Etat de choc lors d'une appendicectomie, retard à la laparotomie... Décès d'une jeune fille de 16 ans

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Etat de choc lors d'une appendicectomie, retard à la laparotomie... Décès d'une jeune fille de 16 ans - Cas clinique

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Le dimanche 22 juillet 2007, une jeune fille de 16 ans voit en urgence vers 23h30 le médecin de garde qui l’adresse aux urgences du centre hospitalier pour une suspicion d’appendicite aiguë.

  • Chirurgien
  • Bloc opératoire
Auteur : Christian SICOT / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • Depuis 48 heures, cette patiente se plaint de douleurs abdominales, sus-pubiennes et de la fosse iliaque droite, d’intensité croissante, accompagnées de nausées sans vomissement, d’une accélération du transit (3 selles/jour) et d’une fièvre à 38°2 C. L’interrogatoire ne retrouve pas de troubles urinaires.  
  • Hospitalisation le 23 juillet à 01h00. La leucocytose est à 16 000 /mm3, la CRP à 100 mg/l. La recherche de beta-hCG reste négative.  
  • Le 24 juillet, à 08h00, la patiente est montrée à un chirurgien qui retrouve une douleur nette de la fosse iliaque droite, le reste de l’abdomen étant souple. Une radiographie d’abdomen sans préparation met en évidence : « (…) Clartés digestives bien réparties, quelques niveaux hydro-aériques dans la fosse iliaque droite, absence de calcifications viscérales (…) » Le chirurgien décide une appendicectomie par voie cœlioscopique. Le père de la patiente qui avait quitté l’hôpital, ne voit pas le chirurgien ; il renvoie après l’avoir signée l’autorisation d’opérer sa fille mineure, qui lui a été faxée. L’information sur les risques de l’intervention envisagée n’est pas documentée dans le dossier mais a peut-être été donnée de façon orale.  
  • Le 24 juillet, 11h40, début de l’anesthésie, induction réalisée par une infirmière anesthésiste (IADE) en présence du médecin anesthésiste qui, ensuite, quittait la salle d’intervention. La patiente (64 kg pour 1,61 m) reçoit Diprivan®(200 µg), Sufenta® (15 µg), Celocurine® (70 mg) et Nimbex®(6mg) .Une antibioprophylaxie est également administrée : Flagyl® (1g) et Rocephine(2g).  
  • A 12h05, l’IADE note: « Insufflation hypochondre gauche et incision ».  
  • A 12h10, peu après la mise en place du trocart ombilical, se produit une brutale chute de la PA, pour laquelle l’IADE appelle l’anesthésiste présent dans le couloir du bloc. Celui-ci, accompagné d’un autre anesthésiste, constate que : « (…) La capno (Ndr : Pression téléexpiratoire en C02 ou PteCO2, le plus souvent, entre 30 à 38 mmHg chez un sujet ventilé) est à 15, la saturation était normale et le pouls, très accéléré (…) ».Très rapidement la PA devient imprenable. Un massage cardiaque externe est immédiatement entrepris et poursuivi de façon intermittente, associé à l’administration d’adrénaline et à la pose de voies veineuses centrales. A la demande de l’équipe anesthésique, l’insufflation est arrêtée et la patiente mise en Trendelenburg. L’anesthésiste dit avoir discuté avec le chirurgien pour savoir s’il y avait un hémopéritoine important. Celui-ci aurait répondu qu’ « il y avait un peu de sang rouge mais pas d’une façon importante et que cela ne pouvait expliquer le collapsus ». L’anesthésiste avait, alors, selon ses dires lors de l’expertise, pensé à une embolie gazeuse et mis en place une réanimation « adaptée » (absence de documents peropératoires).  
  • Ultérieurement, le chirurgien mentionnera dans son compte-rendu opératoire: « (…) Confection du pneumopéritoine par ponction de l’hypochondre gauche à l’aiguille de VERES. Dès que la pression est à 12 mmHg, incision sus-ombilicale permettant l’introduction d’un mandrin de 10 mm. Introduction de l’optique et mise en place de deux autres trocarts sous contrôle visuel : un trocart de 10 mm dans la fosse iliaque gauche et un trocart de 5 mm en sus-pubien. Examen de la cavité abdominale permettant de découvrir un hémopéritoine de moyenne abondance que l’on n’avait pas constaté à l’ouverture. Parallèlement, le profil hémodynamique fait évoquer une embolie gazeuse. Les mesures de réanimation adaptées sont prises par l’équipe d’anesthésie (…) ».  
  • Vers 12h45, en l’absence d’amélioration de l’état de la patiente, le chirurgien fait appel à son chef de service. Dès son arrivée, celui-ci décide, de toute urgence, et avec l’accord de l’équipe d’anesthésie, une laparotomie qui a lieu vers 13h00 (soit 50 min après le début de l’état de choc) : « (…) Incision xipho-pubienne. On retrouve un hémopéritoine de moyenne abondance et surtout un hématome rétropéritonéal étendu du détroit supérieur au méso-colon transverse. Avec l’hypothèse d’une plaie à l’introduction du premier trocart, on explore, d’emblée, la région pouvant être en cause et il est fait appel au chirurgien vasculaire du service. On trouve un orifice péritonéal en regard de la bifurcation aortique. On comprime l’aorte en amont et l’exploration mène sur une plaie de l’artère iliaque primitive, en fait une section totale de l’artère exactement à son ostium, maintenue par un millimètre de paroi interne. Cette plaie est réparée par le chirurgien vasculaire qui obture, également, une plaie de quelques mms de la veine cave inférieure, juste à sa naissance. Ce temps vasculaire réalisé, on suture trois plaies du grêle sur une même anse, une de 2cm, les 2 autres d’environ 0,5 cm. En fin d’intervention, on se porte sur l’appendice, peu inflammatoire. Une appendicectomie avec ligature du méso en plusieurs prises et ligature de l’appendice au vicryl est réalisée (…) »  
  • Vers 15h40, la fermeture de la paroi est effectuée avec mise en place d’un drainage latéro-aortique par un redon sortant du côté gauche ainsi qu’un drainage de la gouttière pariéto-colique droite et sous-phrénique droite par un redon en contre-incision iliaque droite. Le lavage péritonéal ramène un liquide clair en fin d’intervention.  
  • A 17h00, la patiente quitte le bloc opératoire pour le service de réanimation où il est noté, à l’arrivée: « (…) Patiente intubée, ventilée, non sédatée, en coma aréactif. Mydriase bilatérale aréactive. PA : 84/32 mmHg ; fréquence cardiaque : 140/min ; température : 32,4°C ; SaO2 : 100%. Marbrures violacées de toute la partie inférieure du corps. Hématome cervical droit. Saignement à tous les points de ponction ainsi qu’au niveau de la cicatrice abdominale (…) ». Les examens biologiques mettent en évidence une acidose métabolique majeure avec insuffisance rénale et nécrose hépatique ainsi qu’une CIVD massive. Le traitement institué associe, outre la poursuite de la ventilation assistée, transfusions sanguines, perfusion de Noradrénaline, d’Adrénaline et de Novodeven®, ainsi qu’une rééquilibration hydro-électrolytique.  
  • Vers 21h30, reprise de l’hémorragie (300ml/h par le redon gauche) qui fait discuter une éventuelle réintervention. Cette hypothèse est finalement écartée par le chef de service de chirurgie, compte-tenu de l’impossibilité de contrôler les troubles de l’hémostase et de l’instabilité de l’état hémodynamique contre-indiquant le transport de la patiente jusqu’au bloc opératoire.  
  • Décès le lendemain à 12h16.  
  • L’autopsie médico-légale confirme les données opératoires sans apporter d’éléments nouveaux. A noter que la pièce d’appendicectomie n’avait pas fait l’objet d’un examen anatomopathologique.  
  • Lors de son audition par les experts, le chirurgien disait avoir débuté la pratique de la cœlio-chirurgie en 2001 et qu’actuellement, il réalisait environ 15 cœlio-appendicectomies par an mais aussi d’autres interventions par cette voie d’abord. Il n’avait pas eu de complications, en dehors d’une plaie de la convergence biliaire lors d’une cholécystectomie. Le chirurgien était convaincu que la complication survenue était due à un dysfonctionnement du trocart utilisé dont la sécurité n’avait pas fonctionné : « (…) Normalement lorsque la sécurité fonctionne, c'est-à-dire lorsque la lame se rétracte (*), on entend un léger déclic. En l’espèce, je ne peux pas affirmer avoir entendu le déclic …Aussi, le lendemain, j’ai adressé une fiche de signalement d’incident (document AFSSAPS) (…) ». Le chirurgien ajoutait qu’il avait pu récupérer, après l’intervention, le trocart ombilical utilisé et qu’en le testant au bloc opératoire avec un champ tissu, il avait constaté que la chemise du trocart ne se rétractait qu’une fois sur deux, lors de la perforation du champ. Par ailleurs, le chirurgien signalait avoir, déjà, eu des incidents avec ce type de matériel mais comme ces incidents n’avaient pas été majeurs, il n’avait pas adressé de fiche de signalement  (*) En réalité, dès la paroi traversée, le bouclier du trocart doit immédiatement se verrouiller, c'est-à-dire se replacer sur la lame évitant ainsi que tout organe soit touché (note du fabricant aux experts). Utilisant les scellés qui leur avaient été confiés par le juge d’instruction et qui contenaient deux des trois trocarts utilisés pendant l’intervention, les experts reproduisaient, à quatre reprises avec les deux trocarts, l’expérience faite par le chirurgien, sans constater de dysfonctionnement Par ailleurs, la société fabricant le trocart avait remis aux enquêteurs 9 trocarts non utilisés, faisant partie du même lot que celui ayant été considéré comme défectueux. Aucune anomalie n’avait été découverte sur ces trocarts.  
  • Plainte pénale pour homicide involontaire déposée en août 2006 par les parents de la patiente.

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

 

Jugement

Expertise (juin 2008)

Le juge d’instruction  chargé de l’enquête désignait  deux experts : l’un,  chirurgien gynécologue et obstétricien exerçant en libéral et l’autre, réanimateur hospitalier.

Ceux-ci reprochaient au chirurgien : « (…) Des maladresses dans le geste cœlio-chirurgical  responsables des plaies de l’artère iliaque primitive, de la veine cave inférieure et de l’intestin grêle, notamment en utilisant une incision sus-ombilicale (et non, sous-ombilicale) pour introduire le trocart ombilical. En effet, cette voie d’introduction ne permet pas de prendre un angle d’attaque de 45 ° car l’ombilic est juste situé sur le trajet du trocart et l’on est obligé de prendre un angle d’attaque vers le bas avec, bien entendu, un risque au niveau des gros vaisseaux.

Surtout, le non-diagnostic des plaies des gros vaisseaux pendant  50 minutes a entraîné un retard dans le traitement de ces plaies vasculaires avec constitution  d’un état de choc hypovolémique et d’une défaillance multiviscérale ayant entraîné le décès de la patiente(…) »

Concernant l’anesthésiste, les experts ne s’expliquaient pas : « (…) Pourquoi le diagnostic d’embolie gazeuse avait été posé sur la survenue d’un collapsus  avec diminution de la PteCO2  qui était en fait le reflet du collapsus. Cette erreur de diagnostic avec traitement d’une hypothétique embolie gazeuse,  avait entraîné un retard dans le traitement  des plaies des gros vaisseaux (…) »

L’avocat du chirurgien  contestait, textes à l’appui, certaines conclusions des experts, en soulignant, en outre, qu’aucun des deux ne pratiquait la cœlio-chirurgie digestive. Le magistrat instructeur acceptait, alors, le principe d’une contre-expertise qu’il confiait  à un spécialiste en chirurgie digestive cœlioscopique et à un anesthésiste-réanimateur, tous deux exerçant en libéral.

 

Contre-Expertise (juin 2010)

Chargés, par le juge d’instruction,  de relever tout dysfonctionnement dans la prise en charge de la patiente, les experts examinaient les 5 points suivants :

1)    Concernant l’indication opératoire, ils reprochaient au chirurgien de ne pas avoir demandé une échographie ou un scanner  avant de décider d’intervenir : « L’état de l’appendice, tel que décrit  dans le compte-rendu opératoire ne semble pas correspondre à une appendicite aiguë ».

2)    Concernant l’anesthésie pour la période  11h35- 12h05,  elle ne leur paraissait pas critiquable tout en regrettant que : « L’absence de réinjection de curare laisse un doute sur la qualité du relâchement musculaire de la paroi abdominale au moment de  la mise en place du trocart ombilical. En effet, compte-tenu de la pharmacologie du Nimbex®, l’injection d’une dose unique  de 0,1 ml/kg  de ce produit vingt-cinq minutes plus tôt, avait quasiment épuisé ses effets à 12h05 ».

3)    Concernant la réalisation de la laparoscopie, ils indiquaient qu’il n’y avait pas d’élément, dans la littérature, pour indiquer ou contre-indiquer  la voie d’abord sus-ombilicale.  De même, il existait  un niveau de  preuves insuffisant, pour recommander, d’après la littérature, la pratique systématique d’une laparoscopie ouverte (voir commentaire 1).

  1. Au sujet des incidents que le chirurgien disait avoir rencontrés avant l’accident, avec ce type de trocart, ils estimaient que : «  Même s’ils n’avaient pas été majeurs, le chirurgien avait tout le loisir de changer sa technique opératoire et de procéder en laparoscopie ouverte ainsi qu’il avait indiqué le faire désormais, depuis l’accident ».
  2. Les experts  confirmaient que les lésions vasculaires et viscérales étaient  la conséquence de l’introduction du premier trocart : «  La lame de ce trocart ne s’est pas rétractée, soit en raison d’une erreur de  manipulation (geste trop brutal), soit en raison d’une insuffisance de curarisation, soit pour ces deux raisons, soit plus probablement parce que l’aponévrose n’a pas été incisée préalablement à l’introduction du trocart ».
  3. Ils regrettaient que : «  Devant la constatation de sang dans la cavité abdominale, qui pouvait être de faible abondance alors que se constituait un important épanchement rétropéritonéal, le chirurgien n’ait pas imposé, alors qu’il était le chirurgien opérateur et, donc considéré comme le chef d’équipe, une laparotomie immédiate. En effet, tout chirurgien cœlioscopique doit rechercher, lorsqu’il constate la présence de sang dans la cavité péritonéale dès l’introduction du cœlioscoe, si ce sang provient de la paroi ou s’il est en rapport  avec une lésion vasculaire causée par le premier trocart »)

4)    Concernant le diagnostic d’embolie gazeuse fait  par l’anesthésiste, les experts admettaient que «  La symptomatologie d’un choc hémorragique pouvait être très difficile à différencier de celle d’une embolie gazeuse » mais «  La présence de sang  dans la cavité péritonéale aurait dû motiver l’équipe médico-chirurgicale pour une laparotomie, en urgence, afin de traiter, au plus vite, la blessure vasculaire qui aurait été à l’origine de l’éventuelle embolie gazeuse ».

Au total les experts soulignaient : « L’erreur dans le raisonnement médical qui avait fait focaliser les énergies sur l’hypothétique aspiration de bulles de gaz piégées dans les cavités cardiaques  au lieu d’entreprendre au plus vite une exploration chirurgicale abdominale ».

5)    Concernant  le traitement chirurgical des lésions Induites par le trocart de cœlioscopie, ils affirmaient  que: « La conduite de l’équipe chirurgicale (chef de service de chirurgie et chirurgien vasculaire)  ne souffrait d’aucune critique » et que concernant la réanimation per- et post opératoire : « Tous les moyens avaient été mis en œuvre ».

 

Tribunal correctionnel (septembre 2012)

D’après les magistrats, « (…) Les fautes du chirurgien, en qualité de chirurgien, chef d’équipe au cours de l’intervention de la patiente étaient caractérisées, en amont par le défaut d’examens d’imagerie préalables, puis par la manipulation certainement maladroite du trocart alors qu’il avait déjà eu des incidents de non rétraction de la lame, puis par une mauvaise appréciation des conséquences de la présence de sang dans la cavité péritonéale et enfin par l’absence de décision consécutive de pratiquer immédiatement une laparotomie (…) »

Déclaré coupable du délit d’homicide involontaire par maladresse, négligence et imprudence, le chirurgien était condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à 5 000€ d’amende.

Les constitutions de partie civile des parents, des frères et des sœurs de la patiente  étaient  déclarées recevables

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