Revue de presse - Septembre 2022

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Revue de presse - Septembre 2022

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Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. A la une ce mois-ci : Sécurité des interventions, patients multimorbides, santé des sans-abri, packaging du médicament...
 

Auteur : le Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 02/09/2022

Est-ce qu’opérer la nuit précédente affecte la sécurité des interventions conduites le lendemain ?

Le repos récupérateur est loin d’être toujours appliqué par les chirurgiens. Certains, lors de leur garde ou dans un autre contexte, font suivre une nuit (partielle ou complète) de travail (au moins une intervention entre 23 h et 7 h) par une matinée d’interventions réglées. Est-ce dangereux ?

Cette vaste étude essaie d’apporter une réponse. Elle porte sur l’analyse de 498 234 interventions réalisées de jour par 1 131 chirurgiens de 20 institutions hospitalières américaines entre 2010 et 2020. 

Elle ne retrouve aucun lien entre les chirurgiens qui ont travaillé la nuit précédente et un quelconque surrisque dans les interventions du lendemain (pas plus de complications infectieuses, que d’autres natures). 

Même avec les données ajustées (âge patient, pathologies, comorbidités), l’effet est négatif : le taux de complication est de 5,89 % pour les chirurgiens qui doublent nuit et lendemain, alors que le taux de complication pour les chirurgiens n’ayant pas opéré la nuit précédente est de 5,87 %.

La seule différence significative est le temps opératoire du lendemain pour ceux qui ont opéré la nuit précédente. Ce temps est significativement statistiquement allongé par rapport aux chirurgiens qui se sont reposés la veille (112.7 contre 117.4 minutes, P = .02.), mais cet effet significatif est à relativiser sur un tel nombre de données et doit plutôt être jugé négligeable (-4,6 minutes) selon les auteurs.

Sun EC, Mello MM, Vaughn MT, et al. Assessment of Perioperative Outcomes Among Surgeons Who Operated the Night Before. JAMA Intern Med. 2022;182(7):720–728. doi:10.1001/jamainternmed.2022.1563

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Audits d’observance de recommandations sur la meilleure façon d’organiser leurs feedbacks pour optimiser leur coût/efficacité

Revue de littérature sur l’évaluation les audits d’observance des recommandations et sur l’amélioration de l’observance mesurée selon le type de feedback de résultats.

Un total de 35 études sont retenues comme respectant tous les critères recherchés. 

La question du type d’audit et de feedback (quelle intervention choisir) est prépondérante dans 7 de ces 35 études, mais c’est la notion de coût/efficacité de l’audit (retour sur temps investi, et sur l’observance) qui reste la plus débattue et prépondérante dans les 26 autres publications.

Le résultat le plus important montre que les audits d’observance de recommandations qui comportent un feedback centré sur le résultat clinique patient sont plus efficaces que les audits ne comportant qu’un feedback sur l’observance.

Au bilan, les calculs comparatifs du ratio coût/efficacité de ces audits et de leurs formes sont très utiles même si les calculs sont généralement plutôt optimistes pour ces évaluations. 

Moore L, Guertin JR, Tardif P, et al Economic evaluations of audit and feedback interventions: a systematic review BMJ Quality & Safety Published Online First: 24 June 2022. doi: 10.1136/bmjqs-2022-014727

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L’application des principes des Organisations de Haute Fiabilité (HROs- High-Reliability Organizations) à la médecine exige encore un long chemin…

Un article de fond en réponse à la difficutlé de la santé à améliorer sa sécurité en adoptant les bonnes solutions des autres industries, notamment en s’inspirant des meilleurs théories sur les Organisations à Haute Fiabilité (HROs).

Le célèbre rapport de l’académie de médecine américaine To err is Human (Faire des erreurs est humain) publié en 1999, avait véritablement installé dans nos pratiques la question de la sécurité des soins. Parmi les nombreuses idées fortes de ce rapport, il y avait celle que le risque et la sécurité en médecine n’ont rien de vraiment différent du reste de l’industrie à haut risques et que la santé devait apprendre de ces secteurs.

Dans cette logique, la théorie et les principes des organisations à haute fiabilité (HROs) développés à Berkeley, et largement repris par les industries à risques dans le monde entier, pouvaient et devaient s’appliquer à la médecine.

Les HROs pronent 5 principes à partager par tous qui sont autant de valeurs pour une culture de sécurité :

  1. Etre concerné en permanence par la sécurité
  2. Ne pas simplifier les situations à l’excès (par exemple, accuser un lampiste de tous les maux)
  3. Etre sensible au contexte continuellement changeant
  4. Etre résilient aux aléas et surprises
  5. Reconnaître l’expertise de chacun dans l’équipe.

Les autorités d’accréditation, l’agence de la Qualité et les sociétés savantes ont essayé de pousser l’adoption des 5 valeurs proposées.

Le résultat est globalement (très) décevant, sans changement significatif ; sans doute le reflet - comme souvent - de greffes ponctuelles de bonnes idées qui n’ont pas trouvé le terreau culturel favorable à leur développement.

C’est ce que montre une importante étude canadienne (Rotteau, 2022) basée sur 71 entretiens conduits avec les professionnels de santé de terrain (médecins, infirmiers, personnels impliqués dans la sécurité du patient) : de leur avis général, les trois premiers principes (être tous concernés par la sécurité, ne pas simplifier, être sensible au contexte) sont parfaitement assimilés et mis en pratique - sans même avoir à les rappeler… -. Par contre ils ne sont pas convaincus ni d’une quelconque amélioration d’une meilleure écoute de leur expertise par le management, ni d’une quelconque résilience accrue des hôpitaux, et ce malgré les programmes de formation qui n’ont pas manqué.

Un autre point négatif récurrent est justement le lien avec les stratégies de formations proposées pour faire évoluer les pratiques vers du HROs, que les analystes trouvent souvent :

  • bien trop superficielles en santé, se limitant à des slogans et mots "un peu valises" comme "Haute fiabilité" que chacun met derrière ses idées préconçues sans même écouter les exigences de la théorie particulière que l’on veut faire passer ;
  • bien trop centrées "individu", sans rappel des fondements réels de la théorie, ni de ce que cela implique vraiment en matière de changement des organisations par le management intermédiaire et la direction.  

Bref, la culture de base existant en santé est bien moins perméable à ces idées, et bien moins "apprenante" que dans le reste de l’industrie.

Ce défaut structurel génère d’autres défauts en cascade ; sûrs d'eux, les professionnels de santé n’ouvrent pas leur terrain aux sciences humaines et sociales (SHS) sur les questions de sécurité - comme le font les industries à risques - et n’écoutent pas leur apport ; la différence avec les industries à risques est presque une caricature.

L’organisation de santé à l’art de générer ses propres experts de la sécurité toujours parmi ses pairs pour étudier les risques, analyser les accidents et faire changer ses pratiques. De fait, elle reste profondément endogamique et bureaucratique dans toutes ses actions, prenant juste quelques idées et mots-clés sur étagère en sécurité industrielle au gré des modes mais souvent sans en comprendre le fondement et les exigences en matière de changement organisationnel.

Ainsi vont les idées de check-list ou de formation au travail en équipe importées de l’aviation, ou encore celle de résilience, mais en oubliant totalement le contexte culturel nécessaire au succès de ces idées.

Pour enfoncer la différence avec les pratiques industrielles, les essais inspirés des HROs en santé sont la plupart du temps fragmentés, en silo, limités à un service, pour une spécialité donnée et, plus que tout, limités à quelques professionnels volontaires de terrain, sans apprentissage croisé au-delà de ce service. Au mieux, le changement imaginé reste très local, loin des décideurs alors que le principe incontournable des HROs exige de changer l’organisation générale et d’impliquer toute la chaîne hiérarchique.

On n’en sera pas surpris : les visions de ce qu’est un bon système HRO diffèrent d’un service à l’autre, d’un essai à l’autre, sans discussion et confrontation générale des différences. Les réalisations dites inspirées des HROs, souvent éloignées de fait de la théorie, vivent et subsistent sans critiques externes, se pérennisent même parfois comme des "bonnes pratiques locales" (ce qu’elles ne sont pas) et aggravent encore le paysage de dissociation de la pensée et de dilution des leçons portées par les HROs. 

Les auteurs soulignent la nécessité de "changer de braquet", d’imposer le cœur de la pensée HROs dans la sécurité médicale dans une logique d’amélioration de l’agilité des organisations à mieux gérer les surprises quotidiennes, les adaptations nécessaires, et à devenir plus résiliente.

Cela suppose une ouverture pluridisciplinaire urgente et de taille incluant les SHS (la sécurité ne peut pas être résolue uniquement par une approche médicale exclusive), et une éducation bien plus importante des professionnels (et des directeurs).

De l’avis des auteurs, on en est encore très loin de cette réalité tant les résistances sont grandes…

Myers CG, Sutcliffe KM High reliability Organising in healthcare: still a long way left to go BMJ Quality & Safety  Published Online First: 14 June 2022. doi: 10.1136/bmjqs-2021-014141

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Rotteau L, Goldman J, Shojania KG, et al Striving for high reliability in healthcare: a qualitative study of the implementation of a hospital safety programme BMJ Quality & Safety  Published Online First: 01 June 2022. doi: 10.1136/bmjqs-2021-013938

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Revue de littérature et méta-analyse du surcoût lié à la prise en charge des patients multimorbides

La multimorbidité des patients s’accroît en médecine comme le reflet de son succès et de la survie prolongée des patients ; le phénomène est supposé grever sérieusement le budget santé des nations, mais on manque de chiffres pour en évaluer la réalité. L’article propose une analyse de la littérature étendue jusqu’à janvier 2022 avec une méta-analyse à la clé sur le sujet.

59 articles sont inclus dans l’analyse, la majorité provenant des pays riches, surtout des Etats-Unis. Le surcoût annuel estimé par patient de la prise en charge spécifique de la multimorbidité s’étend de 800 à 150 000 dollars selon le pays, la combinaison de morbidités, et d’autres caractéristiques économiques locales (coût des médicaments, etc.). Ces valeurs sont suffisamment élevées pour se traduire dans le PIB par habitant. 

La méta-analyse de 15 revues de question publiées sur le sujet montre qu’en moyenne les multi-morbidités qui s’associent à une hypertension sont les moins coûteuses, au contraire de celles associant des problèmes respiratoires et psychiatriques (36 840 dollars) ou celles associant diabète et troubles cardio-vasculaires (37 040 dollars), ou encore celles associant problèmes psychiatriques et cancer dans la première année de traitement (85 820 dollars) ; à noter en plus que la plupart des études sous-estiment le coût réel de ces comorbidités en ne rapportant que les coûts directs (hospitalisations, soins médicamenteux) sans prendre en compte les coûts sociaux et systémiques indirects.

Tran, P.B., Kazibwe, J., Nikolaidis, G.F. et al. Costs of multimorbidity: a systematic review and meta-analyses. BMC Med 20, 234 (2022)

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Revue de littérature sur le surrisque santé des sans-abris : des données décevantes en qualité

La santé des sans-abris est souvent associée à l’idée de détérioration et de nombreuses pathologies/comorbidités associées.

Pour autant, ces résultats sont majoritairement observationnels, locaux, et on manque de données objectives et d’essais randomisés.

Cet article se concentre sur la partie de littérature qui paraît la plus synthétique et solide scientifiquement, en se limitant aux revues de question et aux méta-analyses. 

La revue est étendue jusqu‘à avril 2021. 

Sur 1 549 articles traitant du sujet, les auteurs ne retrouvent que 8 méta-analyses et 2 revues de question. Malheureusement, ces articles de synthèse eux-mêmes citent surtout des études observationnelles. On retrouve quelques associations positives et avec un bon niveau de preuve comme la surfréquence du Sida chez les sans-abris, et la survenue de chutes dans la dernière année. 

Mais, dans l’ensemble, les études sont peu convaincantes tant les méthodes apparaissent faibles et critiquables. 

Fornaro, M., Dragioti, E., De Prisco, M. et al. Homelessness and health-related outcomes: an umbrella review of observational studies and randomized controlled trials. BMC Med 20, 224 (2022). https://doi.org/10.1186/s12916-022-02423-z

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Revue de littérature sur l’impact du changement de galénique-présentation-packaging du médicament

L’apparence du médicament, sa galénique, sa présentation, sont des choses importantes pour le patient, et parfois aussi pour le professionnel en ces temps où l’on change assez facilement et sans nécessairement beaucoup prévenir les présentations (remplacement par génériques, etc.).

Cette revue de littérature, limitée aux articles en anglais et en espagnol, conduite jusqu’en mars 2021, évalue les conséquences de ces changements. 

  • 10 études sont incluses dans la revue. 
  • 3 études sur 5 se focalisaient sur la continuité thérapeutique. Elles retrouvent un lien significatif entre changement de présentation et arrêt du traitement. 
  • 3 autres retrouvent des marqueurs de non-observance. 
  • 2 études sont centrées sur le résultat clinique et retrouvent des effets cliniques d’accompagnement comme la réduction de l’autosurveillance de la tension artérielle.
  • 1 dernière étude, centrée sur les génériques, montre des taux de non-observance supérieurs avec les génériques en comparaison des packaging originels.
Lumbreras B, Sanz-Valero J, López-Pintor E. Impact of Variation in Pill/Package Appearance of Drugs on Patients' Behavior: A Systematic Review. J Patient Saf. 2022 Jun 1;18(4):310-317. doi: 10.1097/PTS.0000000000000941. Epub 2021 Nov 27. PMID: 35452203

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Les opinions de 300 infirmiers hospitaliers sur la mauvaise culture de sécurité de leur hôpital, et le lien (qui reste modérée) aux résultats cliniques

Cette étude évalue :

  • les facteurs qui facilitent ou freinent la mise en place d’une culture de sécurité ;
  • les résultats cliniques que l’on peut associer à la qualité de cette culture.

L’équipe travaille dans un hôpital central de Jordanie.

La méthode repose sur l’analyse des réponses d’un échantillon de 300 infirmiers hospitaliers ayant rempli un questionnaire d’évaluation de la culture de sécurité (75 % de taux de réponses).

Les infirmiers considèrent la culture de sécurité de leur service plutôt "modérée". L’approche non punitive des erreurs et le travail en équipe sont plutôt considérés positivement et en amélioration. Par contre, la supervision et les attentes vis-à-vis du management ainsi que les actions soutenant la sécurité du patient, de même que la communication ouverte, sont considérées comme insuffisantes. 

Les infirmiers ont tendance à considérer que le niveau de capacité d’apprentissage et d’amélioration continue, la qualité apportée aux transitions, les années d’expérience dans le même hôpital, et le sexe du manager prédisent largement la culture du service.

Côté effets cliniques, les infirmiers sont plutôt positifs, en jugeant qu’ils ont peu d’événements indésirables (EI), et un bon niveau de sécurité du patient. Ils soulignent aussi que quand surviennent de rares événements indésirables, le lien entre ces EI et les défauts de la culture de sécurité est significatif. Par contre, ils jugent le lien entre culture de sécurité et performance clinique relativement modéré.

Mrayyan MT Predictors and outcomes of patient safety culture: a cross-sectional comparative study BMJ Open Quality 2022 ;11:e001889. doi: 10.1136/bmjoq-2022-001889

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Quels indicateurs de qualité et points d’attention pour améliorer la pertinence de la prise en charge dans les centres de traumatologie ?

L’utilisation d’une série de nouveaux indicateurs de qualité de prise en charge des patients - devenus routiniers dans les pratiques des services - reste encore à parfaire dans les centres de traumatologie.

La mesure de la qualité dans ces traumas centers reste souvent limitée à l’observance des recommandations classiques. Notamment, les questions de pertinence restent sous-estimées.

Cette étude, conduite par l’université de Californie en 2021, est de type consensus. Elle s’appuie sur un questionnaire et un séminaire en téléconférence réunissant 49 médecins experts de trauma centers du Canada, de Grande-Bretagne, des Etats-Unis et d'Australie, deux modérateurs indépendants, et 3 représentants des patients.

L’objectif était de dégager avec ces experts une série d’évidences et de propositions de recommandations et indicateurs pour mieux informer les patients, et améliorer la pertinence des soins dans les trauma centers.

La méthode consiste à faire juger par ces experts un total représentatif de 50 pratiques fréquentes en trauma center, avec pour chacune une évaluation par une échelle de Lickert à 7 points et un jugement composé de 4 indicateurs de qualité : importance, évidence clinique et pertinence, faisabilité, et mesurabilité.

Au total, 11 indicateurs ressortent de l’analyse comme un consensus, de même que 9 points d’attention particuliers pour augmenter la pertinence des soins dans les trauma centers :

  1. la maîtrise de la qualité du diagnostic d’imagerie initial (tête, colonne, hanche, pelvis),
  2. les répétitions d’imagerie dans les transferts successifs,
  3. l’appel à consultation de référent (surtout neurochirurgie),
  4. la chirurgie , particulièrement sur les traumas du cou,
  5. les transfusions,
  6. les prescriptions d’antibiotiques, et autres prophylaxies comme la prévention épileptique,
  7. l’admission dans le service (particulièrement pour les traumas abdominaux masqués),
  8. le passage en réa en cas de trauma cérébral,
  9. le suivi du risque embolique pour des chirurgies orthopédiques.
Moore L, Bérubé M, Tardif P, et al. Quality Indicators Targeting Low-Value Clinical Practices in Trauma Care. JAMA Surg. 2022;157(6):507–514. doi:10.1001/jamasurg.2022.0812

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17 septembre 2022 : "Les médicaments sans les méfaits". Journée mondiale de la sécurité des patients 2022 patronnée par l’OMS

Les pratiques de médication dangereuses et les erreurs de médication sont parmi les principales causes de préjudices évitables liés aux soins de santé partout dans le monde.

Les erreurs de médication surviennent lorsque la fragilité des systèmes de médication et des facteurs humains tels que la fatigue, les mauvaises conditions de travail ou les pénuries de personnel ont une incidence sur l’utilisation des médicaments en toute sécurité.

Ces erreurs peuvent entraîner de graves préjudices pour les patients : un handicap voire la mort. La pandémie actuelle de COVID-19 a considérablement accru le risque d’erreurs de médication et les préjudices liés à la médication. 

C’est dans ce contexte que la "sécurité du médicament" a été choisie comme thème de la Journée mondiale de la sécurité des patients 2022, avec le slogan "Les médicaments sans les méfaits".

Les points d’attention particuliers concernent les prescriptions et usage des médicaments dans les situations à haut risque, transitions entre différents types de soins, polypharmacies et médicaments différents dont l’apparence ou le nom est similaire.

Cette année, la campagne mettra particulièrement l’accent sur les conséquences de la pandémie de COVID-19 pour la sécurité du médicament.

Objectifs de la Journée mondiale de la sécurité des patients 2022 :

  • FAIRE MIEUX CONNAITRE, partout dans le monde, la lourde charge que représentent les préjudices liés aux erreurs de médication et aux pratiques dangereuses dans ce domaine et PRECONISER l’application urgente de mesures pour améliorer la sécurité de la médication.
  • FAIRE PARTICIPER les principales parties prenantes et les principaux partenaires aux efforts visant à prévenir les erreurs de médication et à réduire les méfaits liés aux médicaments.
  • DONNER LES MOYENS aux patients et aux familles de participer activement à l’utilisation des médicaments en toute sécurité.
  • DONNER PLUS D’ENVERGURE au défi mondial de l’OMS pour la sécurité des patients : les médicaments sans les méfaits.

Pour célébrer cette journée, l’OMS organise une série de webinaires sur la sécurité de la médication et propose en 2022 plusieurs moyens et produits techniques pour assurer la sécurité de la médication. 

Le 17 septembre 2022 et autour de cette date, l’OMS organisera un large éventail d’activités et organisera une manifestation mondiale en ligne. Le Jet d’eau de Genève sera notamment illuminé en orange.

Les États Membres et les partenaires sont invités à participer à la campagne mondiale en s’engageant à mettre en œuvre le défi mondial de l’OMS pour la sécurité des patients : les médicaments sans les méfaits, en proposant des activités, en organisant des événements et en illuminant des monuments emblématiques en orange pour soutenir la sécurité de la médication.

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Améliorer la prise compte des préférences personnelles pour des décisions médicales qui concernent des patients défavorisés, peu cultivés

Jusqu’à récemment, les cliniciens choisissaient le traitement qu'ils jugeaient le plus favorable aux intérêts du patient sans en discuter vraiment avec le patient. 

Aujourd’hui, le patient se veut nettement plus participatif et c’est même la loi (américaine) qui soutient cette évolution. 

Cette approche respecte les patients qui sont capables de prendre leurs propres décisions de traitement. Mais elle pose un défi aux nombreux patients adultes qui sont incapables de comprendre les informations pertinentes à la décision en question, de raisonner à la lumière de ces informations et de leurs propres valeurs, et de prendre une décision sur cette base ou même de communiquer leur décision.

Pour mieux respecter ces patients qui n'ont pas la capacité de prendre des décisions, les recommandations américaines actuelles demandent à des personnes substituts désignées par le patient (le plus souvent des proches) de prendre des décisions médicales fondées sur les préférences documentées du patient. 

Mais la mise en œuvre actuelle de cette approche reste sujette à plusieurs lacunes importantes :

  • de nombreux patients ne remplissent pas de directive préalable et ne documentent pas leurs préférences ;
  • les substituts ne peuvent souvent pas prédire quel traitement le patient aurait choisi pour lui-même. Leur décision à la place du patient dans ces conditions d’ignorance engendre même souvent une détresse et un fardeau émotionnel important

Le cœur du problème éthique touche au respect de l'autonomie du patient, même modestement incapable de verbaliser ce qu’il souhaite vraiment.

Cette autonomie est souvent comprise comme une valeur unique. En fait, son promeut au moins 5 valeurs distinctes : la non-intrusion, la souveraineté, l'authenticité, l'intérêt supérieur et le statut moral de la famille et des proches :

  • Il s’agit de permettre à des adultes compétents de prendre leurs propres décisions et ainsi d’empêcher les autres d'interférer dans leur vie, favorisant ainsi la non-intrusion.
  • Le respect de l'autonomie favorise la souveraineté, permettant de diriger son propre cours de vie, même contre l’avis médical
  • Le respect de l'autonomie renforce l'authenticité d’une vie conforme à ses propres engagements.
  • Le respect de l'autonomie favorise l'intérêt supérieur des individus en acceptant que les adultes compétents savent ce qui est le mieux pour eux
  • Le respect de l’autonomie permet à des adultes de s'assurer que les décisions sont prises à la lumière de la position morale de leur famille et de leurs proches.

Cet ordre de présentation reflète la priorité de ces valeurs, de la plus élevée à la plus faible. 

Par exemple, les cliniciens peuvent offrir des conseils, mais ils doivent respecter les décisions finales des patients compétents, surtout lorsque la décision conseillée entre en conflit avec les engagements personnels du patient, révélant que la souveraineté prime sur l'authenticité. 

De même, les cliniciens ne doivent pas administrer les traitements indiqués à des patients inconscients lorsqu'ils sont connus pour entrer en conflit avec les engagements personnels du patient (par exemple, une transfusion sanguine). Cela est vrai même lorsque le patient n'a pas rempli de directive anticipée, révélant que l'authenticité prime sur l'intérêt supérieur.

Pour respecter les patients quand ils ont perdu leur capacité décisionnelle, les décisions de traitement doivent continuer à être prises de manière à promouvoir ces 5 valeurs autant que possible. 

Évaluation des modifications proposées à la pratique actuelle

Bien que les propositions soient motivées par des préoccupations légitimes, elles tendent à mettre l'accent sur une ou deux des 5 valeurs au risque de minimiser ou d'ignorer les autres.

La prise de décision assistée vise à promouvoir la souveraineté. Mais, remplacer les substituts par un système qui permet à tous les patients de prendre leurs propres décisions, quel que soit leur niveau de fonction cognitive, a le potentiel d'ignorer l'authenticité et l'intérêt supérieur. En revanche, limiter la prise de décision de substitution à la promotion de l'authenticité ignore la valeur de la souveraineté.

Promouvoir les 5 valeurs dans la pratique actuelle

Les cliniciens travaillant avec des patients adultes qui manquent de capacité décisionnelle doivent essayer de promouvoir les 5 valeurs dans la mesure du possible. 

Parce que la souveraineté et l'authenticité priment sur la moralité de la famille, les directives anticipées des patients doivent être suivies, même lorsque la famille n'est pas d'accord avec les choix du patient. 

Des exceptions ne doivent être faites que lorsqu'il existe des preuves convaincantes que le respect de la directive anticipée ne favoriserait pas la souveraineté (par exemple, basée sur des informations erronées) ou l'authenticité (par exemple, obsolète).

Les directives anticipées actuelles sont conçues pour documenter les préférences de traitement des patients. Pour promouvoir davantage la souveraineté et l'authenticité, les cliniciens devraient également encourager les patients à documenter leurs préférences. 

Prendre des décisions pour les autres peut être difficile et entraîner une détresse est un fardeau émotionnel important. Les cliniciens doivent encourager les patients à tenir compte de ces demandes lors de la désignation d'un substitut. Qui peut le mieux traiter des informations compliquées, gérer le stress et accepter la responsabilité ?

Réduire les préjugés implicites et explicites sur les patients, une tribune du New England Journal of Medicine

Les préjugés implicites et explicites font partie des nombreux facteurs qui contribuent aux disparités en matière de santé et de soins de santé.  

Les préjugés explicites renvoient aux attitudes et hypothèses de nos systèmes de croyances personnels ; ils peuvent être évalués directement au moyen d'auto-évaluations.  

Les préjugés implicites, en revanche, sont des attitudes et des croyances sur la race, l'origine ethnique, l'âge, les capacités, le sexe ou d'autres caractéristiques qui opèrent en dehors de notre conscience et ne peuvent être mesurées qu'indirectement.

Ces préjugés implicites influencent subrepticement le jugement et peuvent, sans intention, contribuer à un comportement discriminatoire. Une personne peut avoir des croyances égalitaires explicites tout en nourrissant des attitudes et des stéréotypes implicites qui contredisent ses croyances conscientes. 

De plus, nos préjugés individuels opèrent au sein de structures sociales, culturelles et économiques plus larges.  

En médecine, les pratiques et politiques discriminatoires fondées sur des préjugés ont non seulement un effet négatif sur les soins aux patients et l'environnement de formation médicale, mais limitent également la diversité du personnel de santé, conduisent à une répartition inéquitable du financement de la recherche et peuvent entraver l'avancement professionnel. 

Aux Etats-Unis, plusieurs études impliquant des médecins, infirmiers et autres professionnels de la santé ont révélé que les préjugés raciaux implicites des prestataires de soins de santé sont associés à l'incertitude diagnostique et, pour les patients noirs, à des évaluations négatives de leurs interactions cliniques, moins centrées sur le patient, une mauvaise communication avec le prestataire, un traitement insuffisant de la douleur, les opinions des patients noirs comme moins adhérents médicalement que les patients blancs.  

Changer cet état de fait et combattre les préjugés implicites n’est pas simple. 

Une récente revue de la littérature sur la réduction des préjugés implicites montre que des méthodes telles que l'exposition à des exemples contre-stéréotypiques, la reconnaissance et la compréhension des perspectives des autres et les appels aux valeurs égalitaires n'ont pas entraîné de réduction des préjugés implicites. Aucune intervention visant à réduire les biais implicites ne s'est avérée avoir des effets durables.  

De ce fait, les organisations de santé renoncent souvent aux interventions qui viseraient directement à la réduction des préjugés en leur préférant plutôt des actions sur la réduction des effets délétères, à l'élimination des comportements discriminatoires et des autres préjudices causés par les préjugés implicites. 

Bien qu'omniprésents, les préjugés implicites sont cachés et difficiles à reconnaître. Il reste que la prise de conscience des préjugés est une étape vers un changement de comportement. Il existe différentes façons d'accroître notre prise de conscience des préjugés personnels ; on peut citer la création d'un environnement sûr, la présentation par les résultats scientifiques des préjugés implicites et des preuves de leur influence sur les soins cliniques, l'engagement des professionnels dans des exercices et des activités de renforcement des compétences dans lesquels ils doivent accepter leur inconfort.

Cette éducation sur les préjugés implicites et leurs conséquences devrait faire partie des efforts déployés à l'échelle des structures de santé. C’est le cas par exemple du Center for Health Workforce Studies de la faculté de médecine de l'Université de Washington (UW) avec ses cours de sensibilisation qui se sont révélés assez efficaces. 

Au-delà de la sensibilisation, les cliniciens peuvent suivre une formation de "spectateur actif" pour apprendre à gérer ou à interrompre les micro-agressions et autres incidents nuisibles  en lien avec les préjugés. Ils peuvent aussi suivre une formation visant à éliminer les descriptions négatives des patients et les mots stigmatisants dans les notes de dossier et les communications directes avec les patients. Le corps professoral des centres médicaux universitaires peut développer du matériel pédagogique contenant des images et des exemples inclusifs et diversifiés et peut s'efforcer d'utiliser un langage inclusif dans toutes les communications écrites et orales. 

Au niveau organisationnel, la pierre angulaire des initiatives institutionnelles de gestion des préjugés doit être un programme complet et continu d'éducation interactive de renforcement des compétences en matière de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI) qui intègre la reconnaissance et la gestion des préjugés implicites pour tous les employés et stagiaires, et en fait aussi un critère dans le processus de recrutement. 

Les organisations doivent aussi collecter des données pour surveiller l'équité. Un système de signalement des situations affectées par les préjugés est largement souhaitable. Par exemple, un outil en ligne permettant à la cible ou à l'observateur d'un incident biaisé de signaler ses préoccupations. Ces incidents sont ensuite évalués par une équipe qualifiée qui recueille plus d'informations et dirige le problème vers par exemple le service le plus concerné (souvent les ressources humaines), ou renvoie l'incident pour une enquête plus approfondie et un suivi approprié.  

La transparence est essentielle et peut s’appuyer sur un rapport trimestriel sur le nombre d'incidents de biais qui se sont produits, les groupes (professeurs, patients, soignants, personnel, étudiants, stagiaires, visiteurs ou une combinaison) qui ont été touchés par les incidents, les lieux et types d'incidents signalés.  

Des recherches novatrices sont aussi en cours pour réduire les effets des biais implicites dans les soins de santé. Par exemple :

  • Des chercheurs de l'Université de l'Indiana développent des biomarqueurs sanguins objectifs de la gravité de la douleur pour ouvrir la porte à une gestion précise de la douleur, un sujet très sensible aux biais implicites. (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30755720/)
  • Les chercheurs de Harvard proposent des méthodes pour minimiser les biais involontairement intégrés dans les algorithmes d'intelligence artificielle qui entraînent des inégalités en matière de santé. (https://www.hsph.harvard.edu/ecpe/how-to-prevent-algorithmic-bias-in-health- care/) 
  • Des chercheurs de l'université de Washington (informatique biomédicale et éducation médicale) et de l'Université de Californie à San Diego (informatique) développent conjointement une technologie pour aider à lutter contre les biais implicites dans les soins cliniques ; l'outil détectera automatiquement les signaux sociaux non verbaux qui transmettent le biais implicite des cliniciens dans les interactions en temps réel avec les patients et fournira une rétroaction précise au clinicien ou au clinicien en formation afin qu'un programme individualisé pour développer les compétences de communication.  (https://www.unbiased.health/)
Sabin, J. A. (2022). Tackling Implicit Bias in Health Care. . July 14, 2022 N Engl J Med 2022; 387:105-107 

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