Cure chirurgicale d’une lithiase rénale infectée sans antibiothérapie

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Cure chirurgicale d’une lithiase rénale infectée sans antibiothérapie

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En cas d’intervention sur un foyer infectieux, il est nécessaire de maintenir une antibiothérapie efficace en pré, per et postopératoire. Tout choc septique doit être traité suivant les recommandations récentes, comme le démontre ce cas clinique dans lequel la patiente a survécu au prix d’amputations des extrémités.

Auteur : le Dr Christian SICOT / MAJ : 11/02/2022

Cas clinique

Début mai 2017, une patiente de 68 ans consulte son médecin traitant en raison de douleurs lombaires gauches, isolées, sans fièvre. Dans ses antécédents, on note : un diabète non insulinodépendant relativement bien équilibré, une obésité modérée (taille 157 cm, poids 80 kg, IMC 32,5), une HTA, une dyslipidémie, une colique néphrétique en 1976 dont la nature n'a pas été déterminée et l‘absence d'épisode d'infection urinaire. 

Les traitements pris par la patiente associent Lercan®, Inegy®, Cokenzen®, Atenolol, Metformine, Uvedose®.

Les examens prescrits par le médecin traitant conduisent au diagnostic de lithiase rénale gauche compliquée d’une infection urinaire à E. coli. 

Le 30 mai , la patiente est adressée à un chirurgien urologue qui répond au médecin traitant : "(…) Je vous remercie de m'avoir adressé Mme X. 68 ans chez qui a été découvert, de manière fortuite, suite à une infection urinaire non fébrile à E. coli, un calcul rénal gauche. Actuellement Mme X. est asymptomatique. 

L'ASP ne permet pas de visualiser le calcul. Le scanner objective un calcul de 20 mm, caliciel supérieur du rein gauche sans retentissement sur la voie excrétrice mais associé à une zone d'hypodensité parenchymateuse adjacente pouvant témoigner d'une souffrance du parenchyme rénal.

J'explique à la patiente qu'en raison de la taille de son calcul, il convient, bien évidemment, de la traiter.

Nous programmons une urétéroscopie souple gauche avec fragmentation laser du calcul pour le 10 juillet suivant. La patiente est prévenue de la possibilité de mettre en place une sonde JJ (voir note) en préopératoire et de la nécessité de mettre une sonde JJ en postopératoire ainsi que de la possibilité, en raison de la taille du calcul, de réaliser 2 séances d'urétéroscopie souple.

J'explique également à Mme X. qu'en cas de symptomatologie douloureuse, il faudra qu'elle me recontacte pour mettre en place une sonde JJ. (…)"

Le 15 juin, consultation de préanesthésie (Dr A., anesthésiste-réanimateur). Principaux antécédents rapportés : ASA 3.

Il est précisé :

  • Cefazoline® 2 g en pré-anesthésie,
  • "le matin prendre Lercan® et Atenolol", cette dernière indication n'a pas été précisée par une ordonnance, 
  • il n'y a aucune traçabilité de la gestion de la mise à jeun.

Le 17 juin, bilan sanguin : absence d'insuffisance rénale ;  leucocytes : 2 190/mm3.

Le 03 juillet, ECBU : leucocyturie 346/mm3, avec isolement d’un Proteus mirabilis 10³/ml, sensible à l'amoxicilline et à l'acide nalidixique.

Le 07 juillet, ordonnance (chirurgien) : Ofloxacine 200 mg x 2 pour 7 jours. Début du traitement.

Le 10 juillet, hospitalisation à la clinique pour une intervention dans l'après-midi. La patiente est à jeun depuis la veille.

Le matin de l'admission, elle reste à jeun sans prise d’Oflocet®. La dernière prise d’antibiotique date du 09 juillet 2017, au soir.  

Le Dr B., anesthésiste-réanimateur, a écrit "sous Oflocet® depuis 4 jours pour infection urinaire". En fait, d’après la patiente, elle n’est sous antibiotique que depuis 48 heures, la première prise d’Oflocet® datant du 07 juillet 2017 au soir. Il n'y a pas de vérification de la date de la dernière prise de l'antibiotique.

A 12 h 24, ordonnance du chirurgien (motif ? ordonnance de sortie ?) : Lercan®, Inegy®, Cokenzen®, Atenolol, Metformine mais pas de prescription d'antibiotique.

A 17 h 30, Intervention (anesthésiste : Dr B.) : pas d'antibiothérapie prophylactique.

CRO : "(…) Pyélographie : sténose infranchissable de la tige calicielle supérieure avec une lacune en son sein…. Incision à l'aide d'une fibre laser… Calcul fragmenté à l'aide d'une fibre laser… Pas de persistance de fragments lithiasiques significatifs… Aucun fragment n’a pu être retiré en raison de l'anatomie du groupe caliciel supérieur… Mise en place d'une sonde JJ (…)"

En peropératoire : PA entre 170/100 et 152/100 mmHg ; FC entre 83 et 75 /min.

De 18 h 45 à 19 h 30, en SSPI : hémodynamique stable, pas de tachycardie. 350 ml dans la poche d'urine. Sp02 93 % en air ambiant. Il n'y a pas d'administration d’antibiotique...

En chambre conventionnelle

  • A 20 h 03, PA : 200/90 mm Hg, FC : 78 /min, Température 36,3 C.
  • A 21 h 59, PA : 115/75 mm Hg, FC > 100/min. 

Nuit du 10 au 11 juillet :

  • Température : valeurs normales sauf à 02 h16, 38.3°C.
  • Tachycardie à partir de 21 h 59.
  • PA : pas de mesure entre 21 h 59 et 06 h 27.
  • A 06 h 27,  TA 80/50 mmHg. "Pose de 500 ml de Ringer". Le nom du médecin qui aurait prescrit ce remplissage n’apparaît sur aucun document.
  • Pas de mesure de Sp02 la nuit.
  • Absence de transmissions infirmières. (Notamment absence de trace d'appel du médecin d'astreinte pour signaler   l'hypotension). 

Le 11 juillet , à 07 h 54 passage du chirurgien, prescription d'un bilan biologique et d’Ofloxacine en raison de la fièvre rapportée par l’IDE. L'hypotension n'a pas été signalée par l'IDE. Le chirurgien n'a pas consulté la surveillance de la nuit, ni la diurèse.

A 08 h 30, "Sp O2 : 90 %, O2 posé"

A 10 h 36,  PA : 70/50 mmHg "état de choc... appel de l’anesthésiste".

A 10 h 45, Dr A., "Sepsis sévère à point de départ urinaire en relation avec l'acte opératoire du 10 juillet 2017".

Transfert en SSPI puis en USC. Pose d’un cathéter veineux central, remplissage vasculaire (Ringer lactate en alternance avec NaCl 9 g %, 500 ml/30 min). Antibiothérapie à large spectre (après avis infectiologue) : Tazocilline et Gentamycine.

Bilan biologique : créatinémie : 212 mg/l ; lactates : 5,8 mmol/l ;  CRP : 101 mg/l  ; GB : 16 400/mm3 ; plaquettes : 74 000/mm3 ; pH : 7,32 ; PaO2 : 76 mm Hg. Pas de prélèvements à visée microbiologique.

En raison de l’absence de remontée de la PA malgré le remplissage vasculaire, mise en place d’une perfusion de noradrénaline (0,8 µg/kg/min).

Demande de transfert par le SAMU dans le service de réanimation du Centre hospitalier.

A noter que la patiente a subi avant son transfert un TDM "sonde JJ en place et pas de collection". 

A 16 h 15,  transfert dans le service de réanimation du Centre hospitalier  par le SAMU.

Du 11 juillet au 02 août, hospitalisation en réanimation.

Résumé de sortie :

  • " (…) Choc septique d'origine urinaire, avec défaillance multiviscérale nécessitant des doses élevées de noradrénaline (1µg/kg/min) avec apparition de nécrose des extrémités. Sevrage possible de la noradrénaline le 16 juillet 2017. 
  • Détresse respiratoire (SDRA) nécessitant intubation et ventilation mécanique. Extubation possible le 29 juillet 2017.
  • Insuffisance rénale aiguë : hémodiafiltration, continue puis intermittente. Dernière dialyse le 28 juillet 2017. Persistance d'une insuffisance rénale chronique avec diurèse conservée. Créatininémie supérieure à 400 µmol/l. 
  • Antibiothérapie par Tazocilline et Gentamycine jusqu’au 22 juillet 2017. Aucun germe isolé dans les prélèvements peropératoires de la clinique, ni dans les hémocultures pratiquées en réanimation. 
  • Patiente consciente avec reprise de l'alimentation (lors de la sortie de réanimation).
  • Evolution des nécroses (sèches) : 
    • Mains : phalanges P2 P3 à droite avec atteinte du pouce, et à gauche conservation de la pince pouce-index mais atteinte des autres doigts.
    • Pieds : atteinte bilatérale localisée jusqu'aux premiers métatarsiens. (…)"

Du 2 au 22 août, transfert en Unité de Soins Continus.

Du 07 au 09 août, hospitalisation en chirurgie orthopédique :

  • Amputation au niveau de la main droite : trans PI au niveau du pouce, trans PI au niveau du 2e, du 3e et du 5e rayon et trans P2 pour le 4e rayon. 
  • Amputation au niveau de la main gauche : en trans P2 des 2e, 3e et 4e rayon. 
  • Amputation des transmétatarsiens des deux pieds. 

Le 22 août, transfert en chirurgie orthopédique : évolution cicatricielle au niveau des doigts satisfaisante. Au niveau des avant-pieds, poursuite des pansements. Appui non autorisé pour une durée de 60 jours. Douleurs de membres fantômes : antalgiques et Neurontin®

Le 05 septembre, transfert au Centre médical de convalescence.

Le 21 septembre, consultation d'urologie :

  • Sonde JJ en place.
  • Quelques fragments lithiasiques de petite taille en intra-rénal sous forme de sable, pas de macro-calcul résiduel.
  • Colonisation à Enterobacter cloacae.

Du 19 au 25 octobre, hospitalisation au Centre hospitalier :  Ablation de la sonde JJ gauche encadrée par antibiothérapie. Créatininémie :168 mg/l.

Le 25 octobre, transfert au Centre médical de convalescence.

Evaluation de la douleur neuropathique :

  • Douleur de membre fantôme dans les extrémités amputées, essentiellement des doigts, à type de décharges électriques et troubles de la sensibilité, notamment dans les doigts restants de la main gauche.
  • En fin de séjour, cicatrisation acquise des extrémités amputées des 2 avant pieds et des doigts des 2 mains, chaussage orthopédique adapté, certaine autonomie pour les actes de la vie quotidienne avec aides matérielles et humaines.
  • Tendinopathie calcifiante de l'épaule droite limitant les amplitudes : rééducation  poursuivie en externe.

Le 29 janvier 2018, suivi en néphrologie : insuffisance rénale, créatininémie 202 µmol/l. 

Le 31 janvier, retour au domicile (celui de la fille de la patiente).

Saisine de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) par la patiente pour obtenir réparation du préjudice qu’elle avait subi (mai 2018).

Expertise (février 2019)

Les experts, l’un professeur des universités, chef de service d’urologie, et l’autre, praticien hospitalier en réanimation-infectiologie estimaient que :

"(...) Le mécanisme de ce sepsis grave est complexe au plan physiopathologique. La patiente avait, avant l'intervention, une infection urinaire communautaire peu symptomatique. Le chirurgien prenant en compte les éléments dont il disposait, a prescrit un traitement antibiotique curatif adapté à la sensibilité de la bactérie isolée. Dès lors qu'il y a une colonisation bactérienne d'une lithiase, il est pratiquement impossible d'assurer une stérilisation au niveau de cette lithiase bien que les urines au cours de ce traitement antibiotique aient été stérilisées.

Lors de la fragmentation du calcul à l'aide d'une fibre laser, il est très probable que la libération des bactéries dans les urines et dans le parenchyme rénal lésé par la procédure, même si les lésions sont minimes, ait été à l'origine du sepsis grave postopératoire. Malgré la liberté des voies urinaires, et l'absence de fragments de lithiase susceptibles d'entraîner une obstruction (prévenue par la mise en place de la sonde urétérale), un sepsis grave a été enclenché par cette procédure opératoire.

En ce qui concerne la responsabilité du chirurgien

Il n'est pas retenu de faute s’agissant de l'indication et de la réalisation de l'acte.

En revanche le comportement du chirurgien n'a pas été conforme aux règles de l'art dans la prise en charge pré et postopératoire de la patiente, et ce pour deux raisons : 

  • Le fait de ne pas avoir vérifié la dernière prise d'antibiotique curatif et de ne pas avoir prescrit une administration intraveineuse de l'antibiotique à l'admission, n'était pas conforme. Cette administration aurait assuré, a priori, une concentration tissulaire suffisante d'antibiotique au moment de la procédure.
    Cependant les caractéristiques du calcul et sa position enclavée dans la tige calicielle, rendaient difficile l'obtention d'une concentration d'antibiotique optimale dans ce site. Il est rappelé qu'une lithiase colonisée par des bactéries ne peut être stérilisée par une antibiothérapie.
    C'est pour ces raisons que les experts ne peuvent affirmer que la poursuite d'une antibiothérapie curative aurait évité entièrement la survenue de cette infection. 
  • Le fait de ne pas avoir consulté les feuilles de surveillance de la nuit. Celles-ci lui auraient permis de constater un état de choc, données que l’infirmière ne lui a pas transmises oralement.

En ce qui concerne la responsabilité du  Dr A., anesthésiste-réanimateur 

Il a géré le 15 juin 2017 la consultation de pré-anesthésie après avoir intégré tous les éléments.

Il a géré la prise en charge de l'état de choc selon les recommandations habituelles : pose d'un cathéter veineux central, remplissage puis après remplissage, noradrénaline ; avis de l'infectiologue pour initier une antibiothérapie empirique débutée à 12 h, organisation du transfert en USC, puis en réanimation au Centre hospitalier. La TDM lui a permis de constater la bonne position de la sonde urétérale assurant un drainage des voies urinaires et l'absence d'abcès.

La seule réserve est le volume insuffisant du remplissage vasculaire et son débit qui devait être plus rapide. Il est cependant difficile de déterminer un remplissage "optimal", les critères d'évaluation étant peu fiables. Dans ce contexte, un apport de 3 à 4 litres de cristalloïdes en 2 heures était un objectif à atteindre afin de constater l'effet attendu d'un remplissage, c'est-à-dire une augmentation significative de la PA. Cette réserve n'est pas constitutive d'un comportement non conforme.

En conclusion, le comportement du Dr A., anesthésiste-réanimateur, a été conforme aux règles de l'art.

En ce qui concerne la responsabilité du Dr B., anesthésiste-réanimateur 

Il a assuré l'anesthésie de la procédure urologique endoscopique.

Le jour de l'intervention, il a écrit "RAS depuis la CS. OK pour AG. Oflocet® depuis 4 jours pour infection urinaire".

Le Dr B. devait s'assurer de la prise de l'Oflocet® au domicile, le matin de l'intervention. Si ce n'était pas le cas, il devait administrer le même antibiotique par voie intraveineuse avant l'intervention. Ce n'était pas exactement une prophylaxie, mais l'objectif était d'assurer, comme pour une prophylaxie, une concentration tissulaire et urinaire suffisante de l'antibiotique au moment de la procédure. 

En conclusion le comportement du Dr B, anesthésiste-réanimateur, n'a pas été conforme aux règles de l'art.

En ce qui concerne la responsabilité de l’équipe infirmière chargée de la surveillance postopératoire de la patiente

On note un dysfonctionnement majeur de la surveillance dans la nuit du 10 au 11 juillet 2017, jusqu'à 10 h 30 le 11 juillet :

  • L'absence de mesures rapportées de PA et de fréquence cardiaque entre à 21 h 59 (115/75 mm Hg), et 06 h 27 (80/50 mm Hg), alors qu'il y a eu une mesure de température à 02 h 16 (38,3°C). Par ailleurs la mesure de Sp02 a été exclue de la surveillance toute la nuit. 
  • Surtout, l'absence de contrôle immédiat de cette hypotension alors que les contrôles successifs montrent une persistance de l'état de choc.
  • L'absence d'appel du médecin d'astreinte la nuit et une partie de la matinée. Ce n'est qu'à 10 h 36 le 11 juillet 2017 que l'infirmière a appelé pour hypotension le Dr A., anesthésiste réanimateur. C'est à partir de ce moment-là qu’une prise en charge adaptée de l'état de choc a pu débuter. 

Deux faits sont à rappeler

  • Le passage du chirurgien vers 07 h 54 auquel l'infirmière n'aurait pas rapporté l'hypotension persistante mais uniquement la fièvre de 38,3°C de 02 h 16. 
  • La perfusion de 500 ml de cristalloïde après la mesure de 06 h 27 (PA à 80/50 mmHg), alors qu'il n'y a aucune transmission de l'infirmière sur l'origine de cette prescription. La liste de garde des médecins d'astreinte dans la nuit du 10 au 11 juillet 2017 n’a pas pu être consultée.

Ainsi la surveillance postopératoire a été inappropriée.

Ce dysfonctionnement a conduit à un retard dans la prise en charge d'un état de choc d'au moins 4 heures, sans préjuger du début de l'état de choc qui pourrait se situer après 21 h 59 jusqu'à 06 h 27, soit un délai de près de 12 heures. Il faut pondérer ce délai par le passage du chirurgien vers 07 h 54 qui n’a pas consulté les données de surveillance de la nuit.

Il n’est pas possible, toutefois, d’affirmer un lien direct et certain entre ces manquements (gestion préopératoire de l’antibiothérapie et défaut de surveillance postopératoire) ayant conduit à un retard diagnostique et thérapeutique, et le dommage, atteinte fonctionnelle du fait des amputations et insuffisance rénale grave. 

Le lien causal étant incertain, la perte de chance d'éviter l'évolution observée sera estimée entre 50 et 70 %. La répartition suggérée est la suivante :

  • 70 % pour la clinique, 
  • 20 % pour le chirurgien, 
  • 10 % pour le Dr B., anesthésiste-réanimateur. (…)" 

Commission de Conciliation et d’Indemnisation (avril 2019)

Se fondant sur le rapport d’expertise, la Commission de Conciliation et d'Indemnisation (CCI) considérait que :

"(…) Les fautes commises par le chirurgien, le Dr B., anesthésiste-réanimateur, et la clinique ont été à l'origine d'une perte de chance pour la patiente de contracter l'infection laquelle n'est pas nosocomiale mais est la conséquence mécanique de l'intervention qui a libéré des bactéries dans l'organisme alors même que la couverture antibiotique était insuffisante et d'une perte de chance de limiter les conséquences de l'état de choc septique qui a suivi. 

La commission après en avoir délibéré fixe cette perte de chance à 80 %. Elle doit être répartie à hauteur de :

  • 40 % pour le chirurgien (qui supporte donc 32 % des préjudices),
  • 30 % pour la clinique (qui supporte donc 24 % des préjudices),
  • 30 % pour le Dr B., anesthésiste-réanimateur (qui supporte donc 24 % des préjudices) (…)."

Commentaires

Dans cette observation, deux erreurs ont été commises :

  • La première est l’absence d’antibiothérapie pendant le période péri opératoire.
    La responsabilité en incombe au chirurgien et au Dr B., anesthésiste-réanimateur.
  • La seconde erreur est le défaut de prise en charge de la patiente en état de choc pendant plus de 12 heures (chez cette malade hypertendue, la PA max était passée entre 20 h 03 et 21 h 59, de 200 mm Hg à 115 mm Hg, pour être retrouvée à 80 mm Hg à 06 h 27).
    La responsabilité de cette faute est imputable, pour la plus grande part, à l’équipe infirmière qui devait surveiller la patiente à son retour de SSPI (notamment à l’équipe de nuit). Une partie de cette responsabilité est à mettre à la charge du chirurgien qui, à 07 h 54, ne s’est pas intéressé aux données de la surveillance de la patiente durant la nuit.

D’après les experts, il n’est pas possible d’affirmer qu’en l’absence de la première faute, l’état de choc ne serait pas survenu.

En revanche, il est probable que, si l’état de choc avait, d’emblée, été traité selon les recommandations en cours (voir en fin de Commentaire), le préjudice de la patiente lié aux amputations des extrémités et à l’insuffisance rénale séquellaire, aurait, vraisemblablement, été limité, voire évité.

Cette analyse semble avoir été celle des experts qui ont attribué 70 % de la perte de chance subie par la patiente à l’équipe infirmière de la clinique et 30 % à l’équipe opératoire.

En revanche la Commission a fait l’analyse inverse en attribuant 70 % de cette responsabilité à l’équipe opératoire et 30 % à la clinique. Il est possible que la Commission ait intégré dans le pourcentage de responsabilité de l’équipe opératoire, la non-consultation par le chirurgien du dossier de "surveillance" de la patiente pendant la nuit.

Il n’en reste pas moins que la responsabilité la plus grande dans les préjudices subis par la patiente est celle du médecin de "garde"(resté anonyme ?) qui, à 06 h 27, a été prévenu de l’état de choc de la patiente, a prescrit un flacon de sérum physiologique mais…, ne s’est pas déplacé pour prendre en charge cette patiente en détresse vitale.

Recommandations en cas de choc (probablement) septique (références 1, 2, 3)

  • Transfert en Réanimation monitorage continu des constantes cardio-vasculaires et respiratoires.
  • Bilan biologique pour rechercher le retentissement sur les fonctions circulatoires, rénales et respiratoires, (notamment, mesure des lactates artériels).
  • NFS, dosage de la CRP et série d'hémocultures avec prélèvement bactériologique au niveau de tout foyer infectieux accessible.
  • Oxygénothérapie.
  • Mise en place d'1 ou 2 cathéters veineux centraux pour perfusion immédiate de cristalloïdes isotoniques :  séquence de 500 ml en 15 minutes, à répéter (au moins 30 ml/Kg dans les 3 premières heures) jusqu'à l'obtention d'une PA moyenne ≥ 65 mm Hg. Si l'objectif de PA moyenne n'est pas atteint, recours à la noradrénaline (dose initiale : 0,1 à 0,3 µg/kg/min).
  • Traitement antimicrobien à large spectre, orienté en fonction du siège vraisemblable de l'infection, par voie IV, à débuter au plus vite, dans la première heure suivant le diagnostic de choc septique (après la série d'hémocultures).

 

Références
Prise en charge hémodynamique du sepsis grave (nouveau-né exclu). Conférence de consensus commune SFAR, SRLF (2005)
Prise en charge initiale du sepsis sévère et du choc septique. Cuche A, Rutz P, Trueb L. Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 1490
Recommandations internationales sur la prise en charge du sepsis et du choc septique : du neuf en 2016. Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) 2017

Note
Tube souple et fin, d’environ 3 mm de diamètre, dont les extrémités forment chacune une boucle, ce qui permet à la sonde introduite par voie urétérale  de rester en place entre le rein et la vessie)

 

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