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2023 - La mortalité infantile brusquement en hausse aux États-Unis : un signe de crise profonde de la société plus que de la médecine

28/12/2023

Woolf, S. H., Wolf, E. R., & Rivara, F. P. (2023). The New Crisis of Increasing All-Cause Mortality in US Children and Adolescents. JAMA. 2023;329(12):975-976. doi:10.1001/jama.2023.3517.

Résumé

La durée de vie ne cesse d’augmenter dans les pays industriels, mais s’est mise en plateau aux États-Unis vers 2010, et ce, pour une raison principale : l’augmentation de la mortalité des enfants et adolescents. La crise du Covid a brouillé un peu cette image, en provoquant un surcroît de décès chez les patients âgés. Mais la mortalité pédiatrique a aussi augmenté pendant cet épisode Covid. Une nation qui fait face à un tel phénomène est assurément en crise profonde.

L’article apporte une analyse détaillée de cette mortalité infantile entre 1999 et 2020, et même 2021, avec des données partielles, qui permet de mieux comprendre le problème.

Entre 2019 et 2020, la mortalité toutes causes de la population américaine des 1-19 ans a augmenté de 10,7 %, et elle a encore augmenté de 8,3 % entre 2020 et 2021. Ces augmentations, de loin les plus importantes, font suite à d’autres augmentations récentes, mais aussi à une réduction spectaculaire de cette même mortalité intervenue en début de millénaire.

La mortalité récente porte surtout sur les 10-19 ans. Seuls les nourrissons de moins d’un an n’ont pas subi d’augmentation de la mortalité.

Depuis 2016, 90 % de la mortalité des 10-19 ans causée par des empoisonnements sont dus à des surdoses de drogues ingérées involontairement. Dans l’ordre de fréquence des causes, on retrouve le Covid, puis les accidents de la route, le suicide, et les empoisonnements.

En 2020, la mortalité par Covid a atteint 0,24 /100,000 dans la population des 1-19 ans, alors que la mortalité globale s’établissait à 2,8/100,000, on est donc loin d’une explication Covid centrée uniquement. Même au plus fort du Covid en 2021, la mortalité Covid n’expliquait que 20,5 % de la mortalité totale.

La courbe s’est en fait inversée en 2007, première année de hausse de la mortalité de cette classe d’âge après des années de baisse. Les suicides et homicides expliquent une part significative puisque leur incidence a augmenté de 69,5 % pour les suicides et de 32,7 % pour les homicides, particulièrement depuis 2013.

L’accès aux opioïdes (fentanyl et autres) a aussi augmenté avant le Covid, qui a sans doute été un accélérateur de ces dérives. Les morts par surdoses d’enfants ont augmenté dans cette période Covid de 113,5 % ! De même, les violences expliquent 2/3 de la surmortalité des 1-9 ans en 2021 (ils incluent 45,9 % d’augmentation de décès par feux ou brûlures).

Bien sûr, tous les enfants ne sont pas exposés aux mêmes risques. Les risques concernent surtout les garçons, défavorisés, appartenant à des communautés raciales minoritaires. Par exemple, les enfants noirs souffrent d’un taux d’homicide 6 fois supérieur aux enfants hispaniques, et 20 fois supérieur aux enfants asiatiques et blancs, et ce n’est rien en regard de l’effet sexe, puisque le taux de décès par homicides des garçons noirs 10-19 ans est 61 fois supérieur à celui des filles de races blanches de même âge.

Ces différences sociologiques se retrouvent dans toutes les causes, notamment les décès par accidents de transport et les surdoses de drogues. Les auteurs constatent que le diagnostic est posé, les causes ne sont pas au sens propre un défaut médical mais des faits de société ; les solutions sont donc forcément systémiques et sociales, encore aggravée par un système de santé américain à la dérive dans sa couverture sociale, en manque sévère de professionnels de santé mentale, particulièrement en milieu rural et dans les zones à risques.

Mon avis

Un tournant important, qui montre que la médecine et ses progrès ne peuvent pas lutter contre des changements culturels profonds.