Sur-risque le week-end dans les hôpitaux

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Sur-risque le week-end dans les hôpitaux : mêmes constats, mais explications différentes au fil du temps

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Il ne fait plus de doute que l’hospitalisation les week-ends et, dans une moindre mesure la nuit et l’été, présente un plus grand risque qu’en semaine.

Mais quelles sont les explications à ce phénomène ? Est-ce uniquement lié au manque de personnel ou à une disponibilité réduite du plateau technique ?

Auteur : Pr. René AMALBERTI / MAJ : 18/06/2019

Un constat : les admissions de week-end présentent une augmentation du risque de décès

Les premières statistiques canadiennes de 2001 montraient déjà que les admissions de week-end présentaient une augmentation du risque de décès pour 23 des 100 diagnostics les plus usuels aux urgences (Bell 2001). Les articles se sont succédés dans le même registre.

En 2007, une première grande étude américaine analyse la fréquence de 8 complications sur une cohorte de près de 5 millions d’admissions à l’hôpital (corps étranger oublié, complication anesthésiste, plaie chirurgicale, hémorragie post opératoire, traumatisme obstétrical voie naturelle avec ou sans instruments et césarienne, traumatisme néonatal). Quatre complications sont nettement plus fréquentes le week-end : les hémorragies et tous les traumatismes obstétricaux (Bendavid, 2007).

En 2010, l’article qui va faire le plus de buzz et de scandale dans la presse est anglais. Il s’agit d’une analyse de cohorte qui porte sur les décès dans tous les hôpitaux publics anglais en 2005 et 2006, survenus dans les 48 heures suivant l’admission aux urgences, en prenant en compte deux séries, l’une survenue en week-end, l’autre en jour de semaine, avec des valeurs ajustées en âge, sexe, caractéristiques sociales, co-morbidités et diagnostics. L’étude complète porte sur 4 317 866 admissions aux urgences, qui ont été suivies de 215 054 décès. Le taux brut de décès est de 5,2 % le week-end et de 4,9 % en semaine ; une fois les données ajustées, la différence se creuse encore et atteint 10 %.

A l’époque, l’affaire fait grand bruit dans la presse et pointe la responsabilité du manque de médecins séniors et de personnels infirmiers le week-end aux urgences et dans les services, les attitudes attentistes (au lundi), les examens moins faciles, mais en partie aussi la désorganisation de l’offre et de l’accès aux soins primaires le week-end (Aylin, 2010).

Les mêmes résultats sont retrouvés dans les transferts internes, notamment les admissions de week-end en réanimation (Cavallazzi, 2010) et les résultats continuent à s’accumuler dans le même sens.

Une étude américaine portant sur 93 621 hospitalisations pour accident vasculaire cérébral dont 23 2967 (25 %) ont été réalisées pendant un week-end, montre que les patients hospitalisés le week-end bénéficient moins souvent d'un scanner cérébral (différence significative) et sont moins souvent traités par thrombolytique (différence significative). Les conséquences sont logiques, ils ont plus souvent une infection pulmonaire, meurent plus rapidement (mortalité à 7 jours 10,3 % vs 9 %) sont plus souvent placés en soins de suite et sont plus souvent réadmis à l’hôpital dans les 30 jours (Palmer 2012).

Un autre étude anglaise portant sur 27 582 décès survenus après 4 133 346 actes chirurgicaux (6,7 % de mortalité à 30 jours au total) montre que le nombre d’actes chirurgicaux le week-end et les jours fériés est plus faible qu’en semaine, mais la mortalité est considérablement supérieure si le patient est opéré le vendredi (44 % plus importante) et atteint 82 % de surmortalité s’il est opéré le samedi ou le dimanche (comparé au lundi) (Aylin 2013).

Bref, jusqu’en 2013, la compréhension des raisons de la surmortalité de week-end reste prioritairement centrée sur des problèmes de disponibilité réduite du plateau technique et humain.

Mais à la fin de 2014, on commence à publier une vision différente des causes du problème de surmortalité le week-end.

Quelles sont les véritables causes du problème de surmortalité le week-end ?

Le sur-risque ne serait pas d’abord lié au manque de personnel ou à une disponibilité réduite du plateau technique, qui peuvent certes être des facteurs aggravants, mais à la plus grande sévérité des patients hospitalisés le week-end (Concha, 2014, Brent, 2017).

Ainsi, près de 10 ans après avoir constaté le phénomène, et après plus de 100 papiers publiés, l’idée qu’il puisse s’agir d’un artéfact est sérieusement considéré, car les patients qui viennent le week-end ne sont sans doute pas similaires aux patients qui viennent en semaine (plus compliqués, plus urgents). Or, ces aspects sont souvent (toujours) gommés dans les études publiées qui se sont souvent limitées à des données administratives, certes en considérant l’âge, la voie d’accès à l’hôpital (plus souvent par ambulance le week-end), le diagnostic et les comorbidités, mais sans vraiment juger le caractère de l’urgence et des détresses constatées.

On a donc une partie significative de l’effet qui est simplement liée au fait que les patients ne sont peut-être pas les mêmes qu’en semaine et que si on prenait des échantillons comparables, la mortalité ne serait guère différente.

On a peut-être aussi un vrai effet week-end pour la partie liée aux effectifs moins nombreux. Mais là encore, si on regarde des études publiées sur des risques particuliers, ce n’est pas vrai pour les effectifs médicaux avec des médecins spécialisés (AVC notamment) ; on ne retrouve pas d’effet week-end, car ces médecins se déplacent et sont présents le week-end. Par contre, les faibles effectifs soignants/paramédicaux sont quant à eux corrélés dans plusieurs études avec un sur-risque. Il faut aussi prendre en compte la complexité des variations de qualité des prises en charge, y compris en semaine. Par exemple, la qualité des prises en charge sur l’AVC s’améliore chaque jour de la semaine pour rebaisser le week-end et être au plus bas le lundi. Mais cette prise en charge des AVC varie aussi beaucoup dans la journée, avec une qualité supérieure du matin sur l’après-midi tous les jours. Ces variations nycthémérales sont aussi vraies le week-end et atteignent peut-être des minimums très dangereux par sommation d’effet.

Tout le monde s’est finalement rangé à cette nouvelle interprétation plus en nuance et plus dans le vrai du phénomène week-end. Les articles sont d’ailleurs bien moins nombreux.

En conclusion, on retiendra un beau sujet de réflexion pour la recherche, qui s’est laissée pendant 10 ans embarquer un peu par le sensationnel relayé par le médiatique, pour soutenir une vision qui faisait sens et servait des causes sociales dans un hôpital en difficulté, avant de pondérer plus correctement la compréhension du phénomène.

Références

  1. Bell CM, Redelmeier DA. Mortality among patients admitted to hospitals on weekends as compared with weekdays. N Engl J Med 2001;345:663-8.
  2. Bendavid E., Y. Kaganova,Y., Needleman J., Gruenberg, Weissman J., Complication Rates on Weekends and Weekdays in US Hospitals,  Am J Med (2007) 120, 422-428
  3. Aylin P., Yunus A. Bottle A. et al. Weekend mortality for emergency admissions: a large multicentre study, Qual Saf Health Care, 2010 Jun;19(3):213-7.
  4. Cavallazzi R., Marik P., Hirani A., Pachinburavan M., Vasu T., Leiby B., Association between time of admission to the ICU and mortality a systematic review and metaanalysis, Chest, 2010, 138 (1) :68-75
  5. Palmer, W., Bottle, A., Davie C., Vincent C., Aylin, P. Dying for the week-end, Arch Neurol. 2012;():1-7.
  6. Aylin P. , Alexandrescu R., Jen M., Mayer E., A Bottle A.  Day of week of procedure and 30 day mortality for elective surgery: retrospective analysis of hospital episode statistics, BMJ 2013;346:f2424 doi: 10.1136/bmj.f2424 (Published 28 May 2013) Page 1
  7. Concha O., Gallego B., Hillman K., Delaney G.,Coiera E.  Do variations in hospital mortality patterns after weekend admission reflect reduced quality of care or different patient cohorts? A population-based study, BMJ Qual Saf study BMJ Qual Saf. 2014 Mar;23(3):215-22
  8. Bray B. Steventon A. What have we learnt after 15 years of research into the ‘weekend effect’?, BMJ Qual Saf BMJ Qual Saf. 2017 Aug;26(8):607-610.
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