La communication des résultats d’examen peut devenir un point faible si leur suivi n’est pas organisé de manière rigoureuse. Le dossier patient informatisé peut devenir une valeur ajoutée, à condition d’un paramétrage soigneux… sinon, l’association erreur électronique et erreur humaine peut générer un risque important et induire des retards de prise en charge.
M. B., 68 ans, est orienté par son médecin traitant vers un confrère gastro-entérologue pour avis spécialisé de rectorragie de sang rouge – élément signalé par le patient lors d’une consultation pour un épisode infectieux de la sphère ORL. Le patient en parle sans exprimer d’inquiétudes particulières, car il est coutumier de crises hémorroïdaires ; cependant, M. B. explique qu’il a des saignements depuis près de 7 à 8 semaines, sans ressentir les gênes ou douleurs habituelles… ce qui questionne le médecin traitant.
Lors de cette consultation spécialisée, le patient bénéficie d’une rectoscopie qui va mettre en évidence une lésion suspecte de 1 cm. Des biopsies sont réalisées par le gastroentérologue qui envoie les prélèvements au laboratoire d’anatomopathologie.
Les résultats sont envoyés au médecin traitant et au gastro-entérologue : ils objectivent un carcinome épidermoïde. Le médecin traitant classe ce résultat dans le dossier du patient en pensant que le suivi sera organisé par son confrère.
Le gastro-entérologue, quant à lui, demande à son assistante de fixer un rendez-vous au patient rapidement pour organiser au plus vite le parcours de soins de M. B. Elle lui envoie aussitôt un courrier pour le convoquer à un rendez-vous 10 jours plus tard.
11 mois plus tard, M. B. consulte de nouveau son médecin traitant pour récidive des rectorragies. Le praticien, en consultant son dossier, voit le résultat d’anatomopathologie et lui demande quelles ont été les suites de la rectoscopie. Le patient lui dit qu’il n’a pas de nouvelles du spécialiste, et qu’il en a conclu que les résultats étaient sans anomalie.
Surpris par la réponse de son malade, le médecin traitant appelle immédiatement le secrétariat du spécialiste qui précise qu’un courrier lui a été envoyé pour le convoquer, qu’il n’y a pas eu de suite de la part du patient… ils en ont conclu que le patient avait été orienté vers un autre praticien par son médecin traitant.
Le patient confirme qu’il n’a jamais reçu de courrier. La secrétaire vérifie alors l’adresse postale renseignée dans le dossier administratif et constate qu’elle est inexacte. M. B. précise qu’il a déménagé il y a un peu plus de 3 ans en prenant sa retraite.
Le médecin traitant demande alors un rendez-vous en urgence pour refaire un point sur la situation clinique du malade et obtient un rendez-vous de scanner abdomino-pelvien 3 jours plus tard.
M. B. revoit le gastro-entérologue le surlendemain du scanner avec les résultats. Une nouvelle rectoscopie retrouve la lésion suspecte qui est maintenant de 2 cm. Le scanner retrouve un épaississement de la paroi rectale et la présence de ganglions inguinaux. Un bilan d’extension sera pratiqué qui ne retrouvera pas d’éléments nouveaux.
Le dossier du patient sera présenté en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) qui propose un traitement par chimiothérapie, puis radiothérapie.
M. B. a envoyé un courrier de réclamation à la direction générale de l’établissement de santé. Cette plainte a été traitée par le service juridique de la structure et par la Direction Qualité – Gestion des Risques. Cet événement indésirable (EI) a été classé dans la catégorie des EI graves (EIG). Faisant partie des événements évitables, il est décidé de réaliser une analyse dans le cadre d’une démarche de prévention des risques.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de ce patient : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier.
La méthode ALARM, méthode d’analyse de première intention, labellisée Haute Autorité de Santé, est retenue pour déterminer les causes profondes de cet incident.
C’est le médecin traitant qui détecte l’anomalie – pas de réception du courrier adressé au patient – lors d’une consultation.
Les conséquences pour le patient sont importantes :
Les conséquences pour l’établissement :
Iln est important de mettre e évidence les barrières de défenses qui ont été déficientes.
Lors des différentes discussions lors de l’analyse collégiale de cet événement indésirable, les équipes reconnaissent que la communication entre les différents secteurs n’est pas fluide : les professionnels de santé du service de consultations externes précisent qu’ils ne connaissent pas le motif de consultation du malade. L’absence de cette information ne leur permet pas de détecter les patients qui ne sont pas présentés et qui représentent un risque d’errance médicale.
Conclusion
Une fois encore, "le diable est dans le détail". Ce retard de prise en charge montre qu’à toutes les étapes, il existe potentiellement des vulnérabilités fragilisant les organisations et pouvant mettre en danger les patients.
Les réflexions collectives permettent de construire les process et d’apporter fiabilité et sécurité des parcours de soins. Cette lutte contre les événements indésirables évitables doit être une préoccupation constante de tous les professionnels de santé.
Enfin, l’information donnée au patient doit être complète et adaptée à la situation d’autant que dans ce cas précis, ce malade a la capacité de s’approprier les enjeux des examens réalisés. Il convient de détecter les patients qui pourraient être dans le déni d’une situation stressante. Ils devraient ainsi acteur de leur prise en charge pour une plus grande sécurité des soins.