La publication des résultats Qualité et Sécurité des hôpitaux n'a pas convaincu les Allemands

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La publication des résultats Qualité et Sécurité des hôpitaux n'a pas convaincu les Allemands

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  • Les patients et le personnel médical dans un hall d'hôpital - La Prévention Médicale

En 2004 en Allemagne, une loi a imposé aux hôpitaux plus de transparence, en exigeant la publication et l’affichage public de leurs données Qualité et Sécurité. Cette obligation porte sur différents secteurs médicaux (obstétrique, chirurgie, médecine générale, autres services spécialisés…). Une équipe allemande vient de publier un article dans Health Affairs (Bayindir 2023) pour faire part d’un retour d’expérience sur ces données. 

Auteur : le Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 05/06/2023

L'objectif de ces indicateurs Qualité

Hormis le cas des hôpitaux franchement de mauvaise qualité (qui sont détectés et pris en charge par l’administration de santé via des audits, surveillance et certifications diverses), la transparence des indicateurs vis-à-vis du public pour tous les autres hôpitaux est censée poursuivre deux objectifs :

  • L'objectif de choix
    Offrir une information comparative entre établissements pour aider au choix des citoyens sur l’hôpital (l’objectif de choix).
  • L'objectif de réputation et d'amélioration continue
    Être un incitatif pour la réputation de l’établissement en motivant une amélioration continue de l’offre (l’objectif de réputation et d’amélioration continue)
     

La littérature constate que l’objectif de réputation est plus important pour les patients que l’objectif de choix.

Pourquoi ces indicateurs sont-il particulièrement importants en Allemagne ?

Pour rappel, en Allemagne : 

  • 88 % de la population est couverte à 100 % par une centaine de caisses d’assurance maladie laissées au choix des salariés, fonctionnant toutes sous tutelle publique en gérant les cotisations de ces salariés.
  • 9 % est couverte par des dispositifs privés. 
     

L’assurance est obligatoire pour tous les travailleurs et fonctionne par solidarité, sans distinction de l’état de santé de chacun, sur un modèle Bismarkien fondé sur le principe d’une cotisation en pourcentage du salaire (comme en France).

Les rentiers et les indépendants peuvent contracter à leur frais une assurance privée équivalente à celles précédentes, qui leur donne quasiment les mêmes accès et avantages que l’assurance publique.

Pendant longtemps, le système allemand de santé est resté très encadré, sans concurrence réelle entre assureurs et même sans concurrence dans l’offre de soin. La loi de 2004 a introduit une visibilité comparative sur les services offerts via la transparence sur les résultats.

L’analyse et l’étude proposée tentent de vérifier l’usage fait de cet affichage public des données.

Des résultats variables selon le niveau de concurrence des établissements

L'hypothèse générale des auteurs est qu'en absence d'incitations explicites à améliorer la qualité et de sanctions en cas de mauvaise performance, les hôpitaux utilisent les rapports publics principalement à des fins d'analyse comparative.

La qualité devient alors surtout un objet de compétition, et se décline sans doute alors avec une sensibilité différente selon l’exposition des hôpitaux à cette concurrence.

  • Les auteurs font l’hypothèse que les hôpitaux locaux, plus exposés au secteur concurrentiel de proximité, sont prêts à déployer plus d'efforts pour améliorer ou maintenir leur qualité et préserver leur classement.
  • Inversement, les grands centres régionaux, incontournables dans leur offre de soin spécialisée (ils représentent 75 % de l’offre de néonatalogie, obstétrique à risque et chirurgies complexes), seraient mécaniquement plus à l’abri des effets d'une baisse de la qualité sur leur fréquentation. Ces grands centres seraient donc plus susceptibles de passer à une catégorie de qualité inférieure, sauf motifs non financiers tels que la préservation de la réputation, qui deviendrait pour eux le seul moteur d’amélioration de la qualité.
     

Ces hypothèses sont vérifiées dans l’étude.

  • On note une tendance générale d’amélioration de la qualité pour toutes les catégories d’hôpitaux entre 2012 et 2019. Elle est particulièrement sensible pour les hôpitaux les plus mal notés, objets d’un suivi comminatoire de l’autorité de santé.
  • Les autres Hôpitaux dont la qualité était déjà au moins acceptable (selon les critères des autorités de santé) n’évoluent pas tous vers une amélioration continue.
  • Les hôpitaux locaux préservent effectivement mieux, voire améliorent sur le long terme leur niveau de qualité (par rapport aux grands hôpitaux régionaux), et ce, particulièrement pour les indicateurs de chirurgie orthopédique et d’obstétrique. Ceci confirme bien qu’ils sont sensibles à la concurrence et au classement publié sur la base de ces indicateurs publics.
  • Les grands hôpitaux, au contraire, perdent plus souvent sur 6 ans (2012-19) un cran de qualité, particulièrement pour ceux déjà excellents, surtout dans les secteurs de néonatologie et de cardiologie spécialisée où il n’y a pas de concurrence. L’analyse d’un manque de personnel associé à une augmentation de la demande de patients n’est pas conclusive. Ce manque n’explique pas à lui seul la baisse tendancielle relative de qualité de ces grands hôpitaux quand ils étaient excellents.

Que retenir ?

En résumé, dans le contexte actuel, les résultats montrent qu’un hôpital avec une qualité acceptable (au sens des autorités de santé) et qui ne fait pas face à une concurrence intense n'a aucune incitation à améliorer la qualité autre que sa motivation intrinsèque à le faire. 

Or, cette motivation intrinsèque ne semble pas être très présente.

Les auteurs constatent sur ce sujet une dissociation du discours des grands hôpitaux et de la réalité. Ces hôpitaux affichent tous dans leur discours une forte motivation intrinsèque à fournir des soins de haute qualité, mais toute passe financière difficile se traduit rapidement dans les indicateurs d'obstétrique et de néonatologie. 

Au bilan, les indicateurs de qualité sont principalement utilisés en Allemagne pour identifier les établissements peu performants. À noter que pour ces hôpitaux de mauvaise qualité, la solution allemande consiste en un accompagnement, y compris sur les moyens humains et techniques. Comparativement, la solution de certains pays (États-Unis notamment) qui imposent des sanctions financières n’apparait pas très bonne car elle aggrave les déficits, abaisse les possibilités de maintenir un filet de sécurité et intensifie les disparités en matière de santé. 

L'amélioration de la qualité grâce à des rapports hospitaliers accessibles au public et à un dialogue structuré est nettement profitable aux hôpitaux dont la qualité est inférieure à la moyenne.

Pour le reste des hôpitaux, l’amélioration de la qualité est laissée aux mécanismes du marché, qui sont inexistants pour les grands hôpitaux régionaux, mais bien présents sur les petits hôpitaux des niveaux locaux.

Dans ce contexte, s'appuyer uniquement sur les mécanismes du marché comme moyen d'améliorer la qualité n'aura probablement qu'un effet très limité sur l'amélioration de la qualité.

Pour aller plus loin
Bayindir, E. E., & Schreyögg, J. (2023). Public Reporting Of Hospital Quality Measures Has Not Led To Overall Quality Improvement: Evidence From Germany - Study examines the impact of public reporting on hospital quality measures in Germany. Health Affairs, 42(4), 566-574. Lire l'article