Diagnostic de gastro-entérite aiguë… en l’absence de diarrhée

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Diagnostic de gastro-entérite aiguë… en l’absence de diarrhée

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  • Une infirmière regarde la perfusion d'une patiente âgée à l'hôpital - La Prévention Médicale

Le processus de diagnostic nécessite un ensemble complexe de tâches pour arriver à une conclusion clinique, souvent synonyme de traitement médical et/ou chirurgical. Les erreurs sont possibles et l’assurance de l’observance des conseils donnés par le patient doit permettre de les récupérer.

Auteur : le Dr Christian Sicot - Président d'honneur de la Prévention Médicale - Ancien chef de service de Réanimation et de Médecine d'Urgences / MAJ : 17/11/2025

Cas clinique

Une femme de 66 ans contacte son médecin traitant pour des vomissements assez importants. Comme elle ne peut pas se déplacer, il lui fixe un rendez-vous pour le lendemain.

Le lendemain – J1 - la patiente, ayant vomi toute la nuit et ne pouvant venir au cabinet de son médecin,  fait appel au médecin généraliste de garde… À son arrivée, elle explique qu’elle ne peut pas se lever, qu’elle vomit "non-stop" nuit et jour. Elle précise qu’elle a une hernie abdominale et demande si cela peut avoir un rapport avec ces vomissements. Il répond  juste  : "vous êtes la troisième personne de la journée que je vois pour une gastro".

La patiente confirme un tableau de vomissements depuis trois jours. Elle précise dans ses antécédents une hernie opérée. À l'examen, la tension artérielle est bonne ainsi que la fréquence cardiaque. Il n'y a pas de signes de décompensation cardio-respiratoire.

Au niveau abdominal, il n’est pas retrouvé de défense abdominale, juste un inconfort. Les orifices herniaires sont libres, il n'y a pas de syndrome appendiculaire. Pas de signes fonctionnels urinaires. Il n'y a pas d'urgence chirurgicale retrouvée. Le diagnostic évoque une symptomatologie de gastro-entérite virale. Il est prescrit un traitement symptomatique associant du Motilium®, du Spasfon®, du Doliprane® et du Tiorfan®... Il est précisé à la patiente de prendre son traitement et de reconsulter s'il y a une aggravation des symptômes.

J8 : devant la persistance des symptômes, la patiente appelle de nouveau son médecin traitant qui lui envoie son remplaçant. À l’examen, ce dernier conclut à une suspicion de syndrome occlusif sur étranglement herniaire (hernie inguinale gauche) et prescrit un scanner abdomino-pelvien en urgence.

L’examen d’imagerie médicale est réalisé le jour même ; il met en évidence : 
"Une nette distension de l’intestin grêle, en amont d'une anse grêlique étranglée, incarcérée au niveau d'une hernie inguinale gauche, nécessitant en urgence une prise en charge en milieu chirurgical".

La patiente est conduite au centre hospitalier proche de son domicile où elle est opérée dans l’après-midi.

L’intervention chirurgicale consiste en la mise en place par cœlioscopie d’une prothèse non résorbable.

J19 : la patiente regagne son domicile.

J22 : la patiente est réhospitalisée pour une infection du site opératoire. La réintervention met en évidence une péritonite dont l’origine est une nécrose d’une frange épiploïque sans souffrance digestive. Il est réalisé un lavage-drainage de la cavité abdominale avec résection de la frange épiploïque nécrosée, réalisation de prélèvement bactériologique, dépose de la prothèse et mise en place d’une prothèse résorbable de VICRYLTM.

J32 : Sortie de la patiente du centre hospitalier.

Cette intervention chirurgicale est à l'origine d'une nouvelle complication, à savoir une hernie de paroi qui sera traitée ultérieurement.

Assignation devant le tribunal judiciaire par la patiente du médecin généraliste et du centre hospitalier.

Expertise

Pour l’expert (chirurgien digestif)

"(…) Le médecin généraliste de garde a commis une erreur de diagnostic. Son traitement était inadapté. La prescription d’anti diarrhéique est incompréhensible alors qu'il n'y a pas diarrhée. Une décision d’avis chirurgical en urgence aurait dû être faite. Mais il a précisé qu’en cas de non-amélioration, la patiente devait reconsulter.

Concernant la prise en charge chirurgicale et les hospitalisations au centre hospitalier, l’ensemble des actes effectués est justifié, aucune erreur n’a été commise dans les traitements et une surveillance efficace a été exercée.

L'infection postopératoire n'est pas due à l'intervention chirurgicale. Lors de celle-ci, il n'y a pas de nécrose digestive, une simple ischémie avec récupération ad integrum de la viabilité de l’anse digestive herniée.

L’épiploon a vraisemblablement nécrosé par la suite, avec constitution d'un abcès.

La perte de chance pour la patiente est estimée à 75 % (…)".

Jugement du Tribunal judiciaire

"(…) C’est l’erreur de diagnostic du médecin généraliste et la prescription d’un traitement inadapté, alors qu'une décision d’intervention en urgence aurait dû être prise, qui sont responsables du préjudice de la patiente.

Le préjudice en lien causal avec cette faute s'analyse en une perte de chance de subir un traitement moins lourd, qu’il y a lieu de fixer à 75%, comme évaluée par l’expert (…)".

Commentaires

L’erreur commise par le médecin généraliste de garde est indiscutable et incompréhensible.

À sa décharge, il avait toutefois conseillé à la patiente de reconsulter dans 2 à 3 jours, en l’absence d’amélioration. Cette dernière n’a pas suivi ce conseil et n’a rappelé son médecin traitant qu’une semaine plus tard, ce qui a vraisemblablement majoré ses préjudices.
 

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