Plaie du pied par port de chaussures neuves chez un diabétique : amputation de jambe

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Plaie du pied par port de chaussures neuves chez un diabétique : amputation de jambe - Cas clinique

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Les conséquences dramatiques d'une surveillance et d'un traitement inadaptés chez un patient diabétique...

  • Médecin
Auteur : Catherine Letouzey / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • En 2006, chez un patient de 61 ans, était découvert un diabète déjà compliqué, à cette date, d’une neuropathie et d’une atteinte artérielle caractérisée par l’absence de pouls pédieux et tibiaux postérieurs. Selon son médecin traitant, des mesures hygiéno-diététiques associées à la prise d’Avandamet® avaient permis d’équilibrer ce diabète (en février 2007, hémoglobine glyquée à 6%).  
  • Le 9 octobre 2007, le patient constatait une « petite lésion » du pied gauche provoquée par le port de chaussures neuves. Mis en garde par son médecin, il consultait ce dernier dès le lendemain. Celui-ci constatait une plaie d’un orteil gauche « non inquiétante » pour laquelle il prescrivait des soins locaux (Betadine® et tulle gras). En raison d’une infection bronchique dont s’était plaint le patient au cours de la même consultation, il complétait l’ordonnance par la prescription de Clamoxyl® et d’ibuprofène.
  • Lorsque le patient reconsultait le 20 octobre, l’évolution n’était pas satisfaisante, avec une plaie suintante et un œdème du pied remontant jusqu’au bas de la jambe. Le médecin prescrivait de l’Oracilline® (10 millions/j) et la poursuite des soins locaux par Betadine® et bains avec une solution de permanganate de potassium.   
  • Une nouvelle consultation était prévue pour le 24 octobre. A cette date, le patient disait avoir informé son médecin que son pied dégageait une odeur nauséabonde et qu’il avait changé de couleur, mais ce dernier estimait que cette coloration violette était due au produit utilisé pour les soins locaux. De l’Innohep® (0,8 ml/j) était prescrit.  
  • Le 25 octobre, par téléphone, l’épouse du patient prévenait le médecin que les autocontrôles capillaires de glycémie pratiqués quotidiennement avant les repas,qui étaient habituellement aux environs de 1,10 /1,20 g/l, s’élevaient progressivement à 2,00 puis 2,60 g/l. Le traitement par Avandamet® était renforcé par l’adjonction de Novonorm®.  
  • Le 26 octobre, altération brutale de l’état général avec fièvre à 39 °C. Appel du médecin de garde qui posait le diagnostic de « gangrène » et prescrivait une hospitalisation d’urgence en clinique.  
  • Lors de l’admission, le 27 octobre à 09 h 20 , il était noté : « …Homme de 62 ans. Diabète non insulinodépendant. Défaut d’hygiène. Plaie du 3ème orteil gauche mal soignée depuis 15 jours. Ce jour, nécrose du 3ème orteil gauche. Erysipèle ( ?) du membre inférieur gauche. Pouls poplité, pédieux et tibial postérieur gauches non perçus. Fièvre à 39 °C malgré Oracilline®… » Un traitement associant Rocéphine®, Gentamycine® et Flagyl® était institué.   
  • Le 28 octobre, le chirurgien de la clinique posait le diagnostic de fonte purulente de l’avant- pied (GB : 26 000/mm3) et décidait d’intervenir, après la réalisation d’un écho-doppler artériel. Ce dernier mettait en évidence « une bonne perméabilité des axes iliaque, fémoral superficiel et poplité bien que légèrement diminuée avec occlusion tibiale postérieure et occlusion péronière, seule l’artère tibiale antérieure étant perméable ». L’intervention avait lieu le 31octobre et consistait en « une amputation de jambe gauche transtibiale avec recanalisation de l’artère péronière ».Le prélèvement effectué lors de l’admission isolait un colibacille multisensible et celui réalisé en per opératoire, un staphylocoque résistant à la pénicilline mais sensible aux autres antibiotiques. Les suites opératoires étaient simples sous antibiothérapie avec cicatrisation rapide.  
  • Sortie de clinique le 14 novembre avec prise en charge en hospitalisation à domicile.  
  • Après l’utilisation de deux prothèses provisoires, une prothèse définitive était mise en place en octobre 2008.

Assignation du médecin généraliste par le patient en réparation du préjudice qu’il avait subi (août 2009).

Analyse

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Jugement

Expertise (mars 2010)

 

L’expert, médecin généraliste, assisté d’un sapiteur infectiologue, confirmait le diagnostic d’infection profonde du pied diabétique (grade 4 , selon la classification internationale). L’artériopathie, dont le patient était atteint, expliquait probablement l’évolution rapide de l’infection, mais l’absence de mise en décharge était aussi un facteur déterminant. L’antibiothérapie  n’avait pas été  adaptée et la prescription d’ibuprofène était  contre-indiquée en cas d’infection cutanée. Surtout, dès le 20 octobre, un avis spécialisé voire une hospitalisation aurait été nécessaire. Néanmoins, il n’y avait pas d’arguments formels pour affirmer que, dans ces conditions, l’évolution de l’infection aurait pu être modifiée et l’amputation évitée, compte-tenu de l’état circulatoire antérieur  chez ce patient diabétique. Perte de chance d’éviter l’amputation  estimée à 40 %.

 

Tribunal de Grande Instance (février 2013)

 

Se fondant sur le rapport d’expertise, les magistrats estimaient que le médecin traitant avait commis des fautes engageant sa responsabilité. Ils  évaluaient la perte de chance du patient d’éviter le dommage survenu  à 40 %.

 Indemnisation de 146  120 €  dont 11 390 € pour les organismes sociaux.