Non-respect d'un mandat d'expertise

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Non-respect d'un mandat d'expertise : le vétérinaire condamné, l'éleveur indemnisé

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  • Elevage de canards

Il ne s’agit pas cette fois d’un cas tiré d’une activité de soins du vétérinaire mais d’une activité de conseil technique (expertise vétérinaire amiable), type d’activité pour laquelle le praticien rural est souvent sollicité.

L’événement indésirable est ici constitué par la mise en cause des moyens du diagnostic vétérinaire.

Auteur : Michel BAUSSIER, Docteur vétérinaire / MAJ : 22/12/2020

Cas clinique : mort de canards en salle de gavage

  • Une entreprise d’élevage de canards gras a eu à déplorer au cours d’un mois d’été la perte de 67 canards, morts en salle de gavage, « concomitamment à un fort coup de chaleur ». Ce risque étant couvert par un contrat d’assurance, l’éleveur déclare le sinistre à son assureur et conserve les cadavres en vue d’une autopsie.
  • L’assureur mandate un vétérinaire aux fins d’expertise amiable : il lui demande expressément de se rendre sur les lieux de l’exploitation, lui spécifiant que les dommages étaient « visibles au domicile ».
  • Le vétérinaire ne s’est pas rendu sur les lieux, n’a pas autopsié de cadavres, et a rapidement remis à son mandant un rapport écrit écartant le coup de chaleur et donc la prise en charge du sinistre par l’assurance en concluant à la mort par péritonite infectieuse sur la base d’informations transmises par le vétérinaire traitant de l’exploitation et sur la base de la consultation de fiches de saisies à l’abattoir d’autres canards du même éleveur pour la même période.
  • Il est mis en cause par l’éleveur pour avoir réalisé un diagnostic vétérinaire sans avoir accompli la mission qui lui était confiée conformément à la demande de son mandant et il est assigné - ainsi que l’assureur - devant le juge de proximité. Il est également mis en cause devant la chambre de discipline de l’ordre des vétérinaires.
  • Dans ce contexte conflictuel, l’assureur change de pied et indemnise alors l’éleveur. Cela ne met pas pour autant un terme à la procédure.
  • L’éleveur qui a obtenu la condamnation du vétérinaire par les chambres de discipline de l’ordre pour manquement déontologique, n’a obtenu aucun dédommagement supplémentaire du tribunal – son préjudice matériel ayant déjà été indemnisé et son prétendu préjudice moral n’ayant pas été reconnu - le tribunal lui a par ailleurs conservé la charge des dépens de justice. Le vétérinaire avait cependant été reconnu fautif par la juridiction civile (voir attendu infra).

L’événement indésirable est ici constitué par la mise en cause extrêmement vindicative des moyens du diagnostic vétérinaire, dans un contexte où l’avis technique issu du diagnostic ne fut pas celui espéré par l’éleveur. Il est par ailleurs très hautement probable que le diagnostic émis par le praticien était le bon diagnostic et que l’avis était celui à donner. Il ne suffit pas d’avoir raison sur le fond, il faut aussi respecter la forme et être vigilant sur les moyens.

Analyse des causes

Nature de la cause

Faits en faveur de cette analyse

Contribution relative

 Défauts de compétences techniques

NON, praticien assurément compétent et qui avait manifestement compris que le sinistre était une tentative d’escroquerie à l’assurance

NEANT

Défauts de compétences non techniques

Défaut de rigueur juridique : ne pas se déplacer pour aller constater la mort des volatiles (et faire des observations nécropsiques sur place) alors que la mission le prévoyait

TOTALE

Analyse détaillée selon la méthode des Tempos

Extrait du jugement

« Il y a lieu en conséquence de considérer que le Docteur X, en s’abstenant de procéder à tout examen ou analyse sur les animaux décédés sur l’exploitation, et en établissant des conclusions tirées d’un raisonnement par analogie ou extrapolation, a commis une faute à tout le moins de négligence résultant de ce défaut de diligences ; qu’elle est de nature à engager tant sa responsabilité civile délictuelle que celle de son mandant la compagnie d’assurances Z à l’égard de Y (l’éleveur)… »

Propositions d'actions préventives

Lire attentivement les termes d’une mission amiable et s’y conformer.

Si elle pose en soi problème, il faut contacter le mandant, éventuellement demander sa modification. Sinon elle doit être exécutée dans la forme requise.

Se former aux bases du droit et à l’expertise vétérinaire :

  • notamment auprès de l’Association Francophone des Vétérinaires praticiens de l’Expertise (AFVE), 
  • en suivant le DE de droit et d’expertise vétérinaire de L’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse, 
  • en suivant les formations organisées par les OVT (AFVAC, AVEF, SNGTV), 
  • en lisant régulièrement la presse professionnelle vétérinaire.

Bibliographie

• AFVE, ouvrage collectif sous la direction du Dr Vre Alain GREPINET. Colloque AFVE avril 1993, Ecole nationale vétérinaire de Lyon. L’expertise des animaux morts. 117pp.
• BRIEND-MARCHAL A., Oun-Tat TIEU – Précis de droit vétérinaire. LEH Edition, 2017.
• COTTEREAU Ph. – Vétérinaire, Animal et Droit. 3 tomes. Animal Totem Distribution, 2003.
• GREPINET A. –La responsabilité du vétérinaire (ouvrage collectif). Collection Droit, Editions du Point Vétérinaire, 1992.
• LA SEMAINE VÉTÉRINAIRE - Les responsabilités du vétérinaire. Hors-série au numéro double 1264-1265 des 7 et 14 avril 2007.
• LA SEMAINE VÉTÉRINAIRE - Vos Droits, Responsabilités : évitez les embûches. Hors-série n°9, 23 décembre 2011.
• LA SEMAINE VÉTÉRINAIRE - Obligations et responsabilités du vétérinaire. Hors-série 7 janvier 2011.
• LEGEAY Y. – Notion de responsabilité, généralités. La responsabilité civile professionnelle des vétérinaires. UV N96 : Législation professionnelle vétérinaire, 2016.
• RICHIARDI E. – La faute professionnelle du vétérinaire praticien. Thèse de doctorat vétérinaire, Toulouse, 2011.
• TIPY F. – La responsabilité des vétérinaires. Institut des assurances de Bordeaux, 1993.

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