Retour d'expérience : erreur de régime alimentaire

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Retour d'expérience : erreur de régime alimentaire

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Février - 21h30. Léa, 3 ans et demi, est amenée aux urgences, pour une toux grasse persistante par quintes, avec des sifflements essentiellement lors des expirations.

Ce tableau clinique inquiète fortement ses parents, qui n’ont pu montrer leur fille à leur pédiatre, en ce dimanche suivi d’un jour férié.

  • Paramédical
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Présentation du contexte

Le pédiatre des urgences examine l’enfant : le tableau clinique montre une fièvre à 38°5, des crachats jaunâtres, une gêne respiratoire importante (sifflements expiratoires à l’auscultation pulmonaire) confirmée par la mesure de la saturation en oxygène à 92%. Le diagnostic de bronchite asthmatiforme est posé.

La saturation en oxygène, qui baisse fortement lors des quintes de toux, inquiète le pédiatre qui propose une surveillance en secteur d’hospitalisation aux parents, qui l’acceptent.

Le traitement prescrit des bêtamimétiques, des corticoïdes et des antibiotiques, et une surveillance clinique et paraclinique (SaO2) rapprochée pendant 24 heures.

Lors de l’interrogatoire des parents, aucun antécédent n’est à noter, hormis une intolérance au gluten que le médecin note dans le dossier de l’enfant, avant son transfert en unité d’hospitalisation.

48 heures de traitement ont très sensiblement amélioré le tableau clinique de l’enfant, et la sortie est prévue le lendemain, mercredi, lors de la contre visite en fin d’après-midi.

La maman, qui n’avait pas quitté sa fille depuis le début de l’hospitalisation, est rassurée, et décide de rentrer quelques heures chez elle pour prendre une douche et ramener des vêtements propres pour le départ de l’hôpital le lendemain.

Elle confie donc l’enfant à l’équipe soignante durant son absence.

Lors de la dernière nuit, l’enfant est réveillée par de violentes douleurs abdominales, et une diarrhée. Ce tableau clinique bien connu de la maman, évoque une absorption de gluten, malgré son signalement dans le dossier.

Les recherches réalisées par l’encadrement le lendemain matin, montre que le plateau repas servi la veille au soir, proposait des pâtes et que la petite patiente avait ingéré une portion complète.

L’équipe soignante a dû gérer un vif mécontentement des parents.

Conséquences

L’établissement de santé a dû :

- gérer une situation conflictuelle immédiate, entre équipe soignante et famille,
- gérer une hospitalisation plus longue que prévue (24 heures), dans un contexte de pénurie de lits en secteur Pédiatrique en période hivernale,
- gérer l’émotion de l’équipe soignante face à cette erreur, élément marquant du service face à une réaction très importante des parents de la petite fille,
- gérer une plainte auprès de la Commission Régionale de Conciliation et d‘Indemnisations.

Méthodologie et analyse

Le groupe de professionnels en charge de l’exploitation des fiches de déclaration des événements indésirables a décidé de rechercher les causes qui ont conduit à cet incident, sans conséquence majeure pour l’enfant, les comprendre et trouver éventuellement des actions correctrices à mettre en place pour que cela ne se reproduise plus au sein du service, et de l’étendre à l’établissement si nécessaire.

Cette erreur, dans le contexte précis de la Pédiatrie, a également été un fait marquant pour l’Etablissement de Santé par la plainte déposée par la famille en C.R.C.I.

Une analyse de risque a posteriori est donc réalisée.

Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes conduisant à cette erreur seront recherchés. La méthode ALARM est retenue.

  • Les facteurs contributifs discutés en équipe 

Facteurs liés aux patients :

Cette intolérance au Gluten était signalée dans le dossier médical de l’enfant, mais également dans son dossier de soins infirmiers.
Elle a été découverte tardivement dans l’histoire personnelle de l’enfant, avec des épisodes décrits par la maman comme très difficiles.

Cette petite fille de 3 ans ½ ne pouvait exprimer son problème médical, lors du service du plateau repas.

Le séjour s’était passé sans aucun problème avec la famille, ni technique, ni relationnel.

Facteurs liés aux tâches à accomplir :

Tout plateau repas est distribué par le binôme Agent de Service Hospitalier (A.S.H.) et Auxiliaire de Puériculture (A.P.), sous la responsabilité de l’Infirmière en charge du secteur de soins. Une vérification des régimes est systématiquement réalisée par l’A.P.

Dans cet établissement, la prestation restauration est externalisée, et l’état des rationnaires est réalisé tous les matins, avant 10h00 ; les modifications en lien avec les mouvements de l’après midi sont transmis avant 17h00. Ces différents états permettent la confection des plateaux servis aux patients.

Une vérification en fin de chaîne de confection des plateaux est réalisée par le responsable de restauration du jour. Cette vérification est qualitative (régime, aspect) et quantitative.

Les régimes et/ou consignes particulières sont transmis par l’Infirmière au service restauration, tous les jours lors du passage de l’hôtesse en charge de cette tâche. Ces consignes sont prises en considération lors de la confection des plateaux repas.

La consigne concernant cet enfant a bien été confirmée par l’infirmière du jour selon le process habituel.

Tous ces éléments organisationnels sont connus des équipes, puisque ce soin (assurer les besoins nutritifs) est réalisé trois fois par jour.

Facteurs liés à l’individu (professionnel impliqué) :

La vérification lors du service du plateau n’a été pas réalisée par l’A.P., comme le veut la pratique courante.

L’information de l’intolérance au Gluten de l’enfant était connue du service restauration, et jusqu’à présent respectée.

La vérification en fin de chaîne n’a pas été réalisée, puisque le responsable de restauration du jour absent pour maladie, et non remplacé par le gérant.

C‘est l’A.S.H. qui a aidé la petite fille à prendre son repas, en l’absence de sa maman.

Facteurs liés à l’équipe :

Un manque de communication entre les différentes personnes constituant l’équipe ne peut être retenu, puisque tous les professionnels concernés connaissaient cette information concernant l’intolérance au Gluten, sauf les A.S.H.

Ce point a été reprécisé le matin de l’incident, lors des transmissions paramédicales entre équipes de jour et de nuit. L’amplitude de travail de ce service de Pédiatrie est de 12 heures nuit et jour, avec seulement 2 périodes de transmissions par jour.

La répartition des tâches dans la journée des professionnels de santé n’a pas été modifiée.

Facteurs liés à l’environnement de travail :

Les plateaux repas ont été livrés dans le chariot ad ‘hoc, comme tous les jours. Il a été pris en charge par les équipes affectées à la distribution des repas.

Le seul incident signalé est une panne de thermomètre qui permet de contrôler les températures des plats servis au patient.
Les personnels précisent :
- qu’ils ont mis près de 20 minutes avant de trouver un thermomètre de remplacement,
- qu’ils ont été inquiets de servir des plateaux hors normes de températures ; il faut préciser que le service a bénéficié d’une inspection des services vétérinaires quelques semaines auparavant, et que les remarques formulées ont été prises très au sérieux par les équipes.

Les charges de travail étaient un peu supérieures aux charges de travail habituelles ; tous les lits étaient occupés, en pleine saison hivernale (période d’épidémies).

Facteurs liés à l’organisation et au management :

Les équipes étaient composées de personnels fixes ou vacataires, qui connaissaient bien les lieux, les organisations, les habitudes de travail.

Les effectifs étaient habituels, sans absentéisme à signaler.

Facteurs liés au contexte institutionnel :

Aucun élément contributif pour ces facteurs n’est à signaler.

  • En résumé : les facteurs contributifs suivants sont retenus

- Un plateau repas non adapté servi à une petite fille présentant une intolérance au Gluten.
- Une maman absente lors du service, et qui n’a pas vérifié le repas de sa fille, contrôle ultime.
- Une vérification lors de la distribution des plateaux inopérante.
- Une vérification lors de la confection des plateaux inopérante.
- Un élément déclencheur : un retard pris dans la distribution des repas à cause d’un thermomètre hors service.

Les pistes de réflexion et/ou d'amélioration

L’analyse de ces situations a orienté le Comité de Gestion des Risques à prendre les dispositions suivantes :

  •  réaliser une communication au sein de l’établissement à partir de cet évènement, rappelant les éléments suivants : - les points de contrôle à réaliser concernant la prestation restauration côté soignant (norme HACCP), et surtout les conduites à tenir face aux situations anormales rencontrées à partir des retours d’expérience des personnels, - la nécessité d’une vérification efficiente lors de la distribution des plateaux repas, conformes aux prescriptions médicales concernant les régimes alimentaires, - les professionnels visés par ce rappel d’informations étaient les IDE, AS, AP et ASH, avec un rappel des responsabilités de chacun, surtout dans le cadre d’un soin délégué.
  •  rappeler au prestataire en charge de la restauration de ne pas faire l’impasse sur l’étape de vérification de conformité des attendus lors de la constitution des plateaux repas, surtout que cet élément fait partie du cahier des charges ; ce point était identifié comme une vulnérabilité dans le process de restauration.
  •  recevoir la famille pour lui expliquer, à distance de l’incident, les mesures prises suite à cet incident.  
  •  mettre à disposition des équipes des thermomètres supplémentaires pour le contrôle des températures des différents plats servis dans les services. Cette mesure peut paraître modeste, mais elle prend en compte les demandes des professionnels de terrain.  
  • mettre en place une veille spécifique à travers l’analyse des événements indésirables déclarés et à partir d’audits ciblés sur cette problématique, audits réalisés par le service qualité-gestion des risques et l’Equipe Opérationnel d’Hygiène.

Conclusion

A partir de cet incident, cet établissement de santé a mis en œuvre une démarche d’analyse, au vu des répercussions que cela a occasionné. Et surtout pour que cette partie du soin dispensé aux patients à l’hôpital soit considérée comme tel, et donc sécurisée.

Dans un système complexe organisationnel, chaque malade est un cas particulier avec ses spécificités qu’il faut prendre en compte. Les points de contrôle mis en œuvre ne doivent pas être oubliés.

La prestation restauration reste sous l’entière responsabilité des établissements de santé, même si elle est externalisée. Il faut donc être vigilant sur sa mise en œuvre. Ce point reste sensible en termes d’hygiène (avec les risques de transmissions d’agents pathogènes) et dans le cadre du respect des régimes clairement identifiés.

Dans ce domaine, des vulnérabilités sont clairement identifiées et à prendre en compte.