Identitovigilance et examens de laboratoire

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Identitovigilance et examens de laboratoire

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Les mouvements des patients lors des soins sont à surveiller avec vigilance afin d’éviter toute erreur d’identité lors de la réalisation des soins.

Ce retour d'expérience montre l'intérêt du respect des procédures et l'importance de bien communiquer en équipe.

Auteur : Bruno Frattini, Expert en prévention des risques MACSF, Cadre supérieur de santé / MAJ : 07/10/2020

Présentation du contexte et de la problématique

Monsieur P. est adressé par son médecin traitant pour altération de l’état général (AEG) au centre hospitalier dans lequel il est suivi pour un cancer du pancréas, avec métastase hépatique. Ce malade est sous traitement anticoagulant, par un médicament de la classe des anti-vitamines K (AVK).

Il est accueilli aux Urgences à 11 h 33. Il est installé dans le box 8 au fond du secteur. L’examen clinique et l’interrogatoire sont effectués immédiatement. Une série d’examens biologiques est prescrite à 11 h 50.

Les prélèvements sont réalisés à 12 h et envoyés au laboratoire immédiatement.

Les tubes de sang sont enregistrés au laboratoire à 12 h 25.

Lors de la pose de la voie veineuse périphérique, une mesure de l’hémoglobine par prélèvement micro capillaire (HEMOCUE) est effectuée et trouve un résultat à 5,2 g/dl. Le médecin urgentiste décide qu’une transfusion de 2 concentrés de globules rouges (CGR) sera nécessaire, prépare la prescription et précise à l’infirmière en charge de Monsieur P. d’attendre le résultat du laboratoire pour traiter la demande.

Au vu de la situation de soins complexes, l’équipe paramédicale décide d’installer le patient au box 3, permettant une surveillance par monitorage multiparamétrique.

Un autre patient, Monsieur Y. est installé dans le box 8 à 12 h 35.

Le résultat de la numération formule sanguine de Monsieur P. arrive rapidement aux urgences par le biais du logiciel du laboratoire interfacé au dossier patient informatisé et confirme l’anémie avec un taux d’hémoglobine à 5,4 g/dl.

L’infirmière envoie donc rapidement la demande de produits sanguins au laboratoire en charge du dépôt de sang de l’établissement, reçoit les 2 CGR et débute la transfusion sanguine conformément à la procédure institutionnelle à 13 h 15.

Vers 13 h 55, le patient étant stable et ne devant bénéficier que d’une surveillance clinique et paraclinique, elle confie le patient à une collègue après avoir réalisé les transmissions ad hoc et prend le temps d’aller déjeuner.

A 13 h 45, le médecin biologiste informe par téléphone le médecin prescripteur des urgences que le taux d’hémoglobine est de 5,4 g/dl (résultat pathologique) mais que le tube pour l’hémostase est mal rempli, et donc à reprélever. Il demande alors aux infirmières présentes de reprélever le patient au box 8. C’est Monsieur Y. qui va bénéficier de cet examen biologique.

Un deuxième hémocue est réalisé à 14 h 45, après la transfusion du premier CGR : le résultat est de 5,6 g/dl. Le médecin en charge de Monsieur P. cherche les résultats de l’hémostase en consultant l’application logicielle ad hoc, et constate leur absence. Il appelle le laboratoire pour faire part de son exaspération devant leur absence. On lui précise alors qu’il n’y a pas eu de prélèvement sanguin réceptionné au nom de Monsieur P. depuis l’alerte téléphonique.

Il s’inquiète alors auprès de l’infirmière à qui il avait demandé de procéder au nouveau prélèvement d’hémostase et l’infirmière comprend alors que c’est Monsieur Y. qui a été prélevé et non Monsieur P.

Un nouveau prélèvement est donc réalisé en urgence : le résultat donne un TP inférieur à 10 et un INR supérieur à 8, traduisant un surdosage en AVK.

Une injection de vitamine K sera prescrite, ainsi que l’administration de 3 autres CGR. Un transfert sera organisé en unité de surveillance continue.

Les autres examens ont permis de diagnostiquer une hémorragie digestive haute lors d’une gastroscopie en urgence. Le traitement médicamenteux mis en œuvre permettra de juguler cette hémorragie et de maintenir un taux d’hémoglobine à 9,8 g/dl.

Méthodologie et analyse succincte de cette problématique

L’équipe médicale et la cadre du service ont souhaité une analyse de cette erreur d’identitovigilance dans le cadre d’une démarche de gestion des risques car, dans un autre contexte, les conséquences auraient pu être plus graves pour le patient.

Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de ce patient.

Recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier.

Cause immédiate

C’est le praticien urgentiste qui détecte la non-réalisation de l’exploration de l’hémostase.

Causes profondes

 

La prise en charge de ce surdosage en AVK a été retardée de plusieurs heures.

Les conséquences pour le patient sont néanmoins minimes, mais il est important de comprendre les barrières qui ont été déficientes.

Barrière qui a détecté l'incident

Récupération : c’est le praticien urgentiste qui, ne voyant pas les résultats de l’hémostase demandés, détecte l’erreur.

Barrières qui n'ont pas fonctionné et qui ont permis l'incident

> Récupération  

Ni l’infirmière qui a prélevé le patient ni le médecin prescripteur n’ont pensé à consulter les résultats du LAM, ce qui aurait permis d’alerter sur la non-réalisation de l’examen et de réagir plus vite. On peut noter que la charge de travail du moment était très importante.

> Prévention

  • Pas de test organisé sur le nouveau matériel potentiel qui permettrait de faire une évaluation pour vérifier son adéquation par rapport aux besoins.
  • Pas de séance de formation/information lors de la mise en œuvre des nouveaux dispositifs médicaux, ce qui aurait permis aux soignants de repérer immédiatement les tubes insuffisamment remplis et donc non conformes pour un dosage réalisé dans les meilleurs délais.
  • Pas de respect de la procédure et culture de l’identitovigilance au sein de ce service de soins.
  • Pas de signalement des erreurs d’identité au sein du secteur, ce qui aurait permis une sensibilisation aux erreurs d’identitovigilance et un réajustement potentiel des pratiques.

On retiendra de cette analyse deux causes principales au retard de prise en charge de ce surdosage en AVK :

  • un prélèvement sanguin non conforme aux bonnes pratiques dans un contexte de matériel nouveau mis en œuvre au sein de la structure ; 
  • un process d’identitovigilance non respecté par les acteurs de santé concernés par le deuxième prélèvement.

Les pistes de réflexion et/ou d’amélioration

Rappel des bonnes pratiques d’identitovigilance (ce moment d’informations/formation est particulièrement important au sein de ce secteur de soins) :

  • Du fait du nombre important de patients accueillis tous les jours et en sachant que le service des urgences est une porte d’entrée pour l’établissement.
  • Du fait des investigations et des traitements parfois lourds à mettre en œuvre chez des patients.

Les pratiques d’identitovigilance au sein du service :

  • Identifier les patients par leur nom et non par leur localisation géographique (rappel de la procédure d’identification des patients).
  • Toutes les prescriptions doivent être écrites (rappel procédure).
  • Contrôle de la validation des résultats par le médecin.

La visibilité des patients dans le service des urgences :

  • Développement d’une visionneuse de présence des patients, accessible sur tous les ordinateurs du service, pouvant évoluer en fonction du parcours clinique des malades.
  • Mais également installation d’un grand écran au poste central du service pour une vision permanente de la présence des patients dans un local souvent utilisé pour la transmission d’informations importantes.

Le matériel de prélèvement :

  • Le point fait sur les actions de formation pour ce nouveau matériel montre qu’un nombre conséquent de personnels n’en a pas bénéficié : à réajuster, notamment pour le mode opératoire (remplissage des tubes).

Conclusion

Une analyse qui met une nouvelle fois en évidence l’intérêt d’une approche systémique pour une problématique qui, au départ, pouvait sembler simple et, au final, des causes multiples sont détectées, qu’il convient de corriger pour éviter une répétition de ce type d’erreur.

Il est intéressant de se poser la question, quand deux risques sont en concurrence, lequel peut être le plus contributif à la survenue d’un accident . Dans ce cas, le risque confidentialité a primé sur le risque d’erreur d’identité alors que les conséquences sont sans commune mesure.