Tous les points de contrôle attendus pour préparer une intervention chirurgicale sont réputés essentiels pour garantir un niveau de sécurité optimal, et ce, quel que soit le secteur d’activités. Dans ce cas clinique, les conséquences de l’utilisation d’un instrument défectueux seront maîtrisées, mais les risques liés à cette vulnérabilité peuvent être potentiellement graves.
Madame L., 84 ans, est amenée aux urgences par les pompiers dans les suites d’une chute à son domicile (elle a trébuché sur son chien couché à ses pieds). Elle se plaint d’une vive douleur au niveau de la cuisse.
Elle est prise en charge rapidement par un médecin urgentiste qui l’examine, ne retrouve pas de déformations du membre inférieur, observe un hématome au niveau du quadriceps. Il demande alors la réalisation d'une radiographie des 2 membres inférieurs et un bilan sanguin, avec notamment la mesure du taux d'hémoglobine et un bilan d'hémostase. Dans ses antécédents, on note un accident ischémique transitoire (AIT), avec mise en place d’un traitement préventif par anti-agrégant plaquettaire (Kardégic®).
Au retour du service d'imagerie médicale, le diagnostic d'une fracture périprothétique peu déplacée (prothèse totale de hanche – PTH) est objectivé. La numération formule sanguine (NFS) montre une anémie à 9,5 g/dl. Un avis orthopédique est demandé. Ce dernier valide l'hospitalisation en service de chirurgie et demande que soit réalisé un scanner pour compléter le bilan lésionnel afin de mieux caractériser le type de fracture et ainsi déterminer le type de traitement chirurgical à réaliser.
La patiente est transférée en chirurgie orthopédique, le scanner demandé est réalisé le jour même, Ce second examen montrera que l’implant fémoral de la PTH est toujours bien intégré à l'os. Le chirurgien propose alors de pratiquer une ostéosynthèse par plaque. Cette indication est acceptée par la patiente et un de ses enfants, désigné personne de confiance.
L’intervention chirurgicale aura lieu le lendemain après-midi, après validation de la consultation préanesthésique. Cet acte chirurgical se déroulera sans problème particulier sur table orthopédique.
Une radiographie de contrôle de site opératoire est réalisée le lendemain matin et montre la présence d'un corps étranger métallique en regard de la cicatrice. Il s’agit d’une vis de pince gouge (objet métallique de petite taille) qui a servi à régulariser l’os afin de mieux positionner la plaque d’ostéosynthèse. Ce point est objectivé par le signalement fait par le service de stérilisation lors du reconditionnement de la boîte d’instruments : pince gouge cassée à remplacer. La vis d’assemblage des 2 mors est vraisemblablement tombée dans le champ opératoire lors de l’intervention chirurgicale.
La patiente est avertie de cette découverte, et celle-ci demande que le corps étranger soit retiré. Le chirurgien explique que cette ablation n’est pas forcément nécessaire. Elle entend les arguments du praticien et demande à réfléchir.
Finalement, la vis de la pince sera retirée 4 jours plus tard dans le contexte d’une reprise chirurgicale pour infection de site opératoire. La patiente verbalisera sa conviction d’un lien de cause à effet entre la perte de ce fragment métallique et la complication infectieuse.
Le chirurgien orthopédique rédige une déclaration d'événement indésirable.
L’exploitation de cette fiche par le groupe de professionnels chargé de la veille "sécurité des soins" se traduit par la décision de rechercher les causes qui ont conduit à cet incident, les comprendre et trouver éventuellement des actions correctrices à mettre en place pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise.
Une analyse de risque a postériori est donc réalisée.
La méthode ALARM est retenue.
Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs qui ont généré l’oubli du corps étranger métallique sont recherchés.
Le corps étranger métallique a été mis en évidence lors de la réalisation de la radiographie de contrôle, réalisée le lendemain de l'intervention chirurgicale.
Les organisations de travail, qui permettent les modes dégradés répétés, génèrent les situations à risques pour le patient. Ce constat posé, il convient de les repérer… Ils appartiennent à la grande famille des signaux d’alerte dits faibles…
L’analyse d’un événement indésirable montre souvent que ces signaux faibles étaient présents, depuis longtemps, et que la vigilance des professionnels de santé était en sommeil.
Pour ce cas clinique, les suites de cet événement indésirable sont simples, mais imaginons la casse d’un instrument au moment d’un temps opératoire sensible avec des conséquences irréversibles…
Tous les professionnels de santé ont un rôle important dans les organisations en santé. Il convient de prendre le temps de l’expliquer, pour donner du sens aux différentes étapes d’un process de soins.