En 2004 en Allemagne, une loi a imposé aux hôpitaux plus de transparence, en exigeant la publication et l’affichage public de leurs données Qualité et Sécurité. Cette obligation porte sur différents secteurs médicaux (obstétrique, chirurgie, médecine générale, autres services spécialisés…). Une équipe allemande vient de publier un article dans Health Affairs (Bayindir 2023) pour faire part d’un retour d’expérience sur ces données.
Hormis le cas des hôpitaux franchement de mauvaise qualité (qui sont détectés et pris en charge par l’administration de santé via des audits, surveillance et certifications diverses), la transparence des indicateurs vis-à-vis du public pour tous les autres hôpitaux est censée poursuivre deux objectifs :
La littérature constate que l’objectif de réputation est plus important pour les patients que l’objectif de choix.
Pour rappel, en Allemagne :
L’assurance est obligatoire pour tous les travailleurs et fonctionne par solidarité, sans distinction de l’état de santé de chacun, sur un modèle Bismarkien fondé sur le principe d’une cotisation en pourcentage du salaire (comme en France).
Les rentiers et les indépendants peuvent contracter à leur frais une assurance privée équivalente à celles précédentes, qui leur donne quasiment les mêmes accès et avantages que l’assurance publique.
Pendant longtemps, le système allemand de santé est resté très encadré, sans concurrence réelle entre assureurs et même sans concurrence dans l’offre de soin. La loi de 2004 a introduit une visibilité comparative sur les services offerts via la transparence sur les résultats.
L’analyse et l’étude proposée tentent de vérifier l’usage fait de cet affichage public des données.
L'hypothèse générale des auteurs est qu'en absence d'incitations explicites à améliorer la qualité et de sanctions en cas de mauvaise performance, les hôpitaux utilisent les rapports publics principalement à des fins d'analyse comparative.
La qualité devient alors surtout un objet de compétition, et se décline sans doute alors avec une sensibilité différente selon l’exposition des hôpitaux à cette concurrence.
Ces hypothèses sont vérifiées dans l’étude.
En résumé, dans le contexte actuel, les résultats montrent qu’un hôpital avec une qualité acceptable (au sens des autorités de santé) et qui ne fait pas face à une concurrence intense n'a aucune incitation à améliorer la qualité autre que sa motivation intrinsèque à le faire.
Or, cette motivation intrinsèque ne semble pas être très présente.
Les auteurs constatent sur ce sujet une dissociation du discours des grands hôpitaux et de la réalité. Ces hôpitaux affichent tous dans leur discours une forte motivation intrinsèque à fournir des soins de haute qualité, mais toute passe financière difficile se traduit rapidement dans les indicateurs d'obstétrique et de néonatologie.
Au bilan, les indicateurs de qualité sont principalement utilisés en Allemagne pour identifier les établissements peu performants. À noter que pour ces hôpitaux de mauvaise qualité, la solution allemande consiste en un accompagnement, y compris sur les moyens humains et techniques. Comparativement, la solution de certains pays (États-Unis notamment) qui imposent des sanctions financières n’apparait pas très bonne car elle aggrave les déficits, abaisse les possibilités de maintenir un filet de sécurité et intensifie les disparités en matière de santé.
L'amélioration de la qualité grâce à des rapports hospitaliers accessibles au public et à un dialogue structuré est nettement profitable aux hôpitaux dont la qualité est inférieure à la moyenne.
Pour le reste des hôpitaux, l’amélioration de la qualité est laissée aux mécanismes du marché, qui sont inexistants pour les grands hôpitaux régionaux, mais bien présents sur les petits hôpitaux des niveaux locaux.
Dans ce contexte, s'appuyer uniquement sur les mécanismes du marché comme moyen d'améliorer la qualité n'aura probablement qu'un effet très limité sur l'amélioration de la qualité.