Erreur de dose en maternité

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Erreur de dose en maternité

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Après avoir posé une péridurale à visée analgésique, un anesthésiste est sollicité pour débuter une césarienne et confie donc la parturiente à la sage-femme référente. La future maman se plaignant de nausées, la sage-femme appelle le MAR qui lui demande d'administrer une dose de 9 mg d'Ephédrine© ; la patiente recevra 27 mg de principe actif.

  • Paramédical
Auteur : Bruno FRATTINI / MAJ : 14/02/2018

Le contexte

Mme Y, suivie pour sa première grossesse, arrive en secteur naissances pour des contractions toutes les 6 à 8 minutes. Son terme est de 39 SA + 4 jours. La sage-femme qui l’accueille met en place un monitorage foeto-maternel et examine la parturiente. Elle présente une dilatation à 4 cm.

Devant ce travail bien installé, l’anesthésiste est sollicité pour la pose d’une péridurale à visée analgésique, conformément au projet de naissance de la future maman.

La visite pré-anesthésique confirme l’indication de mise en œuvre de cette technique.

La voie veineuse périphérique est posée, le médecin anesthésiste procède à la pose du cathéter épidural, réalise une dose test. Celle-ci étant concluante, la dose participant à l’installation d’une analgésie optimale est administrée. Le MAR étant sollicité pour débuter une césarienne, il confie la parturiente à la sage-femme référente en lui transmettant qu’il a paramétré le tensiomètre automatique pour des prises de mesure toutes les 2,5 minutes et lui demande de surveiller l’installation de l’analgésie.

La future maman se plaint brutalement de nausées. Elle est placée immédiatement en décubitus latéral Gauche, mais la mesure tensionnelle confirme l’hypotension artérielle : 80 mm de Hg de systolique, 45 mm de Hg de diastolique. La sage-femme appelle le MAR qui lui demande d’administrer une dose de 9 mg d’Ephédrine©, et lui précise que la seringue pré remplie du médicament est sur le plan de soins du chariot d’anesthésie. Il précise également qu’il arrive rapidement. Cet acte de soins est confié à l’étudiante infirmière.

A son arrivée, il constate que la parturiente présente une tension systolique à 190 mm de Hg, et qu’elle se plaint de céphalées. Il retrouve la seringue d’Ephédrine© avec seulement 1 mL de produit. Il comprend alors que la patiente a reçu 27 mg de principe actif au lieu des 9 mg.

Dans les minutes qui suivent, la tension se normalise et la patiente précise que l’intensité des céphalées diminue pour n’être plus qu’un mauvais souvenir.

Cette erreur de dose n’a pas eu de conséquence pour la future maman et son nouveau né.

Analyse des causes

Le MAR et la sage-femme signalent d’un commun accord cet incident sur le logiciel de déclaration des événements indésirables institutionnels.

Le Gestionnaire de Risques procède à une analyse de la situation pour comprendre la genèse de cet événement.

La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.

  • Cause immédiate

Erreur de dose dans l’administration d’un principe actif médicamenteux.

  • Causes profondes

Facteurs de la grille ALARM

Eléments de contexte - Causes identifiées

Facteurs liés au patient

  • La parturiente s’est toujours montrée très actrice de sa prise en charge.
  • Le suivi de sa grossesse n’a montré aucune particularité, et en tout cas aucun élément pathologique.
  • Un syndrome aorto-cave modérément marqué est néanmoins retrouvé dans l’interrogatoire : elle ne supportait pas la position allongée en décubitus dorsal strict dans les 6 dernières semaines qui précédaient le début de travail.
  • A la suite de cet incident, et après qu’on lui ait expliqué sa genèse, elle a demandé à ce que l’étudiante ne réalise plus de soins techniques sur elle.

Facteurs liés aux tâches à accomplir

  • Concernant cet acte de soins, il n’y a pas de protocole spécifique pour la péridurale analgésique.
  • Les consignes orales du MAR ont été claires et reçues comme telles par la sage-femme. C’est lors de la transmission entre elle et l’étudiante infirmière que l’information n’est pas correctement passée : le 9 mg s’est transformé en 9 mL.
  • La seringue utilisée était une seringue pré remplie fournie par un laboratoire pharmaceutique, et est totalement conforme aux attendus de sécurité : dénomination – concentration (mg/mL) – lot – péremption.
  • La réalisation de ce soin pouvait être déléguée à cette étudiante infirmière de 3ème année.
  • Dans ce contexte d’urgence relative, la sage-femme référente a spontanément réparti le travail : elle s’occupait de l’installation de la patiente et des soins relationnels et de confort de la parturiente, et l’étudiante IDE du geste technique.

Facteurs liés à l'individu (personnel de la structure)

  • Sur ce geste de soin technique, la sage-femme et l’étudiante IDE possédaient les compétences pour le réaliser.
  • L’étudiante a reconnu être dans une situation de stress, car c’était la première fois qu’elle était confrontée à ce contexte de prise en charge (3ème jour de stage dans ce secteur). Elle n’avait pas les éléments pour comprendre le mécanisme de l’hypotension artérielle.
  • L’étudiante IDE a reconnu également qu’elle avait contrôlé le nom du médicament sur l’étiquette de la seringue, mais pas sa concentration, soit 3 mg/mL.

Facteurs liés à l'équipe

  • La communication entre les différents professionnels a été décryptée :
    • Le message initial (MAR) : précisait bien une injection d’Ephédrine© de 9 mg en IVD.
    • Le message reçu par la sage-femme : elle se souvient du chiffre 9, mais n’est pas affirmative sur le dosage ou le volume.
    • Le message reçu par l’étudiante IDE : elle se souvient d’avoir reçu la consigne d’injecter 9 mL d’Ephédrine©.
  • Dans l’analyse de cette communication entre professionnels, on peut retenir les éléments suivants :
    • Le MAR n’a pas demandé à la sage-femme de reformuler le message tant il était convaincu que cette prescription était simple et habituelle par rapport à la situation. Pas de notion de volume précisé, juste une dose en mg.
    • La Sage-Femme n’a pas reformulé le message reçu. Elle reconnaît n’avoir pas retenu son contenu avec précision.
    • L’étudiante infirmière également.
  • Le MAR est revenu rapidement au lit de la parturiente (bloc opératoire vers la salle de naissances) pour faire le point de la situation et régulariser la prescription.
  • La répartition des tâches n’appelle pas de commentaire particulier.
  • Le MAR a réexpliqué le contexte de l’installation d’une analgésie par voie péridurale et les attendus du traitement instauré (action de l’Ephédrine©) et des doses usuelles habituellement utilisées.

Facteurs liés à l'environnement de travail

  • Maternité de niveau II A, qui présente une activité annuelle de 2400 naissances.
  • La charge de travail était conséquente : 4 femmes étaient en travail en secteur naissances, avec une future maman qui avait été dirigée vers le bloc pour une césarienne pour stagnation de la dilation.
  • Deux sages-femmes pour les prendre en charge, assistées de 2 IDE et d’une auxiliaire de puériculture.
  • Au Bloc Opératoire, le MAR était assisté d’un IADE qui est resté auprès de la parturiente.
  • Il n’y a pas eu de retard notable dans la mise en œuvre des procédures de soins.

Facteurs liés à l'organisation et au management

  • La dotation des seringues pré-remplies d’Ephédrine© est jugée parfaitement adaptée au contexte de soins : rapidité de mise en œuvre – fréquence d’utilisation (moyenne).
  • L’étudiante IDE est sous la responsabilité directe de l’IDE habituellement, mais dans ce contexte de charge de travail importante, les ressources ont été réparties autrement (étudiante avec la sage-femme). Précision : situation rarement relatée.

Facteurs liés aucontexte institutionnel

  • L’équilibre financier de l’établissement est précaire.
  • Dans le cadre du bilan annuel des EI déclarés, cette typologie d’EI n’a pas été retrouvée.
  • Barrière qui a détecté l’incident :
    • Chiffres tensionnels de la parturiente : surveillance clinique et paraclinique opérationnelle.
  • Barrières qui n’ont pas fonctionné et qui ont permis l’incident :
    • Communication entre professionnels de santé : s’assurer de la bonne réception des messages
    • Regard critique de la prescription
    • Contrôle de la concentration du principe actif

Pistes de réflexion ou d'amélioration

Sur les pratiques : la règle des 5 B aura été rappelée à l’ensemble des équipes dans le cadre d’une sensibilisation à la sécurité de la prise en charge médicamenteuse. Et plus précisément dans le cas présent sur le critère « Bonne dose ». Il convient de s’assurer que la dose administrée est toujours en unités (internationale ou de poids) et non en volume. Et dans le doute, ne jamais se passer d’un avis d’un collègue ou de la confirmation du prescripteur.

Sur la communication : le concept de formulation-reformulation peut paraître lourd, mais de nombreux métiers le pratiquent de manière banalisée. La bonne compréhension d’une consigne ou d’une prescription orale dans un contexte d’urgence doit être la préoccupation de tous les acteurs de santé.

Sur les connaissances : tout professionnel qui met en œuvre une technique et administre un principe actif doit avoir le bon niveau de connaissances avant la réalisation de l’acte de soins. Une connaissance du médicament prescrit est indispensable si on veut avoir un regard critique sur le soin à réaliser. Chaque principe actif est utilisé à des doses usuelles. Chaque fois que l’on sort du standard, ne jamais oublier de se faire confirmer que la prescription est adaptée à l’objectif recherché.

Ce réflexe de sécurité est possible uniquement si et seulement si chaque professionnel a le niveau de connaissances ad’hoc.

En conclusion

Dans un contexte d’urgence relative, où le temps de réaction est déterminant pour éviter toute aggravation, il convient de ne pas transiger sur les règles de sécurité au risque de verser dans le sur-accident.

La communication dans ce contexte est primordiale et doit être optimale. Les exercices de formulation et de reformulation restent des prérequis incontournables de la sécurité des soins.

Tous ces éléments sont directement en lien avec le facteur humain qui reste une cause importante de nombreux incidents/accidents dans le domaine de la Santé.

1 Commentaire
  • C V 29/03/2018

    Il me semble que les prescriptions DOIVENT se faire par écrit et jamais par oral, encore moins par téléphone et ce quelque soit l’urgence de la situation.

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