Erreur d'identité récupérée en Procréation Médicale Assistée (PMA)

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Erreur d'identité récupérée en Procréation Médicale Assistée (PMA)

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  • Couple dans une chambre d'hôpital | La Prévention Médicale

Les barrières de sécurité, lorsqu’elles sont mises en œuvre et appliquées, permettent de récupérer des erreurs qui pourraient avoir des conséquences graves. Les contrôles multiples sur un même point de vigilance peuvent paraître redondants, mais ils permettent également de corriger un système défaillant. Illustration avec cette erreur d'identité en PMA.

Auteur : Bruno FRATTINI – Cadre Supérieur de Santé IADE – Expert en prévention des risques - MACSF / MAJ : 07/09/2022

Présentation du contexte

Mme V. rencontre des difficultés pour débuter une grossesse…

Avec son conjoint, elle consulte son gynécologue obstétricien qui leur propose de faire un bilan de stérilité, stratégie acceptée par le couple.

Les différents examens réalisés montreront une anomalie tubaire chez la patiente, avec des trompes de Fallope non perméables dans un contexte d’infections génitales recensées dans les antécédents de la jeune femme.

La cœlioscopie exploratrice réalisée dans le cadre de ce bilan de fertilité a également montré qu’une intervention chirurgicale pour les reperméabiliser s’avère compliquée. Le praticien spécialiste explique au couple qu’un traitement chirurgical est possible, mais avec des chances modestes de réussite.

Il propose de recourir aux techniques de procréation médicale assistée (PMA), et plus précisément à une fécondation in vitro (FIV). Les informations nécessaires à la bonne compréhension de cette solution sont données. Le couple accepte alors cette proposition.

Les éléments des différents examens étant favorables, le protocole est lancé :

  • La stimulation ovarienne est débutée, avec son suivi échographique.
  • Le déclenchement est décidé au vu de la taille des follicules mesurée lors des différentes échographies et le recueil des ovocytes est programmé 36 heures plus tard. Il sera réalisé sous anesthésie générale (AG).
  • Pour ce prélèvement, la patiente est hospitalisée en secteur ambulatoire. Elle a préalablement réalisé sa pré-admission lors de l’injection hormonale déclenchant l’ovulation.
  • A son arrivée en secteur ambulatoire, elle est accueillie par une infirmière qui réalise les formalités administratives, valide les éléments de la pré-admission, édite les étiquettes de la patiente, l’installe en box et la prépare pour son passage au bloc opératoire.
  • La patiente est ensuite transférée au bloc, accueillie par l’infirmière de bloc qui a la charge du programme de PMA et réalise l’entretien pré-opératoire seule. Elle l’installe ensuite en salle d’opération, le médecin anesthésiste arrive pour réaliser l’induction anesthésique après avoir fait sa visite préanesthésique. 
  • Les ovocytes sont prélevés sans difficulté, placés dans une étuve pour les acheminer au laboratoire de PMA afin d’être traités par la technicienne de laboratoire.
  • Elle effectue les contrôles d’identitovigilance ad hoc, et s’aperçoit alors que l’identité de la patiente mentionnée sur les seringues de prélèvement d’ovocytes est différente de celle mentionnée sur le programme de PMA.
  • Elle contacte aussitôt l’infirmière de bloc opératoire qui interroge de nouveau la patiente qui était réveillée : cette dernière confirme l’identité mentionnée sur le programme opératoire et de PMA.

Rapidement, les investigations menées montreront que deux patientes, portant le même nom, bénéficiaient du même protocole, et que la seconde patiente devait bénéficier de son prélèvement d’ovocyte le lendemain. L’IDE du secteur ambulatoire avait validé le mauvais dossier… 

Cette erreur d’identité a été signalée, via le système de signalement, à la cellule d’identitovigilance qui a fait le nécessaire pour récupérer l’erreur au niveau des données patient.

Conséquences

Cette erreur d’identité n’a pas eu de conséquences graves pour la patiente, car elle a été totalement récupérée.

Néanmoins, les équipes soignantes impactées par cette erreur sont choquées des impacts potentiels de cet événement indésirable.

Méthodologie et analyse

La Cellule d’IdentitoVigilance (CIV) décide de réaliser une analyse de cet incident afin de pouvoir relayer aux équipes les facteurs contributifs identifiés qui ont permis la genèse de cette erreur et initier une démarche pédagogique en partage.

L’objectif de ce retour d’expérience est donc de comprendre le mécanisme de cet événement et d’éviter de renouveler ce type d’incident dans l’avenir.

Une analyse de risque a postériori est donc réalisée.

Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes conduisant à cette erreur seront recherchés. La méthode ALARM est retenue.

Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de cette patiente : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier.

Cause immédiate

C’est la technicienne de laboratoire qui a détecté l’erreur d’identité lors des contrôles attendus à l’arrivée des prélèvements.

Causes profondes

 

En résumé

  • Des effectifs problématiques au bloc opératoire qui ne permettent une gestion des ressources humaines efficiente.
  • Un turn over dans les secteurs d’hospitalisation qui ne permet pas d’organiser une Qualité de Vie au Travail pour les nouveaux arrivants : tutorat, formation, accompagnement…
  • Des procédures d’identitovigilance existantes, mais qui ne sont pas toujours appliquées en raison des charges de travail décrites comme très lourdes…
  • Des vérifications d’identité trop souvent réalisées en mode dégradé…
  • Une culture de sécurité balbutiante, avec un nombre d’interruption de tâches décrit comme très important…
  • Une politique de gestion des ressources humaines inexistante : pas de prise en compte des indicateurs sociaux…
  • Une succession de vérifications d’identité incomplète : IDE du secteur ambulatoire, Ide du Bloc Opératoire, l’interne, le MAR…

 

Partant de cette analyse, il est important de mettre en évidence les barrières de défenses qui ont été déficientes.  

Barrière qui a détecté l’incident 

  • Récupération : c’est la technicienne de laboratoire de PMA qui a détecté l’erreur d’identité. Elle avait été mise au courant par le praticien de cette particularité concernant l’homonymie et du calendrier concernant les prises en charge.

Barrières qui n’ont pas fonctionné et qui ont permis l’incident

  • Prévention : interruption de tâche reconnue comme habituelle par les professionnels pour la structure de soins.
  • Prévention : pas de vérification de l’identité des malades par une question ouverture systématique, en faisant épeler nom de naissance, prénom, date de naissance….
  • Prévention : gestion des effectifs sans réelle prise en compte des charges de travail.
  • Prévention : pas de renfort en effectif demandé par l’encadrement. Les managers doivent passer par la Direction des Soins qui n’a pas de moyens complémentaires à accorder…
  • Prévention : pas de politique d’accueil et d’intégration des professionnels arrivant dans leur poste.
  • Prévention : limiter voire supprimer les interruptions des tâches sensibles.

Les pistes de réflexion et/ou d’amélioration

En parallèle à cette analyse, une enquête sur la QVT des professionnels a rendu ses conclusions. Elles ont fait prendre conscience à la Direction Générale (DG et DGA qui viennent d’arriver) des faiblesses de leur politique de gestion des ressources humaines, car les charges de travail ont été décrites comme trop lourdes, ne permettant pas le respect des procédures de la structure de soins. 

Le mode dégradé de la politique d’identitovigilance est un exemple parmi d’autres des conséquences de l’absence d’une culture de sécurité efficiente.

Il a été décidé d’étudier la mise en œuvre de plusieurs pistes d’améliorations :

  • Mettre en œuvre un outil simple de calcul de la charge de travail pour dimensionner les équipes dans le respect des procédures de soins.
  • Mettre en œuvre une politique de sécurité des soins optimale avec la construction d’indicateurs en routine pour suivre les pistes d’amélioration retenues.
  • Développer les actions de formation en lien avec la démarche de certification, pour faire progresser les indicateurs retenus.
  • Développer une politique d’accueil et d’intégration des nouveaux arrivants pour pérenniser les effectifs, synonyme d’efficience et de sécurité pour les malades.

Ces pistes d’amélioration retenues le sont dans un contexte général dégradé, les autres actions d’amélioration le seront au fur et à mesure des revues des EI déclarés, revue qui sera hebdomadaire pour plus de réactivité.

Conclusion

L’interruption de tâche reste un sujet sensible à prendre en compte, parce qu’elle est un facteur contributif à l’erreur de manière générale, à l’erreur d’identitovigilance en particulier…

Les contrôles multiples, pour les thématiques de sécurité, doivent devenir la règle, comme l’a bien décrit James REASON. C’est collectivement que la politique de sécurité d’une structure de soins pourra atteindre un niveau optimal… condition pour que les soignés bénéficient d’une haute qualité dans les soins et les soignants dans leur vie professionnelle.