré à partir de la littérature internationale, a été proposé pour cet objectif en couvrant 6 domaines de dépenses. Tous les coûts ont été actualisés à leur valeur 2020.
25 hôpitaux ont répondu (47 %). Les investissements directs et indirects consentis pour préparer une primo certification s’élèvent en moyenne à 879,45 €/lit, avec 3,8 emplois créés spécialement pour préparer la certification. Pour les re-certifications, le coût moyen est de 222,88 €/lit, avec 1,5 emploi dédié.
Le coût moyen total d’une primo certification représente 0,2 % de toutes les recettes annuelles brutes (0,05 % pour une re-certification).
Les auteurs concluent sur la nécessité (1) de bien connaître ces données avant d’imposer leur adoption, et (2) de bien budgéter leur réalité si l’on en choisit l’exécution.
Les Italiens ont mis au point un logiciel de sortie de l’hôpital, appelé CaRED (Careggi Re-Engineered Discharge) qui facilite la coordination avec les soins primaires.
Cette étude évalue la performance de ce dispositif entre 2014 et 2017.
Le logiciel se présente comme un dossier électronique partagé de décharge, rempli par les deux parties (hôpital & soins primaires et visibles par les patients) jusqu’à 30 jours après la sortie.
L’évaluation de satisfaction par les différentes parties, et d’efficacité objective du dispositif sur les résultats cliniques porte sur 1 549 hospitalisations, 717 avant introduction du logiciel, 832 après.
Le taux de réadmission à 30 jours a décru significativement avec le logiciel (14.4 % contre19.4 %, χ2(1) = 8.03, P < 0.05).
Une enquête de satisfaction a été conduite avec les généralistes participants (82 avant, 52 après). Les généralistes confirment que le matériel transmis par ce logiciel augmentait significativement en quantité et qualité (lettre de sortie, meilleur accès aux causes identifiées et bilans réalisés, meilleurs contacts avec l’hôpital sur demande quand la situation le demandait) [(χ2(1) = 0.56, P = 0.03].
De même, 282 patients ont donné leur avis sur le résultat observé avant et après. Ils soulignent leur meilleure compréhension de la pathologie, les raisons de l’hospitalisation, les traitements à suivre, le suivi des rendez-vous prévus.
Une étude statistique de grande qualité portant sur 199 populations de monde, 41 pays et sur les 200 dernières années vient d’être publiée dans le BMJ Open access. Elle révèle que 25 à 50 % des hommes ont survécu plus longtemps que les femmes ; certes, ce résultat concerne surtout les hommes éduqués, mais il confirme aussi qu’il ne faut pas confondre durée de vie et espérance de vie quand on compare les sexes.
Les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes, mais les études portent plus sur l’espérance de vie que sur les années vécues à partir d’un certain âge.
Plus précisément, l’étude mesure la probabilité qu’une personne d’une population à plus faible espérance de vie (les hommes) puisse finalement vivre plus longtemps qu’une personne issue d’une population à plus forte espérance de vie (les femmes).
Les faits montrent qu’un homme sur deux ou sur quatre (selon les pays et les époques) vit plus longtemps que la moyenne des femmes.
Dans les pays développés, cette proportion est plus basse que dans le reste du monde, mais elle était encore de 40 % aux Etats-Unis entre 2015 et 2021. Dans ces pays riches, le taux d’hommes vivant plus longtemps que les femmes a baissé jusqu’aux années 70 mais augmente à nouveau (essentiellement par un recul relatif de l’âge de survie des femmes associé au tabagisme).
Dans les pays asiatiques, plus de la moitié des hommes ont vécu plus longtemps que les femmes jusqu’aux années 50 et 60, la raison étant essentiellement une mortalité précoce des filles qui s’est atténuée depuis sans s’annuler complétement. Ce résultat favorable aux hommes est d’ailleurs relativement fréquent dans les pays pauvres, sans présager de la qualité de vie qui y est associée.
Le statut marital (union fixe) et le niveau d’éducation sont des facteurs favorisant la plus longue vie des hommes (39 % des hommes mariés contre 37 % non mariés ; 43 % diplômés d’université contre 39 % niveau primaire). Vivre en couple améliore statistiquement la prise en charge médicale des deux partenaires.
Au total, tous les hommes n’ont pas un désavantage systématique de 10 ans de durée de vie sur les femmes comme semble le dire les statistiques globales. La statistique globale masque le fait que beaucoup plus d’hommes meurent jeunes, notamment dans leur enfance (en comparaison des filles) ; ils sont aussi plus vulnérables aux accidents et homicides de tous ordres dans leur vie.
Cette étude évalue le taux de couverture par l’assurance maladie de la population mondiale. L’étude a été conduite sur un panel représentatif de 2 035 401 citoyens de 56 pays âgés de 15 à 59 ans sur la période 2006-2018.
Un sur cinq de ces citoyens bénéficie d’une assurance maladie. On ne retrouve 50 % et plus de la population assurée que dans 11 pays, et 70 % dans seulement 3 pays. Parmi les assurés, l’assurance publique est plus fréquente que l’assurance privée (71,4 % contre 28,6 %).
Les hommes plus que les femmes, plutôt âgés, mieux éduqués, et moins comorbides sont les plus bénéficiaires de ces assurances, et ce constat est encore plus vrai dans l’Afrique subsaharienne (lignées traditionnelles de privilèges).
Les auteurs concluent sans surprise que le chantier pour procurer une assurance médicale à chacun est toujours un grand défi mondial.
La participation active des médecins, particulièrement des spécialistes, au remplissage des registres cliniques est devenu un standard dans le monde entier.
Cette étude australienne évalue la participation des médecins de sept hôpitaux de Nouvelle-Galles du Sud à ce travail, à la fois pour remplir le registre et pour l’exploiter secondairement.
La méthode est basée sur une enquête par questionnaire adressée aux professionnels.
Le taux de réponse est de 70 % (97/139 médecins hospitaliers consultés). 62 médecins (64 %) ont fourni des données concernant 46 registres éligibles.
Il s’avère que les rapports des registres sont reçus et rangés le plus souvent par les infirmier(ère)s (61 %) et bien moins souvent par les médecins et personnels exécutifs des hôpitaux (8,4 %). Moins de la moitié des données des registres remplis dans l’hôpital influencent "toujours" ou "souvent" l’amélioration des pratiques (48 %) et les parcours de soins locaux (49 %).
Le fait de réserver un temps pour la collecte de données (87 %) et des tests comparatifs (79 %) devrait "très probablement" ou "probablement" promouvoir une participation continue. Plus de la moitié des personnes ayant répondu étaient "tout à fait d’accord" ou "d’accord" sur le fait que la formation à l’amélioration des pratiques cliniques (79 %) et l’identification de lacunes entre les preuves et la pratique (77 %) optimiseraient l’utilisation des données de registre. Les données des registres ne sont généralement accessibles qu’aux unités spécialisées locales et ne sont pas utilisées systématiquement pour l’amélioration de la qualité. Un financement pérenne centralisé de registres, des systèmes d’information intégrés accessibles et transparents, combiné à une éducation à leur utilisation pourraient être les premières étapes d’une amélioration de leur usage.
Les chutes sont fréquentes chez les personnes âgées avec des conséquences considérables sur la santé, la dépendance, et la situation économique individuelle.
L’analyse rétrospective porte sur une période de 5 ans (2014-2019) d’observation des chutes dans 25 résidences pour personnes âgées de la Nouvelle-Galles du Sud en Australie. La population incluse dans l’étude est de 6 143 personnes âgées de plus de 65 ans.
L’analyse compte 27 878 chutes sur cette période correspondant à un volume de 3 906 772 jours résidents, soit 7,14 chutes/1 000 jours résidents. Parmi ce nombre, 10 365 (37,2 %) ont entrainé des blessures, et 2 733 (9,8 %) ont exigé une hospitalisation. Ramené à la durée de séjour, le taux de chutes avec blessure est de 2,65/1 000 jours résidents et celui suivi d’hospitalisation de 0,70/1 000 jours résidents.
Ce taux de chutes est significativement plus élevé pour les hommes (toutes chutes confondues 0R 1.69 ; 95 % CI 1.54–1.86). Il varie aussi beaucoup d’une résidence à l’autre (toutes chutes confondues, variation de 0,55 à 12,93/1 000 jours ; et pour le taux de chutes graves : 0,225 à 4,47/1 000 jours).
Les erreurs médicales impactent fortement leurs auteurs et, en retour, peuvent impacter la pratique et affecter durablement la sécurité du patient en multipliant l’occurrence de nouvelles erreurs ; il est donc très important de réduire rapidement l’impact de ces erreurs sur leurs auteurs.
Ces auteurs, très connus sur le sujet, nous proposent une revue des pratiques d’aide en cours aux Etats-Unis.
Le premier constat de l’étude est que, toutes spécialités confondues, l’implication dans des erreurs médicales est presque banale tant elle est fréquente.
La plupart des médecins des bases d’études considérées pour cette revue ont le souvenir d’un impact émotionnel personnel d’erreurs commises dans leur exercice ; par contre, c’est uniquement une faible minorité de ces médecins qui disent avoir reçu de l’aide pour gérer et dépasser le problème. Le lien entre ces erreurs mal assumées dans leurs conséquences psychologiques et la survenue secondaire d’un burnout est d’ailleurs élevé (OR 1,90, 95 % ; 1,18-3,07).
La meilleure aide vient des pairs professionnels. Les aides spirituelles, les aides psychologiques, le mentorat, les environnements apprenants, de même que la possibilité de jouer d’un peu de flexibilité sur les heures de travail pour dégager du temps de réflexion et d’aide, sont aussi des solutions d’appui positif.
Les éléments aggravants habituels sont au contraire la bureaucratie qui suit une erreur médicale et le fait de travailler dans une ambiance de culture punitive.