Les articles scientifiques publiés commencent à se multiplier sur les lois en cours de vote et les effets des énormes coupes budgétaires décidées par le nouveau gouvernement du président Trump sur la santé (Galewitz 2025, Sanger 2025). Les conséquences se lisent déjà dans plusieurs secteurs, y compris dans des pays limitrophes.
Une grave crise des maladies transmissibles émerge en Amérique du Nord, au moment même où les réponses des systèmes de santé canadiens sont entravées par le démantèlement des infrastructures de santé publique et de recherche aux États-Unis. Les attaques coordonnées contre les institutions de santé américaines par le bureau exécutif du pays ont considérablement réduit leur capacité à collecter, interpréter et partager des données au service de la santé publique. Cette situation coïncide avec une propagation inquiétante de maladies transmissibles nouvelles et existantes sur l'ensemble du continent, y compris au Canada. Des articles récents ont mis l'accent sur des agents pathogènes spécifiques et préconisent le renforcement de la surveillance des maladies transmissibles et de la capacité d'intervention de la santé publique au Canada. Le Canada doit s'attaquer à ces deux problèmes.
Les taux de syphilis et de VIH ont si fortement augmenté au Canada, sans parler de la rougeole, qu’ils atteignent maintenant dans la seule province de l'Ontario la valeur mesurée pour l'ensemble des États-Unis depuis février 2025.
Le bétail est abattu dans tout le pays en raison de la grippe aviaire. Les transmissions verticales d'infections ont également augmenté de manière substantielle, chacune constituant une tragédie évitable. De 1993 à 2004, seuls 1 à 4 cas de syphilis congénitale étaient signalés chaque année au Canada ; de 2018 à 2023, plus de 50 cas ont été signalés chaque année. On s'attend également à une augmentation des taux de tuberculose résistante aux médicaments, d'hépatite B et d'Oropouche importée.
Le démantèlement des institutions de santé américaines comprend :
Ces coupes affectent les essais précliniques canadiens pour traiter les filovirus (par exemple, le virus Ébola) qui dépendent de l'importation d'anticorps générés par des scientifiques américains travaillant dans des laboratoires financés par les NIH. Ces actions posent des risques immédiats et à long terme pour la santé des pays voisins et pour la santé mondiale.
L’action du nouveau gouvernement américain est aussi symbolique avec sa volonté de retrait de l’OMS (Yamey 2025) et la pression sur les journaux prestigieux comme le New England Journal of Medicine pour ne pas publier d’articles à charge contre les décisions gouvernementales ou citant des relations de cause à effet directes des mesures engagées (Loois 2025).
Les programmes de suivi des menaces de pandémie et d'atténuation de la propagation croissante de maladies telles que la grippe aviaire et le VIH sont décimés, ce qui affectera en retour très vite la fiabilité des données disponibles pour l'estimation à long terme des tendances et la planification de la réponse, en plus du coût humain.
Les gouvernements canadiens devraient donner suite aux appels lancés de longue date pour renforcer les systèmes de surveillance de la santé au Canada afin de mieux soutenir les actions de santé publique et de soins de santé au niveau national.
L'interopérabilité nationale et l'échange de données entre les dossiers médicaux électroniques, les dossiers de santé électroniques et les systèmes d'information hospitaliers doivent de plus en plus être soutenus sous l'égide du Comité pancanadien de surveillance de la santé (CPSS) et de la Commission européenne.
La question d’équité doit être traitée en parallèle dans les systèmes de surveillance sur la base de descripteurs démographiques, sociaux, économiques ou géographiques.
Le Canada peut également s'efforcer de mieux respecter les obligations du Règlement sanitaire international de l'Organisation mondiale de la santé en clarifiant les taux nationaux de couverture vaccinale et en suivant les schémas de résistance aux antimicrobiens. Il est essentiel d'aborder les déterminants structurels de la santé en collaborant avec les communautés pour concevoir ensemble des interventions efficaces.
L'enquête nationale canadienne de suivi sur la santé 2025 montre qu'en 2023, 43% des canadiens étaient très susceptibles de croire à la désinformation, tandis qu'une autre tranche de 35% était modérément susceptible, avec des conséquences évidentes sur la confiance du public dans les médecins et les choix personnels préjudiciables à la santé de la population.
La nomination par l'administration Trump à des postes d'autorité de personnes laissant la désinformation s’installer et discréditant publiquement les institutions nationales de santé ajoute aux effets de la désinformation existante. On ne s’étonnera pas que les personnes vivant au Canada soient vulnérables au passage transfrontalier non seulement de micro-organismes, mais aussi d'attitudes, de désinformation en matière de santé et d'exposition à des médias américains biaisés.
On comprend que le Canada n'a pas de contrôle sur la situation au sud de la frontière, mais il est possible de renforcer la capacité nationale à gérer les maladies transmissibles en optimisant la collecte de données et le partage interprovincial des informations nécessaires à cette fin.
Pour aller plus loin
Tackling communicable disease surveillance and misinformation in Canada - CMAJ
NEJM the latest journal to receive letter from Trump appointed attorney asking about bias - BMJ
Healths news frim NRP 5 ways Trump's megabill will limit health care access - NPR
G.O.P. Bill Has $1.1 Trillion in Health Cuts and 11.8 Million Losing Care - New York Times
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