Les patients doivent être identifiés comme population à risque de burnout. Cet état d’épuisement psychologique s’explique essentiellement par leur exposition aux effets du stress liés à leur prise en charge. Les malades touchés par ce burnout doivent être détectés pour permettre une évaluation de la situation et déterminer les actions qui seraient propices à le diminuer.
Cet article reprend une idée assez innovante d’Albert Wu, une des plus grandes signatures sur les questions d’erreur, de médecin seconde victime, et du burn-out (Wu 2025).
Le burn-out est défini comme un syndrome en lien avec le produit d’un stress ressenti au travail produisant un débordement émotionnel, une dépersonnalisation et perte de valeur, un sentiment de travail inachevé. Il touche - à des degrés de sévérité diverses - jusqu’à 50% des professionnels selon les études et affecte sérieusement la Qualité des soins, la relation du colloque singulier avec le patient, et in fine s’associe à de moins bons résultats cliniques.
On s’interroge peu sur le patient dans cette approche du burn-out et pourtant on devrait.
Pour commencer, il est stressant d’être malade, de ne pas comprendre les causes, d’être inquiet des conséquences, de constater possiblement une amélioration trop lente…
L’accès (parfois, … ou souvent) difficile au médecin pour obtenir des réponses à ses questions et plus généralement pour effectuer une navigation efficace dans le système de soin aggrave cette situation en apportant de l’insécurité.
La question est même plus large avec un choix de professionnels souvent limité (il faut faire avec celui qui est disponible quel que soit le "fit" qu’on a avec lui…).
Une fois le rendez-vous obtenu, la déception avec le professionnel est parfois patente, visite rapide, technique mais assez impersonnelle, avec un médecin en retard, pressé, avec peu de contacts "les yeux dans les yeux", où les aspects privés sont souvent peu écoutés.
L’appel téléphonique pour obtenir un renseignement ou la réponse à des messages restent eux aussi aléatoires dans nos systèmes surchargés.
Pire aux États-Unis, les pré-autorisations préalables de prise en charge sont de plus en plus fréquentes et longues à obtenir, certes bien intentionnées sur leur fondement (vérifier la pertinence, éviter des soins inutiles), mais finalement vécues comme un obstacle, motivant parfois des renoncements aux soins.
Pire encore, certaines de ces autorisations données au départ, sont déniées et non remboursées après l’acte chirurgical parce que le patient n’a pas suivi l’intégralité du protocole (un simple spray en plus ou en moins peut susciter ce défaut de remboursement).
Tous ces facteurs provoquent des formes authentiques de burn-out des patients, qui finissent par abandonner leur quête d’information, se replier dans un fatalisme, se démotiver sur leur propre cas.
Des enquêtes de satisfaction auprès des assurances aux États-Unis mettent ce facteur lassitude et fatalisme en avant pour 58% des patients, en se plaignant aussi d’un silotage accru du système médical (plus de 50% des patients de plus de 60 ans sont suivis indépendamment dans des silos pour au moins deux pathologies chroniques – par exemple diabète et hypertension).
Les enquêtes aux États-Unis révèlent que cette situation résulte, dans 17% des cas, des patients renonçant à avoir des soins pourtant recommandés, 15% qui se voient décliner faute d’une bonne prise en charge, avec le sentiment pour 28% de payer plus (d’assurance) qu’ils ne tirent de bénéfice du système de soin.
Des recherches sont encore nécessaires pour ralentir l'évolution négative des effets démoralisateurs sur les patients.
Aux États-Unis, on commence à avoir çà et là un service de "conciergerie" qui se met en place pour aider les patients à accéder aux soins, à trouver un rendez-vous, mais évidemment, ces services coûtent et sont plus réservés aux patients les plus aisés.
L’intelligence artificielle pourrait être plus accessible à tous via des serveurs téléphoniques, proposant une aide à accéder aux soins. Ce sera à voir dans les mois ou années qui viennent.
Reste un immense effort à faire pour mieux coordonner les silos, mieux coordonner les agendas de rendez-vous au profit des patients, mieux partager l’information, voire mieux aider les patients dans leurs tâches administratives requises par exemple pour tous les dossiers d’autorisation préalables de soins.
Les groupes de patients "aidants" pourraient aussi apporter une contribution positive aux plus isolés et démotivés.
Pour Aller plus loin
Wu A. Patient burnout : A smoldering threat to patient safety and healthcare quality, Journal of patient safety and risk management, Volume 30, Issue 1, 2025, on line first
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