Comment hospitaliser les animaux de compagnie en sécurité

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Hospitaliser un animal, c’est le garder en continu dans l’établissement de soins vétérinaires (ESV) pour des soins nécessités par son état. L’hospitalisation peut être de quelques heures, pendant la période d’ouverture de l’établissement (hospitalisation de jour) ou plus longue, englobant jours et nuits.

Cette hospitalisation ne va pas sans risques propres. Il s’agit de les prévenir. 

Auteur : le Dr Michel Baussier, Docteur vétérinaire / MAJ : 11/02/2022

Quels sont les risques inhérents à l'hospitalisation des animaux ?

Un premier risque est la fuite de l’animal : il s’échappe de la clinique. Il peut alors être blessé ou tué sur la voie publique, il peut aussi occasionner un accident.

Les risques pour l’animal dus aux soins eux-mêmes au cours de la phase d’hospitalisation ne sont pas propres à l’hospitalisation mais ils sont accrus en cas d’hospitalisation. La question de sa surveillance, essentiellement pendant les heures de fermeture de l’établissement, est prégnante.

Les risques appréhendés par le propriétaire - presque toujours anxieux en la circonstance - sont liés à sa perte de contrôle direct sur son animal. Il lui faut un surcroît de confiance dans le vétérinaire et son équipe. On retrouve ici les classiques griefs sur le caractère discontinu de la surveillance, voire sur l’insuffisance réelle de surveillance. Les risques pour l’auxiliaire spécialisé vétérinaire (ASV) ne sont pas spécifiques à l’hospitalisation. 

Tous les risques précédemment cités sont in fine des risques pour le vétérinaire. Un désaccord peut se développer avec le client. Sa responsabilité civile professionnelle (RCP) et sa responsabilité dite disciplinaire (déontologique) sont les plus fréquemment mises en cause mais sa responsabilité pénale est sans doute appelée à être de plus en plus souvent soulevée, compte tenu des progrès du statut de l’animal dans le droit, ceux acquis et ceux vraisemblablement à venir. 

Seule la prévention de tous ces événements en tant qu’événements indésirables, notamment d’événements indésirables graves (EIG) nous intéresse ici. 

Pour prévenir tous ces risques, il faut d’une part connaître et appliquer des règles, d’autre part satisfaire à des obligations de moyens. Cela signifie : disposer de moyens adaptés et mettre en œuvre de bonnes pratiques.

Quelle origine pour ces règles ?

Les règles ont trois principales sources :

  • Le Code de déontologie vétérinaire et l'arrêté relatif aux catégories d'établissements de soins vétérinaires (ESV).
  • Les cahiers des charges des ESV établis par le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires (CNOV).
  • La jurisprudence de la Cour de cassation établie en matière de responsabilité civile professionnelle (RCP).

Une première source dans le Code de déontologie vétérinaire

A l’hospitalisation d’un animal on peut rattacher quelques obligations déontologiques. Les règles de bonnes pratiques professionnelles sont mises en exergue dès les tout premiers articles du code.

Le vétérinaire veille à définir avec précision les attributions des ASV qui interviennent sur les animaux hospitalisés. Mais pas seulement ! Le code impose de former le personnel aux règles de bonnes pratiques et de s’assurer qu’il les respecte. 

La notion d’information claire et préalable sur les prestations concerne pleinement l’hospitalisation, notamment les conditions de la surveillance de l’animal en dehors des heures d’ouverture de l’établissement. L’information sur le coût doit être préalable, c’est ce qu’on appelle l’information précontractuelle. La mise à disposition d’informations trouve à s’appliquer au cas de l’hospitalisation.

La notion de consentement éclairé relève maintenant aussi de la déontologie : la notion d’explications utiles est primordiale, dans le but d’obtenir un consentement du client. Le consentement doit avoir été parfaitement éclairé. 

Il faut toujours répondre aux demandes sur l’évolution de l’état de santé de l’animal hospitalisé, sur le coût évolutif de cette hospitalisation… Il s’agit alors de l’information dite contractuelle.

Le vétérinaire doit assurer la continuité des soins aux animaux qui lui sont confiés, tels les animaux hospitalisés. 

Le code définit enfin les catégories d’ESV et surtout renvoie à un arrêté d’application en ce qui concerne les conditions spécifiques applicables. 

Une source essentielle dans l'arrêté définissant les ESV

Cet arrêté du 13 mars 2015 relatif aux catégories d’établissements de soins vétérinaires est un texte important à considérer pour le sujet de l’hospitalisation qui nous intéresse ici :   

Il y est disposé que les précautions nécessaires pour isoler les animaux contagieux doivent être prises. Parmi les nombreuses exigences minimales listées en fonction des appellations, exigences en termes de locaux, de matériels, de modules d’activités, de personnels et d’horaires d’ouverture, beaucoup ont une incidence directe ou indirecte sur l’hospitalisation. Il existe notamment un module hospitalisation. Il n’y a en réalité que le cabinet vétérinaire "simple" (par opposition au cabinet vétérinaire médico-chirurgical) qui soit dispensé de ce module. 

L’arrêté prévoit qu’en sus des exigences minimales, il existe des exigences spécifiques en termes de compétences, locaux et matériels en fonction des espèces, définies dans des cahiers des charges établis et publiés par le CNOV. 

L’arrêté dispose aussi sur la formation continue des vétérinaires : les conditions d’hospitalisation des animaux bénéficient logiquement de ses apports. C’est de toute manière une obligation déontologique. Elle est imposée dans les cahiers des charges. C’est un facteur de compétence technique mais également, compte tenu des formations proposées, un facteur de compétences dites non techniques, en matière de management des équipes par exemple ou bien encore de communication. La formation est un facteur de sécurisation de l’hospitalisation.

Cet arrêté revient aussi sur les conditions générales de fonctionnement des établissements de soins vétérinaires (CGFESV) que les titulaires de l’ESV ont la charge d’établir et qu’en vertu du Code de déontologie ils ont à porter à la connaissance du client. Cela concerne au plus haut point l’hospitalisation, notamment quant aux conditions de surveillance de l’animal. Concept issu de la directive services, c’est un puissant moyen de prévention des désaccords, en amont d’un éventuel contrat de soins écrit qui, le plus souvent, dès lors ne s’impose plus.

Les CGFESV promeuvent l’information du consommateur, ici le propriétaire de l’animal. Références écrites pour l’obtention du consentement éclairé, elles tiennent lieu de preuve en cas de désaccord ultérieur. D’où l’intérêt de bien les établir et les mettre à la disposition du public. Ressenties comme des contraintes, elles sont à transformer en atout. Sur le site du CNOV, une trame facilite leur élaboration. 

Le local d’hospitalisation, local dédié, doit répondre aux exigences du module hospitalisation (équipé du matériel adapté aux espèces soignées) et à celles figurant dans le cahier des charges de l’établissement concerné. Dans tous les cas, il y a un point d’eau. L’oxygénothérapie est prévue. Le local d’hospitalisation comprend au minimum une salle, deux dans le cas d’un CHV ; souvent il y a exigence d’une zone de soins attenante. Le local d’isolement des contagieux est spécifiquement prévu dans le cas du CHV.

Des règles progressivement construites par la jurisprudence des tribunaux

Parmi les règles établies par la jurisprudence des tribunaux et de la Cour de cassation en matière de RCP, certaines peuvent concerner l’hospitalisation de l’animal.

Ne pas perdre de vue l’article 1240 du Code civil : "Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".

Au sein du contrat de soins tacite (voire écrit), le vétérinaire est tenu à une obligation de moyens, celle de donner des soins consciencieux, attentifs, conformes aux données acquises de la science. En matière de surveillance des animaux hospitalisés, la notion de soins consciencieux et attentifs est infiniment prégnante. Cette notion renvoie à celle de continuité des soins.

L’autre règle établie avec force par la jurisprudence civile, pas forcément bien comprise ni bien vécue encore par tous les confrères, est celle de l’obligation d’information :

  • obligation d’information précontractuelle, à la base du consentement éclairé, notion reprise maintenant par notre Code de déontologie ; obligation à laquelle les CGFESV aident grandement à répondre ; obligation qui peut être avantageusement complétée, au moins dans certains cas, par un véritable contrat écrit de soins ; cette obligation de moyens a en quelque sorte les caractéristiques d’une obligation de résultat puisque la charge de la preuve que l’information a été donnée incombe au praticien ;
  • obligation contractuelle d’information au cours des soins, notamment pour informer des modifications susceptibles d’intervenir par rapport aux prévisions, compte tenu de l’évolution de l’état de santé de l’animal.

Enfin, s’agissant de l’hospitalisation, il faut avoir présent à l’esprit que les obligations liées à la garde juridique de l’animal (fuite et accidents causés à l’animal, accidents causés par l’animal) sont des obligations de résultat.

Une vieille jurisprudence des chambres de discipline

Il y a tout un "passif" disciplinaire de la surveillance de l’animal hospitalisé. Pendant 25 ans, il y a eu un assez grand nombre d’affaires au sujet de la surveillance de l’animal hospitalisé lors de la fermeture de l’établissement. Ces affaires ont pu nuire, en leur temps, à l’image associée à la notion de clinique vétérinaire. Des décisions disciplinaires ont été prises, avec pratiquement toujours la condamnation des confrères.

Aujourd’hui, le Code de déontologie et ses textes d’application, beaucoup plus clairs, donnent au vétérinaire les moyens de prévenir ces désaccords et litiges. Tout réside dans la transparence de l’information, avec le concours des CGFESV.

Le contrat de soins tacite doit être établi de façon franche et loyale. Il peut être avantageusement complété par des documents écrits et même un véritable contrat de soins écrit.

Les CGFESV et le contrat de soins écrit

Généralement ce contrat de soins écrit ne porte pas spécialement sur l’hospitalisation mais il la concerne forcément, directement ou indirectement.

Le contrat de soins est un moyen utile de prouver a posteriori le consentement. Mais il est ou doit être aussi et d’abord un moyen d’informer, d’éclairer.

Il n’est pas indispensable dans tous les cas, il est utile lors d’intervention importante, d’hospitalisation longue, de coût élevé, de client difficile… L’écrit ne dispense jamais de l’oralité de l’échange préalable.

Le contrat de soins n’est qu’un complément utile. Cependant, penser au contrat de soins écrit sans avoir mis à disposition de ses clients les CGFESV est tout simplement mettre la charrue devant les bœufs.

Dans une majorité de cas, les CGFESV éviteront le recours au contrat écrit, source de formalisation des rapports pouvant contribuer à leur déshumanisation par une altération de la confiance mutuelle.

On trouvera sur le site du CNOV, dans les ressources documentaires et après accès réservé aux vétérinaires, un exemple de contrat de soins.

Des cas plus particuliers...

Lors de chimiothérapie anticancéreuse il y a une nécessaire hospitalisation de l’animal avec des conditions contraignantes. Voir à ce sujet le guide réglementaire des bonnes pratiques d’emploi des médicaments anticancéreux en médecine vétérinaire et en particulier sa fiche technique n° 11. Ce guide est accessible sur le site du CNOV, en accès réservé aux vétérinaires.

La physiothérapie a fait son entrée en force dans les établissements de soins vétérinaires. Elle peut constituer une forme d’hospitalisation de jour. Voir à ce sujet sur le site ordinal l’annexe aux cahiers des charges et voir aussi le dossier technique spécifique. Dans tous les cas il y a exigence d’une pièce indépendante et des exigences minimales en appareils.

A retenir

En conclusion, pour hospitaliser en sécurité, c’est-à-dire pour prévenir les risques liés à l’hospitalisation, il faut :

  • de bons équipements, de bons matériels ; 
  • une bonne formation initiale et continue du vétérinaire et de l’ASV ; 
  • des compétences techniques ; 
  • des compétences dites non techniques ; 
  • un bon management des équipes avec  une bonne communication interne (bonne transmission des informations) ; 
  • une bonne information du propriétaire de l’animal (son information claire, transparente, complète) dans le but d’obtenir son consentement  (véritablement) éclairé, notamment sur la surveillance ; 
  • une bonne compréhension et une bonne pratique du contrat tacite de soins dans une médecine vétérinaire partenariale ; une utilisation complémentaire de l’écrit (CGFESV et contrat de soins écrit) qui ne saurait dispenser de l’oralité préalable de l’échange ; 
  • l’acquisition d’une culture de la qualité et de la sécurité des soins.
 
Cet article est l'adaptation d'une conférence prononcée en décembre 2021 au congrès AFVAC à Bordeaux.

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