Une femme 32 ans, vendeuse dans un commerce d'alimentation générale, demande à son médecin traitant de l'adresser à un chirurgien esthétique pour corriger un "tablier" abdominal qui la gêne.
Saisine de la CCI par le mari de la patiente (octobre 2013) pour obtenir la réparation des préjudices subis.
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1. Lisez en détail le cas clinique
2. Oubliez quelques instants cette observation et rapportez-vous au tableau des barrières, identifiez les barrières de Qualité et sécurité que vous croyez importantes pour gérer, au plus prudent, ce type de situation clinique. Le nombre de barrières n’est pas limité
3. Interrogez le cas clinique avec les barrières que vous avez identifiées en 2 ; ont-elles tenu ?
4. Analysez les causes profondes avec la méthode des Tempos
Pour les experts, l'un chirurgien esthétique et l'autre, anesthésiste-réanimateur, exerçant tous deux en libéral : « (...) L'indication et la réalisation de l'abdominoplastie n'appelaient pas de remarques.
En revanche, il s'agissait d'une intervention à risque élevé de complications thrombo-emboliques postopératoires. Pour les prévenir, la Société Française d'Anesthésie-Réanimation énonçait dans ses recommandations :
1) La mise en place de bas de contention dès l'arrivée au bloc opératoire et à poursuivre en postopératoire.
2) L'administration d’une HBPM à dose prophylactique pendant 7 à 10 jours.
Dans le cas particulier de la patiente :
Sur la question de l'absence de traitement thrombo-prophylactique après la sortie de la clinique, il n'y avait pas dans le dossier d'éléments objectifs indiquant qu'une ordonnance ait été rédigée et remise à la patiente réglementairement, une copie des documents rédigés par le secrétariat médical et remis au patient est jointe au dossier d'hospitalisation. Seul, le double du certificat médical était disponible dans le dossier de la patiente.
Sur le plan de la responsabilité de la clinique, il n'avait pas été mis en évidence de problèmes d'organisation ou de fonctionnement des équipes en charge des soins.
En ce qui concernait le médecin traitant, la survenue d'une douleur unilatérale du mollet dans les suites proches d'une intervention chirurgicale (deux semaines) devait faire éliminer une thrombose veineuse par un Echo-Doppler veineux et ceci, quelles que soient les données de l'examen clinique dont il est usuel de dire le caractère trop souvent trompeur. L'Echo- Doppler est, dans ce contexte, une urgence mais la seule évocation du diagnostic de phlébite suffit à faire mettre en route un traitement anticoagulant à dose curative, quitte à y renoncer si l'Echo-Doppler s'avérait négative (...)
Les experts concluaient que : "(...) Le décès de la patiente était du à une embolie pulmonaire massive compliquant une thrombose veineuse profonde proximale du membre inférieur gauche.
La patiente n'avait pas bénéficié d'une prise en charge conforme aux règles actuelles avec une perte de chance globale de 99 % d'éviter la complication dont elle avait été victime (le risque d'embolie pulmonaire en cas de thrombose veineuse profonde proximale, traitée, est de 5 % dont 1 % d'embolie pulmonaire fatale).
La responsabilité essentielle de la survenue de cette complication incombait au chirurgien (60 %) en raison d'un traitement prophylactique insuffisant (absence de port de bas de contention pendant et après l'intervention, absence de traitement anticoagulant prophylactique après la sortie de la clinique).
S'était ajouté au défaut de prophylaxie, la méconnaissance par le médecin traitant de la thrombose veineuse proximale au moment où elle était devenue symptomatique, ce qui avait empêché la mise en route d'un traitement approprié (40 % de responsabilité)
La patiente avait pour risques personnels surajoutés au risque chirurgical, un léger surpoids et un traitement oestro-progestatif. Mais avec une thromboprophylaxie conforme aux recommandations, elle n'avait pas de risque aggravé de voir survenir une thrombose veineuse profonde postopératoire (...)"
Se fondant sur le rapport des experts, la CCI retenait que les fautes commises par le chirurgien et le médecin traitant avaient été "constitutives d'une perte de chance de 99 % d'éviter le décès de la patiente" et que le partage de responsabilité était "de 60 % pour le chirurgien et de 40 % pour le médecin traitant".
Dans un délai de 4 mois suivant l'avis de la CCI, les assureurs du chirurgien et du médecin traitant formulaient des offres d'indemnisation.
En novembre 2015, les proches de la patiente faisaient assigner le chirurgien et le médecin traitant, aux fins de déclaration de responsabilité et de liquidation de leurs préjudices.
En mai 2016, l'assureur du chirurgien faisait assigner, en intervention forcée, la clinique.
Se fondant sur le rapport d'expertise, les juges mettaient la clinique hors de cause. Ils déclaraient que le chirurgien et le médecin traitant étaient responsables, in solidum, d'une perte de chance de 99 % pour la patiente de survivre à la complication survenue au décours de l'intervention chirurgicale qu'elle avait subie le 2 décembre 2011.
Ils décidaient que la responsabilité du chirurgien était engagée à concurrence de 60 % et celle du médecin traitant à concurrence de 40 %.
Indemnisation globale de 279 000€.
Cette patiente a été victime de plusieurs erreurs mais l'une d'entre elles qui est la cause directe de son décès doit être particulièrement soulignée car trop souvent méconnue. La preuve en est un cas clinique publié le 06/09/2017 sur le site de la Prévention médicale et intitulé : "Suspicion de phlébite du membre inférieur chez un patient de 24 ans".
Il s'agissait d’un malade, resté alité pendant 15 jours pour une varicelle, et qui s'était plaint au bout de ce délai, de douleurs des membres inférieurs de plus en plus invalidantes Le samedi 9/07/ 2011, il avait consulté un médecin généraliste qui retenait le diagnostic d' "atteinte musculo-tendineuse", tout en suspectant "une thrombose veineuse". Pour cette raison, Il associait au traitement antalgique et anti-inflammatoire deux injections sous-cutanées d'Innohep® 3500 (NB: dose prophylactique) à faire le jour même et le lendemain (week-end du 9 et 10 juillet). Par ailleurs, ce praticien avait rédigé une ordonnance pour la réalisation d'un Echo Doppler à la recherche d'une thrombose veineuse. Mais, il avait gardé cette ordonnance dans la mémoire de son ordinateur, ne la remettant pas au patient car, il prévoyait de le revoir au bout de 48 heures et de le diriger, à ce moment-là, vers un cabinet d'imagerie médicale.
En fin d'après-midi, une infirmière venait au domicile du patient faire l'injection d'Innohep®3500 prescrite par le généraliste. Au décours de l'injection, le patient faisait un malaise qualifié de "vagal" par l'infirmière.
Le lendemain matin, le patient faisait un nouveau malaise alors qu'il se trouvait assis sur le canapé en train de regarder la télévision. Malgré l’intervention rapide des pompiers, le patient ne pouvait être réanimé.
L'autopsie concluait à "Embolie pulmonaire massive trouvant son origine dans une thrombose veineuse des deux veines poplitées, prédominant à droite, avec des caillots adhérents à la paroi."
La leçon à tirer du décès de ces deux jeunes patients est que, si l'on évoque le diagnostic de phlébite, "( ...) L’urgence est de mettre en route un traitement anticoagulant à dose efficace, l'Echo-Doppler viendra ensuite (...)", comme le concluait l'un des commentaires suscités par le cas clinique "Suspicion de phlébite du membre inférieur chez un patient de 24 ans", publié en 2017. |