Retour d’expérience : erreur de programmation en endoscopie

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Retour d’expérience : erreur de programmation en endoscopie

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M. K, 57 ans, consulte son médecin traitant pour des troubles digestifs perdurant depuis plusieurs semaines.

  • Paramédical
Auteur : Bruno FRATTINI / MAJ : 17/06/2020

Présentation du contexte

Le patient explique à son généraliste qu’il a depuis 9 à 10 semaines des douleurs abdominales diffuses à type de spasme, parfois des ballonnements, et surtout des épisodes de constipation alternant avec des épisodes de diarrhées.

L’examen clinique du malade n’apporte aucun élément contributif.

Le médecin traitant prescrit un traitement symptomatique basé sur des antispasmodiques, rappelle quelques règles hygiéno-diététiques et propose au patient de consulter un gastro-entérologue à distance, soit dans 3 à 4 semaines si le tableau clinique n’évolue pas favorablement. Ce dernier accepte cette stratégie thérapeutique.

L’évolution des symptômes ne montrant qu’une amélioration à la marge, rendez-vous est pris avec le spécialiste.

Ce dernier propose à M. K la réalisation d’une coloscopie totale :
- pour ne pas passer à côté d’une cause potentiellement grave,
- du fait de son âge (supérieur à 50 ans),
- mais également pour rassurer le patient qui exprime de réelles inquiétudes devant ces symptômes qui perdurent maintenant depuis plus de 3 mois. Il s’est renseigné sur Internet, et il a pu lire que sa situation pouvait le classer dans la catégorie des patients à risque moyen de cancer colorectal.

Le gastro-entérologue programme donc l’examen en accord avec le patient. Le praticien explique au patient les bénéfices – risques de cet examen, et lui propose de réaliser cet acte diagnostic dans un établissement de santé dans lequel il exerce habituellement.

M. K repart du cabinet de consultation avec un rendez-vous lors d’un jour ouvré, car ce praticien ne propose pas d’examen le samedi.

De profession libérale, il souhaite que son interruption de travail n’excède pas une journée de travail et insiste fortement sur ce point. De plus, son agenda professionnel étant bien chargé, il demande à ce que l’examen soit fait rapidement. Il a consulté le gastro-entérologue le lundi, et le praticien lui propose la coloscopie le jeudi suivant.

Il suit strictement les prescriptions médicales pour ce qui concerne la préparation colique les jours précédents l’examen.

Le jour dit, le patient se présente dans la structure de soins, et passe par le bureau des admissions pour valider les formalités de son séjour. Il arrive dans l’Unité d’Anesthésie et de Chirurgie Ambulatoire, où il est accueilli, installé dans sa chambre et où on lui précise que son examen aura lieu en fin de matinée.

La matinée se passe, et vers 12h45, le patient sonne et demande à quel moment il aura son examen. L’infirmière du secteur appelle le bloc ; la chef de bloc annonce alors que M. K n’est pas prévu au programme, et de plus, le gastro-entérologue n’est à priori plus dans l’établissement, ce que confirme l’appel téléphonique passé immédiatement. Le praticien ne peut venir, car il commence les consultations dans son cabinet. Il propose de réaliser l’examen à 17h00. Le patient très contrarié accepte néanmoins cette proposition pour garder le bénéfice de sa préparation colique.

L’examen est réalisé et ne révèle aucune particularité.

Le patient sort le lendemain matin.

Conséquences

Cet incident a eu comme conséquences :

- un retard dans la réalisation de l’examen planifié,
- une hospitalisation ambulatoire transformée en hospitalisation complète,
- un rajout de patient à la dernière minute, avec la nécessité de trouver une équipe pour réaliser l’examen,
- un patient mécontent qu’il a fallu convaincre alors qu’il ne voulait pas rester ; seul l’argument de ne pas refaire une préparation colique a permis d’infléchir sa décision première.

Méthodologie et analyse

Cet incident a été signalé par la chef de bloc opératoire, par le biais d’une déclaration d’événement indésirable dématérialisée. La responsable de l’Unité d’anesthésie et de chirurgie ambulatoire, la responsable du bloc opératoire, le médecin anesthésiste et le gastro-entérologue ont demandé à la gestionnaire de risques de procéder à une analyse de cette situation pour comprendre la génése de cette erreur de programmation.
L’objectif de ce retour d’expérience est de comprendre les mécanismes constitutifs de l’événement et éviter que cela ne se reproduise dans l’avenir.

Une analyse de risque a postériori est donc réalisée.

Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes constitutives seront recherchés. La méthode ALARM, recommandé par la Haute Autorité de Santé, est retenue.

  • Les facteurs contributifs discutés en équipe :

Facteurs liés aux patients 

Le patient ne présente aucun antécédent particulier, ni médical, ni chirurgical, si ce n’est le tableau clinique digestif pour lequel il va bénéficier d’une coloscopie totale.
Aucun autre élément contributif n’est à signaler.

Facteurs liés aux tâches à accomplir 

La procédure de programmation existe dans l’établissement, et plus précisément pour les praticiens qui ne consultent pas en son sein. Pour programmer un patient, le praticien doit :
- faxer une demande d’admission au dit bureau,
- une fiche d’annonce d’intervention ou/et d’examen au bloc opératoire.

L’analyse de cet événement indésirable a montré que la fiche d’annonce n’a pas été envoyée au bloc opératoire pour inscrire le malade au programme.
La charte de bloc opératoire prévoit un staff de régulation hebdomadaire pour une revue des interventions planifiées et un contrôle de l’adéquation des ressources humaines et matérielles versus le programme opératoire. La responsable de la gestion des lits de la structure y participe pour vérifier la similitude des informations du programme opératoire et le prévisionnel des lits occupés.

L’analyse de cet incident a permis de montrer que ce rajout de dernière minute n’a pas permis de réaliser le contrôle habituel entre programme opératoire et planification prévisionnelle des lits.

Une procédure de contrôle du programme opératoire du jour est rédigée : elle consiste à vérifier si des éléments nouveaux se sont rajoutés, et de vérifier de quel chambre ou box bénéficient les patients programmés pour une meilleure efficience de la fonction brancardage.
L’analyse de cette erreur a montré que la réciproque n’est pas réalisée, à savoir que la responsable de la gestion des lits ne vérifient pas que les malades admis sont bien prévus sur la planification opératoire du lendemain.

Pour le reste, les autres procédures ont bien été appliquées :
- procédure d’identitovigilance,
- procédure d’admission à l’arrivée du patient,
- préparation colique avant l’examen,
- préparation du patient avant le départ au bloc,
- réalisation de la consultation d’anesthésie,
- procédure de sortie après examen.

Toutes les personnes qui sont intervenues dans les différents process en lien avec cet examen sont les professionnels habituels.
Exception faite de l’infirmière intérimaire de l’Unité d’Anesthésie et de Chirurgie Ambulatoire venant pour la première fois.

Facteurs liés à l’équipe

Les membres des équipes soignantes sont des professionnels qui travaillent dans ce secteur depuis plusieurs années, et qui connaissent les organisations, les procédures et les locaux. A l’exception de l’infirmière intérimaire qui n’a pas eu le réflexe de vérifier que le patient était prévu sur le programme opératoire. A la question du malade concernant l’horaire de son examen, elle a conclu trop vite que le patient avait été rajouté au programme sans le vérifier.
Les transmissions ont été néanmoins réalisées à l’arrivée de l’intérimaire, mais sans avoir mis en place un contrôle du travail réalisé.

Facteurs liés à l’environnement de travail 

Le programme opératoire du jour était important, faisant partie des jours de grosse activité. Ce qui explique l’appel à une ressource intérimaire.
Ce niveau d’activité est réalisé toutes les semaines, puisque le jeudi est la grosse journée opératoire.

Facteurs liés à l’organisation et au management 

Les différentes procédures sont connues de tous dans la structure.
Une vigilance constante est de mise, dans ce contexte, pour mettre les effectifs en adéquation avec la charge de travail.
L’analyse de cet incident montre que le personnel intérimaire était une jeune professionnelle, avec une expérience modeste, et une totale méconnaissance de l’établissement.

Facteurs liés au contexte institutionnel

Cet établissement de santé est organisé pour prendre en charge ce type de pathologie.

  • En résumé : les facteurs contributifs suivants sont retenus

- La fiche d’annonce n’a pas été envoyée au bloc opératoire pour inscrire le malade au programme.
- Le rajout de dernière minute n’a pas permis de réaliser le contrôle habituel entre programme opératoire et planification prévisionnelle des lits.
- La responsable de la gestion des lits ne vérifie pas que les malades admis sont bien prévus sur la planification opératoire du lendemain.
- Le personnel intérimaire était une jeune professionnelle, avec une expérience modeste, et une totale méconnaissance de l’établissement.
- Une charge de travail très lourde ce jour là, ne permettant pas une intégration adéquate de ce personnel de remplacement.

Les pistes de réflexion et/ ou d'amélioration

L’analyse de cette situation a conduit les professionnels médicaux et paramédicaux à réfléchir sur les points suivants :

- un point de contrôle supplémentaire de la responsable de la gestion des lits par rapport au programme opératoire.
- un rappel à la collaboratrice du praticien pour ne pas oublier l’envoi de l’annonce d’intervention.
- un rappel au praticien des risques générés d’un rajout de dernière minute.
- une réflexion à initier sur la nécessité de faire appel à du personnel intérimaire, ou sur la façon de l’intégrer à l’équipe dans une dynamique « sécure ».

Conclusion

Une démarche de gestion de risques à priori, réalisation d’une cartographie de risques du process programmation par exemple, aurait peut être permis d’éviter cette erreur.

Cette analyse a posteriori propose une amélioration de la procédure ; la nécessité de vérifier l’efficacité de cette mesure correctrice est une condition sine qua none pour finaliser cette démarche.