
Une erreur médicamenteuse peut survenir malgré une organisation rigoureuse et des équipes expérimentées. Cet événement évité de justesse rappelle la nécessité d’une traçabilité en temps réel et d’une vigilance accrue face à la charge de travail en milieu hospitalier.
Mme M., 49 ans, consulte son médecin traitant pour des saignements vaginaux abondants depuis plusieurs cycles. Lors de l’interrogatoire, elle signale également une impression de pesanteur dans le petit bassin et des envies fréquentes de mictions. Il est également intéressant de préciser que la patiente n’a pas vu de gynécologue depuis près de 7 ans. L’examen gynécologique retrouve un utérus très augmenté de volume.
Les examens d’imagerie demandés par le praticien mettront en évidence un utérus polymyomateux. Les saignements resteront importants malgré les traitements médicamenteux initiés. La patiente sera alors orientée vers un gynécologue pour un avis spécialisé, Mme M. est prévenue qu’un traitement chirurgical peut lui être proposé.
Le spécialiste, après un examen clinique minutieux, un interrogatoire précis et la lecture attentive des examens d’imagerie médicale, proposera à la patiente une hystérectomie voie haute, car l’utérus est trop volumineux pour pouvoir lui proposer une intervention par voie naturelle.
L’intervention est acceptée par la patiente, et elle réalisera la consultation d’anesthésie dans les jours qui précéderont l’intervention. Il sera relevé dans ses antécédents un diabète de type 1, avec un traitement par Umuline NPH® à raison de 30 UI le soir et de l’Umuline Rapide® aux 3 repas selon les préconisations du diabétologue – activités physiques – nature du repas.
L’intervention se déroule sans problème le jour prévu : le chirurgien n’a rencontré aucune difficulté technique. L’anesthésie s’est déroulée sans incident particulier : aucune glycémie anormale à signaler, avec un dosage capillaire de sortie de la salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) à 1,2 g/dl.
Le chirurgien a planifié une sortie au 3e jour, en accord avec la patiente, pour une meilleure prise en charge de la douleur postopératoire.
Le séjour en service de chirurgie n’appelle pas de commentaire particulier jusqu’au soir du 2e jour postopératoire : la charge de travail est lourde dans le service, et dans une dynamique d’entraide, la seconde infirmière propose à la première de l’aider à finir son tour de soins du soir. Elle prend en charge 4 patients proposés par sa collègue, et administre notamment à Mme M. la dose d’Umuline NPH® du soir.
Ce n’est que lors de la saisie des soins effectués a posteriori par la première infirmière qu’elle s’est aperçue de l’erreur : elle avait en fait déjà administré la dose d’Umuline NPH® du soir (retranscription de son plan de soins papier sur le dossier du patient informatisé - DPI). Sa collègue n’avait pas pu le voir par défaut de traçabilité extemporanée sur le DPI (elle bénéficiait d’un ordinateur opérationnel, avec une batterie qui permettait un tour de soins complet).
Elle prévient immédiatement l’anesthésiste de garde (MAR) et part immédiatement au lit du patient pour prendre une série de constantes. La seconde injection a eu lieu 55 minutes auparavant. La mesure de la glycémie capillaire donne une glycémie à 0,9 g/dl. Le MAR décide, après explications données à la patiente, de la transférer en unité de surveillance continue (USC) pour ajuster au mieux l’apport en glucides nécessaire à couvrir ce surdosage d’insuline. Cette décision est prise au vu de la charge de travail de nuit du service.
Cette erreur médicamenteuse a eu comme conséquences :
L’exploitation de la fiche de déclaration d’événement indésirable par le groupe de professionnels chargé de la veille a retenu leur attention au motif qu’il s’agit d’un médicament à risque identifié au sein de la structure de soins : cette erreur médicamenteuse (EM) et ses conséquences interpellent les professionnels de santé du COVIRIS qui souhaitent connaître les raisons qui ont conduit à cet incident, les comprendre et trouver éventuellement des actions correctrices à mettre en place.
Une analyse de risque à postériori est donc réalisée par le gestionnaire de risques de l’établissement et le pharmacien.
La méthode REMED, proposée par la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC), recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
Cette méthode est décrite dans le classeur REMED mis à disposition sur le site de la SFPC. Pour cette analyse, les outils suivants ont été choisis :
La liste des questions a permis de résumer les faits relatés ci-dessus.
8 domaines de facteurs contributifs :
M = produits de santé – P = patient – PS = professionnel de santé – PP = pratiques et procédures opérationnelles – E = équipe – CT = environnement de travail – O = organisation et management – I = institution
Les facteurs contributifs retenus et leurs justifications :
L’analyse de cette erreur a permis de sensibiliser de nouveau les équipes sur la nécessité d’avoir une vigilance accrue sur la prise en charge des médicaments à risque.
L’analyse de cette erreur a permis également de rappeler la nécessité de déclarer les événements indésirables ou les événements porteurs de risques.
Le non-respect d’une procédure institutionnelle par défaut d’équipement opérationnel justifie un signalement systématique jusqu’à l’obtention de son remplacement.
Dans un souci de pédagogie, la pyramide de Bird peut permettre une meilleure compréhension de cette dynamique positive pour l’équipe et/ou l’institution.