Retour d'expérience : erreur d'identité pour un prélèvement sanguin chez une parturiente

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Retour d'expérience : erreur d'identité pour un prélèvement sanguin chez une parturiente

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  • prélèvement sang, erreur

Mme S., 37 ans, enceinte au terme de 40 semaines et 2 jours d'aménorrhée, primipare, est admise en salle de naissance d'une maternité pour un début de travail.

  • Paramédical
Auteur : Bruno FRATTINI / MAJ : 17/06/2020

Présentation du contexte

23h30 : les contractions sont espacées toutes les 6 à 7 minutes, et l'examen fait par la sage-femme, à son arrivée, objective un col court, dilatable à 2-3 cm. Elle est donc installée dans une salle de travail.

Le monitorage du rythme fœtal est mis en place et montre une fréquence cardiaque normale. La sage-femme en charge de la parturiente consulte alors son dossier médical, et constate l'absence de la carte de groupe sanguin (une seule détermination dans le dossier).

Les prélèvements sanguins sont réalisés lors de la pose de la perfusion par l'IDE affectée au secteur naissances : il est demandé une deuxième détermination et une recherche d'agglutines irrégulières. Ces derniers sont acheminés au laboratoire d'analyses médicales de l'établissement.

La parturiente souhaite pouvoir bénéficier d'une analgésie péridurale. Le médecin anesthésiste de garde est alors appelé, et une péridurale est installée. 20 minutes plus tard, la patiente est bien soulagée puisqu'elle cote sa douleur à 0.

L'évolution du travail n'appelle pas de commentaire particulier ; le deuxième examen obstétrical réalisé vers 00h30 montre un col totalement effacé, une dilatation à 3-4 cm, une présentation céphalique en OIGA (Occipito-Iliaque Gauche Antérieur). La surveillance du rythme fœtal ne montre pas d'anomalies.

00h45 : appel du technicien de laboratoire de garde. Ce dernier signale que la deuxième détermination demandée pour Mme P. ne correspond pas à la première. Il demande à ce que l'on prélève de nouveau la patiente. La sage-femme en charge de Mme P. est alors prévenue. Elle est surprise, car elle n'avait pas demandé de deuxième détermination puisque la carte de groupe sanguin dans le dossier de Mme P. est valide (deux déterminations récentes, et réalisées dans le laboratoire de l'établissement).

Parallèlement, la sage-femme en charge de Mme S. demande les résultats des prélèvements envoyés une heure auparavant. Le technicien de laboratoire lui annonce alors qu'il n'y a pas de prélèvements enregistrés au nom de cette patiente.
L'équipe de salle de travail comprend alors qu'il y a eu un mauvais étiquetage des tubes envoyés au laboratoire.

De nouveaux prélèvements sont réalisés, les résultats de la deuxième détermination confirment ceux de la première. La carte de groupe sanguin est validée.

Conséquences

Cet incident a eu comme conséquences :

- un retard dans la réalisation du bilan sanguin, sans conséquence pour la prise en charge de la parturiente,
- un bilan supplémentaire générant un surcoût pour l'établissement,
- une explication « délicate » à donner à la parturiente,
- une clarification entre les membres de l'équipe du jour, car il existe une situation conflictuelle.

Méthodologie et analyse

Cet incident a été signalé par le technicien de laboratoire, par le biais d'une déclaration d'événement indésirable dématérialisée. La responsable du Laboratoire d'Analyses Médicales et la responsable du service d'Obstétrique ont demandé à la gestionnaire de risques de procéder à une analyse de cette situation pour comprendre

L'objectif de ce retour d'expérience est de comprendre les mécanismes constitutifs de l'événement et éviter que cela ne se reproduise dans l'avenir.
Une analyse de risque a postériori est donc réalisée.

Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes constitutives seront recherchés. La méthode ALARM est retenue.

  • Les facteurs contributifs discutés en équipe 

Facteurs liés aux patients :

La parturiente a eu une grossesse sans particularité. Elle ne présente aucun antécédent médical et chirurgical. Ce qui peut expliquer en partie qu'elle n'a pas bénéficié d'un groupage sanguin.
Elle a toujours été très rigoureuse dans l'observance des consignes données, mais jamais vraiment actrice dans le suivi de sa grossesse.

Facteurs liés aux tâches à accomplir :

La procédure d'identitovigilance est opérationnelle dans l'établissement.
Les vérifications d'identité font partie des fondamentaux de tous les métiers du soin. Les personnels impliqués dans l'incident et interrogés sont tous parfaitement conscients de l'importance de ce pré-requis.

Tous les moyens nécessaires à l'accomplissement de la tâche étaient présents, disponibles et opérationnels (édition étiquettes patient).

La procédure institutionnelle veut que ce soit l'agent administratif en charge de l'accueil qui enregistre le séjour de l'entrante et qu'il édite une série d'étiquettes. Après analyse des éléments recueillis lors des entretiens, il s'avère qu'il y a eu une erreur lors de l'impression de la planche d'étiquettes. La Sage Femme qui a inséré les étiquettes dans le dossier n'a pas vérifié la concordance. L'IDE qui a réalisé les prélèvements n'a pas procédé aux contrôles ad'hoc lors de l'étiquetage des tubes prélevés.

Facteurs liés à l'individu (professionnel impliqué) :

Les 3 personnes qui ont participé à la prise en charge de la parturiente connaissent tous parfaitement la procédure d'identitovigilance institutionnelle :
- l'agent administratif,
- la Sage Femme,
- l'Infirmière Diplômée d'Etat.

Seule l'IDE précise que la charge de travail du moment était lourde.

Facteurs liés à l'équipe :

Les membres de l'équipe soignante sont des professionnels qui travaillent dans ce secteur depuis plusieurs mois, et qui connaissent les organisations, les procédures et les locaux.
La communication entre soignants est décrite comme de bonne qualité. Aucun élément pouvant nuire à la qualité relationnelle dans l'équipe n'a été relevé.
Les transmissions ont été réalisées ; le contexte de la patiente était parfaitement connu de tous.
La sage-femme a demandé à l'IDE de réaliser les prélèvements sanguins et lui a donné la planche d'étiquettes patiente. Elle avait à suivre deux parturientes en travail, et la tâche demandée était dans le cadre des compétences reconnues d'une IDE.
L'équipe était au complet (en adéquation avec les effectifs validés par les schémas d'organisation).

Facteurs liés à l'environnement de travail :

La salle de travail est dimensionnée conformément aux décrets de périnatalité (nombre de salles d'accouchement/nombre d'accouchement). Lors de l'incident, plusieurs parturientes étaient accueillies, et la charge de travail était importante.
Le système d'information est en place depuis plusieurs années, et notamment le logiciel gérant les identités patients. Tous les professionnels le connaissent. Un défaut de maîtrise ne peut être envisagé.

Facteurs liés à l'organisation et au management :

La procédure identitovigilance est connue de tous.
La procédure de prise en charge des parturientes dans le dernier trimestre de la grossesse veut que la carte de groupe sanguin soit valide après la consultation du 8° mois. L'analyse du dossier montre que lors de cette consultation, il n'a pas été prescrit de deuxième détermination. L'absence de carte de groupe sanguin lors de son admission en salle de travail et au terme de 40 semaines et 2 jours d'aménorrhée a obligé à un mode dégradé.

Facteurs liés au contexte institutionnel :

Cet établissement de santé est organisé pour prendre en charge ce type de pathologie.

  • En résumé : les facteurs contributifs suivants sont retenus

- Une carte de groupe sanguin non valide après la consultation du 8° mois, contrairement à la procédure de prise en charge des parturientes,
- Une procédure d'identitovigilance non respectée par 3 professionnels de santé :
o Lors de l'enregistrement de la parturiente,
o Lors du classement de la planche d'étiquettes dans le dossier,
o Lors de la réalisation du prélèvement sanguin.

Les pistes de réflexion et/ ou d'amélioration

L'analyse de cette situation a conduit les professionnels médicaux et paramédicaux à réfléchir sur les points suivants :

  • La charge de travail n'est pas un élément retenu pour expliquer le non respect des règles élémentaires d'identitovigilance.  
  • Lors de la réunion de restitution de cette analyse à l'ensemble de l'équipe, les acteurs de santé ont souhaité que cet incident soit communiqué à l'ensemble de l'équipe pour permettre une sensibilisation générale.  
  • Les procédures étant opérationnelles au sein de la structure, une veille a été décidée pour dénombrer le nombre de détermination de groupe sanguin réalisée à l'entrée des parturientes en salle de travail, et d'en comprendre les raisons.  
  • Une check list a été réalisée pour vérifier la présence des différents éléments du dossier présent dans le dossier à 37 semaines d'aménorrhée.

Conclusion

Dans cet exemple concret, l'analyse montre que 3 barrières de récupération, pourtant organisées, n'ont pas été respectées.

3 professionnels de santé différents ont fait la même erreur et surtout aucun d'entre eux n'a pu en expliquer les raisons.

L'erreur humaine reste une vraie vulnérabilité dans les systèmes complexes. Il convient de rester vigilant et accepter le double contrôle pour valider une action de soins.