Retard de césarienne

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Retard de césarienne suite à des dysfonctionnements multiples de l'équipe médicale

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Patiente âgée de 31 ans (née en mai 1975), enceinte d’une deuxième grossesse qu’elle découvre à 5 mois et demi (début octobre 2006). Première grossesse terminée par une césarienne pour stagnation de la dilatation. Une échographie réalisée par l’obstétricien (32 SA) montre une présentation en siège complet...

  • Sage-femme
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 13/07/2017

Cas clinique

  • 22 SA : la patiente est prise en charge par un obstétricien en clinique : échographie et bilan sanguin.
  • Le suivi de la grossesse était sans particularité en dehors de la découverte d’une anomalie de l’hyperglycémie provoquée (1,84 g/l) qui faisait l’objet d’une consultation d’endocrinologie puis d’une surveillance simple. Il n’était, toutefois, pas prescrit de contrôle du groupe sanguin, ni de recherche d’agglutinines lors de cette première consultation.  
  • 32 SA : échographie réalisée par l’obstétricien le 30 novembre montrant une présentation en siège complet, prescription d’un pelviscanner et un Doppler.  
  • Lors de l’examen du 4 décembre, la présentation étant toujours en siège, une césarienne prophylactique vers 39 SA, soit le 15 janvier 2007, était programmée. Une consultation d’anesthésie et un contrôle du groupe sanguin étaient apparemment prévus dans la première semaine de janvier 2007.  
  • Le 11 décembre, la patiente consultait à la clinique pour des douleurs péri-ombilicales. L’examen clinique montrait « un col perméable à un doigt, tonique et une présentation basse, appliquée ». L’enregistrement ne montrait pas de contraction. L’obstétricien appelé par la sage-femme pour confirmer les données de son examen, autorisait la patiente à regagner son domicile, avec la consigne de « faire au plus vite le Doppler et le pelviscan et de contrôler le groupe ». Il notait dans le dossier : « attention car siège ; si mise en travail et siège, césarienne car utérus cicatriciel ».   
  • Le 20 décembre, l’obstétricien recevait le compte-rendu de la pelvimétrie qui montrait un bassin rétréci.  
  • Le 31 décembre, à 01h55, la patiente se présentait à la clinique en raison d’une rupture spontanée de la poche des eaux survenue à 0h30, accompagnée de rares contractions. Elle était reçue en salle d’examen par une des deux sages-femmes de garde qui confirmait la rupture des membranes (le liquide amniotique était clair), notait des contractions utérines irrégulières et un rythme cardiaque fœtal (RCF) normal. La présentation de siège était vérifiée à l’échographie. La patiente était alors perfusée et les examens complémentaires manquants étaient prélevés dont une deuxième détermination de groupe sanguin (la carte de groupe sanguin de la patiente était dans le dossier mais elle ne comportait pas de seconde détermination du groupe).  
  • 02h05, la sage-femme avait appelé l’obstétricien de la patiente qui ne répondait pas.  
  • 02h10, elle prévenait l’anesthésiste de garde de l’admission de la patiente et l’informait de la nécessité de réaliser la césarienne prévue mais celui-ci refusait de césariser sans résultat du bilan sanguin. Bien qu’étant sur place, il ne se déplaçait pas pour examiner la patiente et remplir un dossier d’anesthésie.  
  • 02h15, le standard de la clinique appelait un taxi pour acheminer les prélèvements sanguins au laboratoire annexe de la clinique où ils étaient réceptionnés vers 02h45 (le laboratoire de la clinique fermant à partir de 20h).  
  • 02h20, la sage-femme rappelait l’obstétricien de la patiente qui ne répondait toujours pas. Elle téléphonait alors à l’obstétricien de garde qui lui confirmait que l’obstétricien de la patiente était absent et lui indiquait être prêt à pratiquer la césarienne dès que celle-ci serait possible.  
  • 0h45, la sage-femme lisait sur l’ordinateur connecté au laboratoire que les prélèvements étaient en cours de traitement. Elle en informait l’anesthésiste qui lui indiquait que le bloc opératoire serait prêt à 04h00. Elle transmettait cette information à l’obstétricien de garde ainsi qu’au pédiatre.  
  • 02h55, la patiente appelait la seconde sage-femme de garde car elle ressentait des contractions douloureuses et régulières, toutes les 5 minutes. Le col était dilaté à 4 cm, le liquide amniotique clair et le RCF normal. Elle prévenait l’anesthésiste de garde qui refusait d’intervenir sans bilan sanguin. Ultérieurement, la sage-femme indiquait ne pas avoir été d’accord avec cette décision mais qu’elle n’avait rien dit.  
  • 03h05, le résultat de la numération et des plaquettes s’affichait sur l’ordinateur (ceux du groupe sanguin et du temps de Quick n’étaient disponibles qu’à 04h04, soit plus d’une heure après la réception des prélèvements). A 03h10, survenait un ralentissement du RCF variable, profond, d’une durée de 3 minutes, descendant jusqu’à 70 b/min. La sage-femme notait alors une latéro-incidence du cordon.  
  • 03h30, la patiente appelait de nouveau la sage-femme, car les contractions utérines s’intensifiaient avec une envie de pousser. A l’examen, le col était dilaté à 8 cm et la présentation en siège était fixée.  
  • 03h34, bradycardie à 58 b/min en rapport avec la procidence du cordon. La sage-femme essayait mais en vain de refouler la présentation pour lever cette compression du cordon. Elle faisait appeler très rapidement l’anesthésiste en salle de travail. La seconde sage-femme tentait de joindre, sans succès, à trois reprises l’obstétricien, mais celui-ci ayant anticipé l’horaire était déjà en route, dans sa voiture. La première sage-femme décidait de transférer rapidement la patiente au bloc opératoire. Tandis qu’elle refoulait toujours le siège, c’est le mari de la patiente qui portait sa femme du lit au brancard dans le couloir. Puis celle-ci était descendue par l’ascenseur du troisième étage où était située la salle de travail jusqu’au bloc opératoire au rez-de-chaussée. Ce transport aurait duré 5 minutes et l’arrivée de la patiente au bloc opératoire était notée à 03h55. La sage-femme déclarait avoir perçu les battements au niveau du cordon à l’arrivée au bloc mais qu’ils avaient diminué progressivement et qu’elle ne les sentait plus au moment de l’incision.  
  • L’obstétricien arrivait à 04h00, le pédiatre à 04h05 mais pas l’aide opératoire. A l’arrivée de l’obstétricien, l’anesthésiste procédait à l’induction d’une anesthésie générale qui se déroulait sans complication. L’incision avait lieu à 04h12 ; l’extraction était décrite comme difficile et, à 0h20 naissait un enfant de 2240 g en état de mort apparente, immédiatement confié au pédiatre. Mais les tentatives de réanimation s’avéraient vaines et le décès était déclaré constant à 04h40.

 Assignation déposée en juin 2008 par les parents de l’enfant décédé en réparation de leur préjudice

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

Jugement

Expertise (novembre 2008)

 

Les deux experts, l’un gynéco-obstétricien et l’autre anesthésiste, estimaient  que  « (…) L’indication de césarienne était formelle chez cette patiente en raison d’un utérus cicatriciel, d’une présentation en siège, d’un bassin rétréci et  d’une rupture prématurée de la poche des eaux  à 8 mois + 7 jours. C’était, à juste titre, que, l’obstétricien qui avait suivi la grossesse, avait programmé une césarienne systématique, prévue le 15 janvier 2007. L’absence du bilan sanguin que la patiente devait faire début janvier avait retardé la pratique de la césarienne qui était justifiée dès l’admission de la patiente. A 03h, heure d’entrée en travail de la parturiente, la césarienne était impérative en raison de l’impossibilité d’accoucher par voie basse liée au bassin rétréci, des risques de rupture utérine en rapport avec la précédente césarienne et  de procidence du cordon sur une présentation en siège. Les sages-femmes  avaient  immédiatement averti l’anesthésiste de cette entrée en travail. Mais celui-ci   avait refusé d’endormir la patiente sans résultat du bilan sanguin. Ce refus était fautif car il s’agissait d’une césarienne urgente. L’obstétricien avait  été informé de ce refus par la sage-femme. Il était  à noter qu’à aucun moment, l’anesthésiste et l’obstétricien ne s’étaient  entretenus   du cas de la patiente. La sage-femme avait diagnostiqué une latéro-incidence  à 03h10. Pour sauver l’enfant, l’intervalle de temps entre le diagnostic de latéro-incidence et l’extraction devait  être inférieur à 30 minutes. La bradycardie extrême pré-mortem, à 58 b/min, était survenue à 03h30 et l’enfant était né à 04h20 , soit 50 minutes plus tard. Le retard de la pratique de la césarienne était en rapport direct et certain avec le décès fœtal in utero. Une césarienne décidée à 03h aurait permis d’extraire un enfant vivant.

 

 L’anesthésiste s’était enfermé dans une attitude dogmatique : la nécessité d’un bilan sanguin avant toute anesthésie obstétricale. Conscient des délais que demandaient ces examens, il n’avait pas recherché l’avis de l’obstétricien quant à leur compatibilité avec la situation obstétricale. En outre, il n’avait pas su reconnaître dans les informations données par les sages-femmes, l’urgence à césariser.

 

L’obstétricien  informé par la sage-femme de l’admission de la patiente, avait demandé à césariser dès que possible. Ses soins avaient été consciencieux, attentifs et conformes aux règles de l’art.

 

Les sages-femmes avaient  surveillé la patiente sans interruption. Elles avaient informé les médecins de l’évolution de la situation. Elles avaient diagnostiqué  la latéro-incidence du cordon et pratiqué les gestes recommandés pour diminuer la compression du cordon. Leurs soins avaient été consciencieux et conformes aux règles de la science médicale (…) ».

Les experts relevaient également une organisation défaillante de la clinique pour les urgences, notamment dans le fonctionnement de son laboratoire qui fermait le soir, obligeant à adresser les prélèvements par taxi vers un autre site. Le retard dû à cette organisation défaillante a participé au retard à césariser.

 

 

Tribunal de grande instance (TGI) (mai 2011)

 

Les juges ne retenaient pas les conclusions expertales  dans leur  totalité. Ils estimaient que  « (…) La situation de la parturiente, telle que décrite par les experts comme pouvant  conduire à tout moment à une césarienne « en catastrophe », imposait à l’équipe médicale et, en premier chef à l’obstétricien et à l’anesthésiste, un minimum de diligence pour être en mesure d’intervenir le plus rapidement possible. L’anesthésiste, pourtant présent dans la clinique et n’ayant pas d’autre activité, ne s’était pas déplacé au chevet de la patiente pour réaliser une consultation d’anesthésie et consulter son dossier. Il n’avait pas  pris conscience de  l’urgence obstétricale, pourtant clairement identifiée par les sages-femmes. Il ne pouvait ignorer  qu’une césarienne en extrême urgence était possible, sinon probable, le temps passant. En outre, la décision de l’anesthésiste de n’intervenir qu’à 04h, avait été aggravée par l’attitude de l’obstétricien qui, sans autre urgence, avait  laissé la parturiente sous la seule surveillance des sages-femmes alors qu’il s’agissait d’un accouchement  anormal et à risque. Non seulement, il était absent au début pour mesurer l’évolution de la situation obstétricale mais son arrivée au bloc à 04h05  avait retardé la prise en charge urgente alors que le reste de l’équipe, dont l’anesthésiste, était  prêt à 03h40. Les deux médecins  n’avaient pas, en outre, pris le temps  de discuter des problèmes posés par l’accouchement de cette patiente (...) » Les magistrats concluaient à un dysfonctionnement de l’équipe médicale. Ils retenaient aussi  l’organisation défaillante du laboratoire de la clinique telle que relevée par les experts.

 

Au total, le tribunal décidait  un partage de responsabilité entre l’obstétricien de garde (60%), l’anesthésiste (25%) et la clinique (15%).

 

Indemnisation de 60 000€.

2 Commentaires
  • LA PREVENTION MEDICALE . 28/02/2017

    Réponse à Michel N : Les éléments fournis n’ont qu’une valeur pédagogique et ne sauraient être utilisés pour un autre usage. Ils sont totalement anonymisés, en lien, temps, et personnes.
    Certes les sources proviennent de dossiers réels de contentieux aujourd’hui clôturés, de même que les expertises et les jugements. Mais leur mise en forme pour l’objectif pédagogique d’un site obéit à des règles de synthèse et de simplification. Ce travail éditorial obligatoire peut parfois gommer certains détails.
    Mais peu importe au lecteur ce qui a été gommé, et l’exactitude stricte ou pas par rapport au réel; on n’est pas devant un tribunal, mais dans la fourniture d'un cas clinique de travail pour susciter des apprentissages de sécurité du patient aux professions concernées.
    Il faut prendre l’histoire telle qu’elle est racontée, et s’en servir dans son unique logique pédagogique.

  • MICHEL N 21/02/2017

    Bonjour
    Votre dossier comporte des erreurs, inexactitudes graves qui rendent l'analyse impossible; j'aimerai savoir quells sont vos sources
    Merci

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